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Par Matilda Ancora
Marie Kremer associe le charme, l’élégance et la fraîcheur à l’image de sa Wallonie. Jeune actrice déjà pourvue d’une large expérience aussi bien sur les planches que sur le grand écran, la comédienne ne craint pas les nouvelles expériences. Avide de nature et de liberté, loin d’elle l’idée de rester confinée dans un rôle ou dans un espace ! Entretien.
Dès son premier pas dans le Château de La Hulpe, la jeune femme sourit… Des tas de souvenirs lui passent par la tête. Cet endroit, c’est toute son enfance. Et avec la fraîcheur d’une enfant mi-rêveuse mi-sauvage, elle se livre. La journée shooting/interview gardera ce ton spontané du début à la fin. Humour, légèreté, pureté, simplicité, véracité et magie de l’existence sont au programme.
Marie Kremer a cette faculté d’avoir à la fois les pieds sur terre, la tête au ciel et… de nous y emmener !
Marie, racontez-nous ce que vous faisiez quand vous étiez petite dans ce Château de La Hulpe !
Marie Kremer — Dès qu’il y avait un mariage, je m’y introduisais avec mes copines. On faisait semblant de faire partie du mariage pour pouvoir en profiter et manger tout ce qu’il y avait sur les tables ! (Rires) Le Château de La Hulpe, c’est aussi mes premiers désirs de solitude, d’échappées, de nature. Ce n’est pas qu’un château, c’est un parc ouvert sur la forêt. J’ai toujours eu besoin de partir seule dans la nature.
Vous êtes née à Uccle mais vous êtes heureuse de faire la couverture d’un magazine wallon parce que la Wallonie fait partie de vos racines ancestrales mais surtout pour votre grand-père…
MK — Oui, j’adorais mon grand-père. Il voulait que l’on parle wallon ! J’ai d’excellents souvenirs des moments passés avec mes grands-parents. Ils habitaient entre Sivry et Rixensart et m’ont fait découvrir la Wallonie. On partait souvent visiter différents endroits. On prenait notre pique-nique. Mon grand-père était très attaché à la Wallonie et très fier d’être wallon. Il nous emmenait partout, à Charleroi, au Grand-Hornu, à La Louvière, à Namur voir des musées… Il était originaire de Soignies. Toute ma famille est wallonne en fait, sauf mon père qui est Luxembourgeois. Et moi, j’ai grandi entre Limal et La Hulpe.
Aujourd’hui, vous vivez principalement à Paris mais revenir à La Hulpe régulièrement vous est vital…
MK — Je vis des deux côtés en fait, et j’échappe à Bruxelles par La Hulpe ! Je m’y ressource grâce à sa nature, ses arbres. Mais c’est surtout mon lien à l’enfance qui m’y fait revenir.
Qu’est-ce qui vous plaît le plus en Wallonie que vous ne trouvez pas ailleurs ?
MK — L’accent ! Toute ma famille a cet accent typique que je ne retrouve nulle part ailleurs ! Et puis, il y a tous les souvenirs de mon enfance. Cela va paraître fou parce que beaucoup s’en plaignent mais, moi, j’adore la pluie, ses nuages. Tout ce qui est typique de la Belgique ! La façon de vivre des gens aussi.
Vous avez un rituel, des endroits où vous ne manquez jamais d’aller quand vous y revenez ?
MK — Ici bien entendu mais aussi à l’Abbaye de Villers-la-Ville. C’est un endroit magnifique !
Il y a dix ans, vous avez tourné dans : J’ai toujours voulu être une sainte. Cela vous plairait d’en être une ?
MK — Sûrement pas. Et ça n’existe de toute façon pas !
Vous avez un visage d’ange. Cache-t-il une part rebelle que vous aimeriez extérioriser ?
MK — Oui. J’ai de la colère en moi face à certaines choses. Je l’extériorise via le sport et mon métier mais… je n’ai pas encore trouvé la bonne manière de la faire sortir.
Quelle est la plus grande cause pour laquelle vous seriez prête à entrer dans un combat comme une vraie guerrière ?
MK — Pour la justesse, mon travail, pour une famille que j’ai à inventer. Me battre pour apprendre à être juste avec moi-même. Ensuite, on peut se permettre d’avoir un vrai positionnement par rapport au monde. Je suis sur un chemin, j’évolue mais à certains moments, je me sens comme un loup…
Êtes-vous féministe ?
MK — Non, enfin, ça dépend. Pas féministe contre les hommes car j’ai besoin d’eux, de leur avis. Ils m’apportent des choses essentielles que nous n’avons pas. Ils ont une simplicité de pensée que je ne retrouve que chez eux et qui m’est indispensable. Ils sont moins compliqués que les femmes.
La féministe d’aujourd’hui n’est pas celle d’hier. Elle a évolué et être féministe, c’est surtout prôner l’égalité…
MK — Dans ce sens, je le suis. Je trouve qu’on a bien avancé et qu’il ne faut pas s’arrêter mais continuer la revendication là où c’est nécessaire. Quand je vois ce qui se passe ailleurs, même si je suis d’accord avec certains combats, je trouve qu’on n’a pas à se plaindre. On est bien chez nous. Ici, j’ai bien conscience que je vais où je veux, je m’habille comme je veux et je fais ce que j’aime.
Cela vous plairait une société matriarcale avec les femmes aux commandes ?
MK — Non, pas du tout ! On a besoin des deux. En politique aussi, il faut un équilibre.
Marie Kremer et le cinéma, confidences
Vous tournez depuis 11 ans, à un rythme soutenu, environ 4 films par an et, pourtant, vous dites vous remettre sans cesse en question. Que remettez-vous en question ?
MK — Le fait que je doive toujours apprendre et m’améliorer… On apprend tous les jours et il faut toujours recommencer. Chaque rôle est différent. Et chaque tournage nécessite de se réinvestir différemment à chaque fois.
Vous fonctionnez à l’envie. Cela veut dire que vous ne tournez que dans des films qui vous parlent ?
MK — Pas du tout. Tout d’abord parce qu’il faut travailler. Aujourd’hui, je peux me permettre d’être un peu plus sélective mais le métier de comédien n’est pas facile. On ne bosse pas tous les jours. Refuser des rôles est une question de choix mais je pense qu’un acteur doit travailler autant qu’il peut tout en restant honnête face à son éthique. Certaines personnes disent qu’il ne faut pas faire de télé par exemple. Je ne suis pas d’accord. J’ai appris beaucoup sur tous mes tournages et des choses différentes à chaque fois ! Là, je tourne d’ailleurs pour France télévision.
On peut en savoir plus ?
MK — Je tourne dans Caïn, une série de huit épisodes réalisés par Bertrand Arthuys et diffusés sur France2.
À seulement 17 ans, vous commencez sur scène en intégrant la troupe des Baladins du miroir, avant de rejoindre la Compagnie des Bonimenteurs à Namur pour faire du théâtre de rue… Vous préférez le théâtre ou le cinéma ?
MK — Les deux… J’ai fait beaucoup de théâtre de rue mais j’aime aussi mon évolution.
Vous êtes plutôt discrète et timide, mais pour l’amour du cinéma, seriez-vous prête à jouer une scène plus intime ?
MK — Si c’est dans la continuité de l’histoire, oui. Mais il faut de la pudeur dans le cinéma.
Que pensez-vous du cinéma belge ?
MK — Beaucoup de bien. Il y a de bons films, qu’ils soient wallons ou flamands !
Le réalisateur Joachim Lafosse disait à la conférence de presse des Magritte que les films ne sont pas bons parce qu’ils sont belges, wallons ou flamands mais parce qu’ils sont justes. Qu’est pour vous un film juste ?
MK — Et il a raison ! Un film juste, c’est comme un acteur qui joue juste. C’est avoir le bon ton pour tout, dans le message à faire passer y compris.
Qu’est-ce qui est important pour vous en tant qu’actrice ?
MK — Une chose importante est de savoir bien s’entourer, aussi de gens qui ne font pas spécialement ce métier. Garder les pieds sur terre, ne pas devenir fâché sur un système qui n’est pas simple. Savoir se réinventer. Se battre.
Le DVD de Sous le figuier, superbe film d’Anne-Marie Étienne, sortira en novembre. Film produit en partie pour la Belgique, par Tarantula Production. Il aborde la mort avec beaucoup de délicatesse, sérénité et grandeur d’âme. Croyez-vous que de l’autre côté de la barrière, rien ne s’arrête vraiment ?
MK — Je ne sais pas. Ce que je pense, c’est qu’on ne meurt pas, dans la mesure où ce que l’on a transmis durant notre vie reste. Mon grand-père, par exemple, continue à vivre à travers moi par tout ce qu’il m’a apporté de beau et de fort.
Votre vision de la mort a changé après le film ?
MK — Oui peut-être… Parce que Selma (NDLR : Gisèle Casadesus) leur transmet une certaine douceur, un apaisement… Une façon d’aimer aussi. Elle donne beaucoup. Elle a depuis longtemps arrêté d’être égoïste.
Gisèle Casadesus interprète le rôle d’une vieille dame qui tire les cartes et manipule le pendule. Croyez-vous en la voyance ?
MK — Je pense que certaines personnes ressentent réellement des choses mais qu’il faut rester très prudent car il y a pas mal de charlatans.
Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans votre rencontre avec Gisèle Casadesus, doyenne du cinéma français puisqu’elle vient de fêter ses 99 ans ?
MK — Sa sagesse sur la vie, son humour permanent sur les choses de la vie y compris la sexualité ! La façon dont elle regarde aussi. Il n’y a aucune frustration, ni colère, ni mépris sur son visage. Je désire profondément grandir, vieillir de cette manière-là. Je veux retenir ça. Les personnes âgées sont souvent marquées d’une manière pas très jolie. Elle, elle porte l’amour en elle.
Parlez-nous de vos projets, des tournages en vue ?
MK — Oui, des projets de longs métrages… Tout est là, mais il faut que ça se concrétise. J’écris aussi un court-métrage que j’aimerais réaliser moi-même.
Bio Express
15 avril 1982 — naissance de Marie Kremer à Uccle
2001 — début des cours de comédienne à l’Insas
Juin 2012 — Marie reçoit le prix Suzanne Bianchetti (SACD)
Juin 2012 — l’actrice se marie
Filmographie (sélective)
Cinéma
→ J’ai toujours voulu être une sainte (2002)
→ Saint-Jacques… La Mecque (2003)
→ Les Toits de Paris (2006)
→ Dikkenek (2006)
→ Soeur Sourire (2008)
→ Au cul du loup (2011)
→ Louise Wimmer (2012)
→ Chez nous c’est trois ! (2012)
Télévision
→ L’Arche de Babel (2007)
→ Chez Maupassant, saison 1 (2007)
→ Un Village français, saison 1 à 5 (2008-2013)
→ La Solitude du pouvoir (2011)