- Business
- / Économie
Par Lucie Hermant
Transmuter le plomb en or ou l’eau en vin. Spectaculaire !
Et le macaron en trésor ? Un étudiant de 23 ans l’a fait. Michaël Labro, aspirant médecin,
passionné de pâtisserie depuis l’enfance, est le créateur d’une success story au goût d’amande.
Né sous une bonne étoile, Michaël Labro a foulé les pistes d’un manège équestre dès son enfance. Aux côtés de ses parents ingénieurs, le petit pâtissier avait déjà le tour pour conjuguer ses passionsavec un certain sens des affaires. Tous les week-ends, il concoctait des douceurs qu’il revendait aux cavaliers. « Je vendais mes pâtisseries pour quelques euros seulement. L’objectif n’était pas de faire du bénéfice, juste de rentrer dans les frais des matières premières pour continuer chaque semaine », se souvient-il. En 2010, il reçoit un bon d’achat FNAC de 20 € qu’il investit dans un livre sur les macarons. Ces petites douceurs deviennent tendance et promettent un défi à la hauteur des ambitions de Michaël. Le bricolage ne suffit plus pour obtenir un résultat satisfaisant. Perfectionniste et cabochard, le jeune Labro ose tout et contacte Mercotte pour peaufiner ses productions. La critique culinaire et gastronome française qui anime l’émission télévisée « Le Meilleur Pâtissier » répond au Liégeois et lui transmet quelques astuces.
À force d’obstination et de curiosité, l’adolescent parvient à réaliser les macarons de ses rêves. Et l’aubaine n’a pas échappé au meilleur ami de Michaël… Antoine, tombé sous le charme des macarons Labro, a l’idée de commercialiser ces petits bijoux. Ils étaient en dernière année de secondaire quand ils se sont lancés sur le marché via le porte-à-porte. Ensemble, ils préparaient les macarons, les emballaient, les livraient et géraient les commandes… qui ont d’ailleurs très vite décollé. Voisins, connaissances et cibles du bouche-à-oreille se sont laissés séduire, à un tel point que les demandes se comptaient par centaines.
Victime de son succès, Michaël Labro a rapidement dû s’émanciper de la cuisine familiale quidevenait trop petite. Il avait 18 ans quand il a ouvert son premier atelier de macarons à Grivegnée. Un petit espace de 80 m² qui répondait à toutes les exigences de l’AFSCA lui a alors permis de réaliser plusieurs centaines de macarons par semaine. Toujours accompagné d’Antoine, Michaël, tout juste majeur, lance ainsi sa première petite entreprise. « M&A Macarons » était né.
Futur docteur et jeune entrepreneur
Michaël fait partie de ces petits gars très agaçants à qui tout réussit. Au point qu’il soit passé de lapremière année de Bachelier en médecine à la quatrième, d’une seule traite et haut la main. Tout en développant M&A Macarons, bien entendu. Et c’est dans ces années-là qu’Antoine a choisi de quitter le navire pour se consacrer exclusivement à ses études. De son côté, Michaël décide de maintenir le cap, avant même de savoir que le destin déciderait bientôt de lui donner un nouveau coup de pouce. En 2014, le Conseil d’Administration de l’Université de Liège met officiellement en place un statut d’étudiant entrepreneur. Après l’Université de Gand trois ans plus tôt, l’ULg choisit de donner la possibilité à certains étudiants de concilier plus facilement cursus académique et création d’entreprises. Une fameuse aubaine pour Michaël ! Depuis, il a bénéficié d’aménagements au niveau de ses horaires de cours et d’examens, ainsi que d’un étalement des études. Pour l’année académique 2015-2016, il réalise donc la seconde partie du BAC 4 qu’il peut organiser sur deux ans. En plus d’une liberté nouvelle au niveau des horaires, Michaël et autres étudiants entrepreneurs del’ULg peuvent aujourd’hui bénéficier d’un encadrement de leur projet entrepreneurial. Plusieurs tuteurs académiques et professionnels sont désignés pour participer au développement économique et commercial de chaque entrepreneur en formation. Pour la suite de la carrière étudiante de Michaël, le cursus universitaire en médecine prévoit principalement des stages pratiques.L’entrepreneur va donc devoir mettre ses études de côté dès l’année prochaine. Il aura alors légalement cinq ans pour débuter ses stages, avant que ses acquis théoriques ne tombent aux oubliettes. Cinq ans, donc, qu’il va consacrer à porter M&A Macarons à son plein potentiel. Et notre petit doigt nous dit que c’est en bonne voie...
Devenir grand
Alors que Michaël clôturait sa troisième session d’examens de fin d’année, il a signé un partenariat avec le pendant belge de la chaîne Point Chaud. Une première collaboration juteuse qui a permis à la petite entreprise de se développer et de renforcer son matériel de production sur fonds propres. La même année, Michaël a séduit Philippe Lhoest, jusque là consultant en agroalimentaire. Ensemble, ils ont lancé, en 2014, « PMSweet SPRL » et ont déménagé le matériel de production dans un plus grand espace. Aujourd’hui, ils gèrent 280 m² de bureaux et d’ateliers rue de la Brasserie à Liège. Treize employés à temps plein se partagent toutes les étapes de réalisation jusqu’à l’emballage, à la main. Du côté des partenaires, PMSweet SPRL ne cesse de grandir. L’entreprise compte actuellement une centaine de clients rien qu’en Belgique, parmi lesquels on retrouve la chaîne Delhaize. Mais le marché du plat pays ne suffit plus aux gourmands ambitieux. Hong-Kong, Walmart Chine et USA, ou le Festival de Cannes (rien que ça !) se disputent aujourd’hui les macarons du Liégeois. Forte d’un carnet d’adresses chaque année plus fourni, PMSweet SPRL a enregistré un chiffre d’affaires de 250 000 € en 2014 et de 1 300 000 € en 2015.
Se démarquer
Si Michaël Labro doit une partie de son succès à ses talents pâtissiers, la stratégie marketing est importante. Il a en effet choisi de produire pour vendre en gros. Ainsi, il peut proposer des prix compétitifs aux distributeurs. Il ne doit pas gérer de marque grand public et se contente de démarcher d’importantes enseignes pour vendre directement en grandes quantités et à l’international. Les particuliers peuvent aussi se fournir directement à l’atelier, sur commande.
Et du côté saveur, les petites douceurs de Michaël se distinguent de la grande distribution par leur qualité. Le chocolat utilisé vient directement de chez Valrhona. Aucun macaron n’est fait avec de la confiture pour privilégier la ganache, et tous les colorants utilisés sont naturels. Les produits finis peuvent se vanter d’une jolie taille et tous les goûts, à l’exception de spéculoos, sont réalisés sans gluten. Mais surtout, surtout ! Le jeune entrepreneur-pâtissier-médecin a mis au point la seuletechnique au monde qui permet de diminuer le taux de sucre dans la coque du macaron. Une excellente nouvelle pour les amoureux des macarons salés.
ÉTUDIANTS ENTREPRENEURS, UNE RACE EN VOIE D’APPARITION
M&A Macarons, FirstFace, EasyNote, Note Campus, Constellar ou Copy Sim sont quelques-unes des start-up portées par les « étudiants entrepreneurs » de l’Université de Liège depuis 2014. Ils étudient pour devenir médecin, ingénieur de gestion, informaticien, vétérinaire ou professionnel des métiers du livre, tout en créant leur petite entreprise. Mais on ne devient pas le roi du commerce en usant les bancs de l’école. Depuis bientôt vingt ans, l’Université catholique de Louvain a lancé un programme qui était, à l’époque, unique au monde. Depuis 1997, l’UCL propose une formation interdisciplinaire en entrepreneuriat. En 2011, l’Université de Gand a institué, pour la première fois en Belgique, le statut d’« Étudiant Entrepreneur ». Elle sera suivie par l’ULg en 2014 et l’UCL en septembre 2015. Lors de la dernière rentrée académique, l’UCL a élargi le label PEPS (Projet pour Étudiants a Profil Spécifique) aux étudiants entrepreneurs. Jusque la, le statut PEPS concernait uniquement lesétudiants artistes ou sportifs de haut niveau, ainsi que ceux qui vivent avec un handicap ou desproblèmes de santé particulièrement lourds. Le statut leur permet d’aménager leurs horaires et cursus selon leurs obligations et contraintes. Depuis septembre dernier, l’UCL a ouvert ce label aux étudiants entrepreneurs ou créateurs d’activité. Ce sont ainsi vingt étudiants qui ont présenté un projet concret d’entreprise à vocation sociale ou commerciale. Treize d’entre eux ont été retenus pour le projet pilote de l’année qui vient de s’écouler. Ces treize jeunes ambitieux représentent onze projets d’entreprise, puisque certains travaillent en binôme. Quelques-uns forment d’ailleurs des équipes réparties entre Mons et Louvain-la-Neuve, les deux sites de l’UCL. « Le choix s’est tourné vers des projets assez mûrs, qui ont dépassé le stade de l’idée, explique Léa Eeckhout, training manager de l’UCL. Il faut que le dossier se justifie par une activité qui est déjà en croissance. Il y a également un regard important qui est porté sur le parcours académique de chaque étudiant, de façon à ce qu’il ait les bagages nécessaires pour assurer ses arrières. » Soixante crédits acquis sont donc nécessaires. Au terme de la première année, l’UCL constate que les meilleures idées viennent d’équipes pluridisciplinaires. « Les équipes gagnantes comptent souvent plusieurs étudiants issus de facultés différentes. On a rencontré des projets étonnants et particulièrement innovants à partir de l’association de ressources très différentes », se réjouit Léa Eeckhout. Dans l’ensemble, si les étudiants manifestent un intérêt certain pour le statut d’étudiant entrepreneur, il semblerait que ce soit surtout dans une logique de reconnaissance officielle. Les conforts horaires ou l’étalement des études ne seraient donc pas leur objectif principal. « Souvent, les étudiants entrepreneurs sont des jeunes très courageux qui ne comptent pas leurs heures et qui sont motivés et ambitieux. Ils sont tout à fait capables de mener tout de front. D’ailleurs, on a eu très peu d’appels à l’étalement. Ce qu’ils cherchent surtout, c’est la reconnaissance de leur statut, tant au niveau de leur faculté universitaire, qu’aux yeux de leurs contacts d’entreprise ou de leur futur employeur », assure Léa Eeckhout. L’économie de notre région semble donc avoir de beaux jours devant elle. Bancs d’école,ambition et bonnes idées promettent de former bientôt une trinité redoutable. Et ce n’est pas la tourde verre de 1500 macarons Labro au Festival de Cannes qui nous dira le contraire.