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LE RAIDILLON DE FRANCORCHAMPS - Les 75 ans du « Grand Juge »

  • Patrimoine
Liège

Par Waw

La Rascasse, le Portier, le Casino, le Karrussel, Blanchimont, La Source, Tamburello... Autant de noms de virages célèbres que connaissent bien les amateurs de Formule 1 ! Ils appartiennent à ces circuits tout aussi mythiques que sont le Nürburgring, Monza, Monaco ou Francorchamps.

Et puis, il y a le Raidillon, ce véritable « mur » qui a octroyé au circuit de Francorchamps cette réputation de « Grand Juge » qui lui colle au bitume et grâce auquel, comme le disait Dan Gurney (vainqueur du Grand Prix de Belgique F1 en 1967), on peut « voir la différence entre les hommes et les petits garçons ! » Ce virage de légende – probablement le premier virage créé artificiellement en Europe pour la compétition automobile et motocycliste – a été créé en 1939. Il fête donc cette année son 75e anniversaire !

Écrasé avant de s’envoler

Le Raidillon est un enchaînement de virages « gauche-droite-gauche » dont la caractéristique majeure réside dans la montée vertigineuse qu’offre le virage à droite, alors que la sortie de cette courbe est à gauche et débouche sur une longue ligne droite. Ainsi, lorsque le pilote se présente à près de 300 km/h à l’entrée de l’enchaînement, il se trouve face à un « mur » (17% de pente !) avant d’être écrasé successivement dans son baquet en entrée de courbe (4G de force latérale en F1) , puis de « voir le ciel » et, quasi totalement délesté sur une bosse (1G de force verticale en F1 !) , se sentir presque « pousser des ailes » en fin de virage puisque, selon les ingénieurs, la voiture est alors quasi en apesanteur... Le regretté Jacques Villeneuve était un vrai fan de ce Raidillon. « À chaque passage, expliquait-il, c’est un combat entre votre instinct de survie qui vous commande de lever le pied, et votre envie de repousser vos limites. Il faut être très courageux au moment d’aborder cette montagne ! Et s’il n’y avait pas ce risque, il n’y aurait pas ce plaisir du pilotage. »

Exit « l’ancienne douane »

Lorsqu’en 1920, le directeur du journal La Meuse, Jules de Thier, avec son ami Henry Langlois Van Ophem, qui présidait de la commission sportive du R.A.C.B., décidèrent de créer un circuit automobile à Francorchamps, ils ne savaient pas encore qu’ils allaient inscrire en lettres d’or le nom de cette petite commune dans l’histoire de la compétition auto et moto au niveau mondial ! Le circuit lui-même fut à vrai dire rapidement tracé, avec le soutien également du bourgmestre de Spa, le baron Joseph de Crawhez. Les routes qui relient Malmedy, Stavelot et Francorchamps furent sommairement aménagées et dès 1921, les courses se succédèrent sur un circuit très rapide, long de plus de 15 kilomètres. Francorchamps ouvrait alors sans le savoir une nouvelle ère de la compétition automobile puisqu’en 1922 fut créé le circuit de Monza, en Italie ; le Nürburgring, en Allemagne, suivit en 1927, tandis que le circuit urbain de Monaco fut inauguré en 1929.

Aux yeux de ses créateurs, le circuit de Francorchamps se devait d’être un must à tous points de vue et, surtout, le plus rapide ! Or, un virage – ou plutôt une épingle, en forme de U – posait problème à cet égard : il s’agissait du virage dit « de l’ancienne douane », proche de l’Eau Rouge, qui ralentissait considérablement les compétiteurs. C’est ainsi que les responsables des courses, en 1939, décidèrent de « couper » ce virage par une longue courbe à droite à franchir en pente raide d’où ce nom qui deviendra rapidement célèbre : le « Raidillon » qui, en réalité, concrétisait à merveille le dessein premier d’Henry Langlois qui avait dit, en traçant le circuit 19 ans plus tôt : « Le site de la vallée de l’Eau Rouge est l’emplacement rêvé. On pourra y suivre toute la montée de Burenville ! ». Vision prophétique !

Consécration du circuit le plus « vite »

Les stars de l’époque adoptèrent rapidement cette modification en dépit du danger supplémentaire qu’il offrait car, à l’époque déjà, les bolides atteignaient 300 km/h alors que les pilotes ne disposaient même pas de simples ceintures de sécurité. L’Italien Tazio Nuvolari – qui pilota notamment des motos Saroléa avant d’entamer une fructueuse carrière automobile – ne tarissait pas d’éloges sur cette courbe. « Ce nouveau virage rend le tracé encore bien plus sélectif, expliquait-il, parce qu’il met en évidence les qualités de tenue de route des voitures à un endroit où le public est toujours très nombreux ! »

Ce public dut toutefois attendre la fin de la guerre pour pouvoir vraiment profiter de ce nouveau et spectaculaire virage, d’autant que le conflit avait laissé les installations du circuit très dégradées. Une nouvelle piste et de nouvelles tribunes furent dès lors aménagées et, en 1946, les autorités de l’époque inaugurèrent un nouveau « Circuit National de Francorchamps » doté d’un comité de gestion provisoire. Deux ans plus tard, l’Intercommunale du Circuit fut également créée avec la Province de Liège, les 5 communes traversées par le circuit, l’État belge, le Royal Automobile Club de Belgique (R.A.C.B.) et la Fédération Motocycliste de Belgique (F.M.B.).

C’est ainsi que les responsables des courses, en 1939, décidèrent de « couper » ce virage par une longue courbe à droite à franchir en pente raide... d’où ce nom qui deviendra rapidement célèbre : le « Raidillon » qui, en réalité, concrétisait à merveille le dessein premier d’Henry Langlois

 

Spectacle de tous les instants

Au fil des ans toutefois, et avec les avancées technologiques dont bénéficient les bolides, les vitesses de passage en virage devinrent très élevées et les dégagements alentours du Raidillon devinrent trop étroits. La piste fut ainsi élargie en 1970, mais c’est en 1983 qu’intervint le changement le plus important, avec le déplacement du virage de 10 mètres vers la droite. De cette façon, l’angle de la courbe fut nettement diminué mais parallèlement, et paradoxalement peut-être, les vitesses de passage furent augmentées.

Ceci eut pour conséquence d’imposer la mise en place d’importants secteurs de dégagement (rendus possibles par le déplacement de la courbe) et surtout, d’engendrer un spectacle encore plus étonnant et de tous les instants. Les amateurs de F1 se souviendront encore longtemps, par exemple, du dépassement inouï qu’opéra Mark  Webber et sa « Red Bull » sur la Ferrari de Fernando Alonso lors du GP de 2011. Et certains de rêver du retour du MotoGP à Francorchamps, question d’y voir les bagarres homériques entre les Marquez, Lorenzo, Rossi et autres Pedrosa et de se rappeler celles, toutes aussi homériques, de Surtees, Hailwood, Agostini ou Read. Mais ceci est une autre histoire.

La mémoire du mythe : René Bovy !

WAW vous proposera prochainement la suite de cette histoire avec, en guise de guide, une personnalité tout aussi mythique : René Bovy, la mémoire de Francorchamps et de son histoire. Premier secrétaire-trésorier du « Circuit National de Francorchamps », René Bovy est né en 1922... dans le virage de Masta – au milieu du circuit ! Il en connaît tous les recoins et toute l’histoire, et anime encore aujourd’hui avec Herman Maudoux, Pierre Christophe et d’autres, le Musée du Circuit. Avec eux, la légende de Francorchamps n’est pas prête de s’éteindre !

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