Waw magazine

Waw magazine

Menu

Léopold Ier RÉ-ANIMÉ À NAMUR

  • Portrait
  • / Culture
  • / A la Une
Namur  / Cognelée

Par Christian Sonon

Mad Cat Studio est une jeune société de production de films d’animation installée dans la région namuroise. Une équipe talentueuse si l’on en juge par son premier film, « Léopold, Roi des Belges », qui a été sélectionné au Festival International du Film Francophone de Namur.

 « J’ai en tête de réaliser un petit film d’animation de cinq minutes sur Léopold Ier. J’aimerais montrer ses côtés romantique et lugubre. Est-ce que cela t’intéresserait de t’occuper de la mise en scène et de l’aspect historique ? »

Nous sommes en 2013 et celui qui fait cette proposition s’appelle Cédric Vandresse. Il a montré son savoir-faire en réalisant de fantastiques décors pour le cinéma américain puis pour des films d’animation en stop motion avant d’atterrir dans les studios du Pôle Image de Liège. En face de lui, le Namurois Matthieu Collard, historien et homme de théâtre qui a été à la base de la création de l’Isolat, le collectif chargé de retravailler le concept des Médiévales sur le site de la Citadelle de Namur. C’est dans ce cadre que Cédric a été engagé afin de réaliser des décors médiévaux, mais il a une autre idée en tête et c’est cette petite graine qui va germer et donner naissance à Mad Cat Studio.

« Notre entreprise a été créée en 2013 sous forme d’asbl, puis en 2016 sous forme de société coopérative, explique Matthieu Collard, qui cumule mise en scène de théâtre et organisation de spectacles et d’expositions. Formée initialement autour de Cédric et moi, l’équipe – des dessinateurs, des spécialistes en animation mais également des financiers – s’est peu à peu étoffée au hasard des rencontres et des affinités sur le principe que si l’humain suit, le reste suivra également. Il faut savoir qu’en 2013 le rythme de travail des artistes belges, principalement liégeois, dépendaient beaucoup du bon vouloir des sociétés françaises, alors qu’aujourd’hui les demandes pour les films d’animation affluent. En développant notre propre studio, nous nous sommes assuré la maîtrise des coûts depuis la conception jusqu’à l’aboutissement des projets et nous jouissons ainsi d’une autonomie totale. Cela nous permet de pérenniser une équipe. Mon rêve, pour 2019, serait de pouvoir engager des dessinateurs, dont plusieurs sont en situation précaire, et de trouver un bâtiment pour y aménager des bureaux. Car si le siège de Mad Cat Studio est chez moi, à Cognelée, chacun travaille encore chez lui devant son ordinateur. »

Des petits films, des illustrations, des décors…

En attendant de rasseoir Léopold Ier sur ses fondements historiques, la société namuroise a commencé à travailler sur base de commandes. Pour des illustrations principalement. Ainsile Bureau International de la Jeunesse lui a demandé d’illustrer sa campagne contre la haine en ligne « No hate » et l’agence-conseil en économie sociale Propage’s s’est adressée à elle pour donner une touche un peu plus détendue à son site. Mais grâce à l’expertise de Cédric Davresse, le Mad Cat Studio est également en mesure de proposer ses services dans la réalisation de décors réels pour le cinéma, le théâtre et les expositions. Enfin, ses artistes mettent aussi leur talent au service de la création et de la fabrication de décors pour les films réalisés en stop motion.

Un premier court métrage sélectionné au FIFF

Mais si l’on parle aujourd’hui de Mad Cat Studio, c’est surtout grâce à sa première production, « Léopold, roi des belges », un court métrage d’animation réalisé par Cédric Vandresse et sélectionné pour le Festival International du Film Francophone de Namur (28 septembre - 5 octobre). « Le film a mis cinq ans à voir le jour, soit trois consacrés aux discussions et à l’écriture du scénario, et deux à la réalisation », raconte Matthieu Collard qui s’est logiquement chargé de veiller au respect de la vérité historique. « Notre objectif était d’expliquer aux plus jeunes qui était le premier Roi des Belges et comment il a pris les affaires de la Belgique en main. Compte tenu du public ciblé, nous avons opté pour un ton « peps » et des dessins caricaturaux. De fil en aiguilles, le scénario a grossi et, in fine, le film fait 47 minutes ! Ce qui explique qu’une cinquantaine d’artistes, dont des stagiaires, ont été nécessaires pour dessiner les décors, animer les marionnettes (les personnages) à l’écran, faire les voix et jouer la musique ».

Coup d’essai, coup de maître : le film est un petit bijou qui se regarde avec énormément de plaisir. Non seulement le ton est décalé et les répliques drôles, mais les images sont un régal. Grâce à la technique de l’animatique, qui consiste à enregistrer le storyboard en synchronisation avec la bande-dialogues, on a l’illusion de regarder un film en 3D, impression renforcée par un découpage et un montage très cinématographiques. Quant à l’éclairage tout en contrastes qui donne au film son atmosphère, elle est due – dixit Matthieu – « au génie de Cédric en matière de mise en lumière ».

La musique originale contribue elle aussi à l’ambiance. Elle est l’œuvre de Stéphane Orlando, un compositeur namurois qui est à la fois professeur d’académie, pianiste-concertiste et spécialisé dans la production de bandes-son musicales (soundtracks). « Il s’est présenté lui-même après avoir entendu parlé de notre projet à la radio et a accepté de travailler pour un salaire défiant toute concurrence ».

Diffusé par Arte France

Il n’a pas été le seul dans le cas et c’est ce qui a permis au budget global de ne pas dépasser la barre des 250.000 euros alors qu’il en aurait fallu trois fois davantage. Pour le financement, Matthieu Collard a eu recours au crowfunding et fait appel à des investisseurs privés, mais le film a surtout bénéficié du soutien du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel de la Fédération Wallonie-Belgique (commission de sélections des films) et de divers organismes comme le Taxshelter et le Bureau d’accueil des tournages de Liège (CLAP).

« Nous avons proposé notre film à différents festivals, comme le Festival du Film Historique de Waterloo, le Festival du film d’animation de Bruxelles, le Festival du court-métrage de Clermont-Ferrand et le Festival d’Annecy, qui est en quelque sorte le Festival de Cannes des film d’animation, mais ce qui est particulièrement réjouissant c’est qu’il a été accepté par Arte France dont les exigences de qualité sont bien connues. Ce qui signifie que le grand public pourra le voir sur le petit écran… »

Jacques Arcadelt, compositeur méconnu

En attendant des récompenses qui ne sauraient lui échapper, le Mad Cat Studio continue à répondre aux demandes d’illustrations tout en se penchant sur une deuxième production cinématographique : un court-métrage sur le compositeur… namurois Jacques Arcadelt, qui vécut au XVIe siècle et composa de très nombreux madrigaux pour les Médicis à Florence et les Farnèse à Rome, avant de devenir musicien du roi de France de 1556 à 1560. « Le CAV&MA, le Centre d’Art Vocal et de Musique Ancienne, qui a obtenu la gestion du Grand Manège à Namur lorsqu’il sera rénové, a décidé de faire sortir ce compositeur de l’oubli en reprenant des chansons et musiques de son répertoire. Et il s’est adressé à notre studio afin de réaliser sur ce personnage un film d’animation. Ce sera sans doute plus difficile d’adopter un ton humoristique, mais on verra ; le dossier est entre les mains de la Commission des Films. »

 www.madcatstudio.be

 Encadré :

Léopold Ier, Roi des Belges

On le surnomme le roi vampire, tant le personnage, qui mit longtemps à se remettre de la mort de sa jeune épouse Charlotte, l’héritière du trône d’Angleterre, vivait de façon lugubre dans son château, peu enclin à participer aux fastes de la cour. Mais placé devant ses responsabilités, il va prendre de l’envergure et faire de ce petit état qu’est la Belgique une véritable nation.

« Ce film, qui allie esprit didactique, justesse historique et humour, a pour ambitions de mieux faire connaître le premier Roi des Belges mais aussi d’expliquer comment la Belgique est née, explique Matthieu Collard. C’est une histoire un peu surréaliste que les cours d’histoire de primaire résument souvent par la volonté des grandes puissances de créer un état tampon afin d’éviter que les idées révolutionnaires françaises se propagent en Europe. Mais la réalité historique est plus complexe car la Belgique fut longtemps étranglée par Guillaume Ier et les Pays-Bas. Si, au début de son règne, Léopold apparaît comme un roi faiblard que l’on a placé sur le trône pour ne pas avoir de problème, au terme de son règne, il est écouté par toutes les cours d’Europe. Il a une véritable envergure diplomatique et est le garant de la paix ».

Toute médaille, même royale, ayant un revers, Léopold Ier, trop occupé à ériger un nouveau pays, néglige son fils, l’héritier du trône, et le film se termine sur l’image d’un Léopold II agressif et égocentrique qui interroge le portrait de son père : « Comment avez-vous pu tenir entre des frontières aussi étroites ? » Si, sur l’échiquier politique, le roi blanc est couché, l’avenir des petits pions noirs n’est guère rassurant…

 

À lire aussi

La Newsletter

Your opinion counts