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Par Gilles Bechet
Née en 2011 dans le Biopark de Gosselies, MaSTherCell est rapidement devenu incontournable dans le domaine de la thérapie cellulaire. Aujourd’hui intégrée à l’entreprise israélienne Orgenesis, la PME a désormais tous les atouts pour partir à la conquête de l’Europe et au-delà.
Il y a 15 ans, on n’en parlait pas. Aujourd’hui, la thérapie cellulaire est identifiée comme un des champs prometteurs de la médecine de demain. Cette approche thérapeutique plus douce et sur mesure vise à remplacer ou suppléer les cellules malades d’un organe ou d’un organisme par des cellules saines, si possible des cellules souches prélevées sur le malade lui-même. Le Biopark de Gosselies rassemble différentes entreprises actives dans la thérapie cellulaire pour former tout un écosystème qui conjugue recherche, formation, entreprises et services. Parmi celles-ci, MaSTherCell, créée en 2011 sous la forme d’une spin-off de l’ULB, a pour objectif de mutualiser et d’optimaliser les méthodes de fabrication au niveau industriel. Le management fondateur a pour cela bénéficié des investissements du Fonds Theodorus, de Sambrinvest, de la Sofipôle. Définie comme une CDMO (Contract Development and Manufacturing Organization), l’entreprise ne développe pas de médicaments elle-même, mais fournit le « matériel cellulaire » aux groupes ou entreprises (bio)pharmaceutiques qui les développent. « La thérapie cellulaire requiert un taux de main-d’œuvre élevé, des investissements en infrastructure importants et des réactifs très chers. Pour être commercialement viable, elle a besoin de réduire les coûts. Un des meilleurs leviers pour y arriver, c’est d’améliorer l’efficacité des procédés de fabrication », analyse Denis Bedoret, General Manager.
Une gamme de services
Plus qu’un prestataire de services, MaSTherCell se veut être un partenaire à long terme de ses clients. Son atout : combiner une expertise scientifique de haut vol avec une connaissance approfondie de l’industrialisation de produits de thérapie cellulaire.. Les laboratoires occupent 600m² avec 4 zones de production classifiées de D à A en fonction du niveau d’isolation et de protection nécessaires. La force de MaSTherCell, c’est de ne pas se limiter à la production pure, mais de proposer une gamme de services, à commencer par le transfert de technologie qui constitue la première phase de la collaboration avec le client durant laquelle les équipes de MaSTherCell vont apprendre la technologie du client et ses méthodes de travail. L’entreprise propose également des services de développement de processus de production afin d’optimiser les procédés. L’étape suivante consiste à réaliser la production de lots cliniques pour le client. L’infrastructure est complétée par le laboratoire de contrôle qualité où des échantillons de tous les lots qui sortent des zones de production sont testés. Pour finir, le département d’assurance qualité veille à ce que toutes les procédures soient respectées et que les environnements dans lesquels s’opèrent les activités soient contrôlées.
Assez rapidement, MaSTherCell a dû adapter sa stratégie de départ. Pour diverses raisons, les premières entreprises wallonnes actives en thérapie cellulaire comme Promethera, Bone Therapeutics et Cardio3 (devenue Celyad) ont choisi de développer leur capacité de production en interne. MaSTherCell s’est alors tournée vers le marché étranger. Pour accélérer son développement, elle a fusionné en 2015 avec l’entreprise israélienne Orgenesis qui a pris la majorité des parts de la PME belge. Celle-ci garde néanmoins son autonomie et son centre de décision à Gosselies au sein du dynamique cluster des sciences du vivant chapeauté par Biowin.
MaSTherCell n’est pas la seule sur le marché mondial, mais elle s’affiche comme une des deux plus importantes entreprises en Europe et leader en termes d’immunothérapie. Sa clientèle se répartit entre des sociétés américaines, israéliennes ou européennes actives sur le marché européen. « Avec le matériel cellulaire, contrairement au secteur biopharma traditionnel, on est obligé de ne pas trop s’éloigner du centre de prélèvement et du centre de traitement. La durée de stockage d’un lot de cellules peut dans certains cas ne pas excéder un jour, voire quelques heures. »
Vaincre des réticences
Le marché évolue rapidement et les perspectives de développement sont excellentes. Depuis 2013, l’entreprise a doublé chaque année son chiffre d’affaires qui, pour l’année 2017, devrait s’élever à plus de 10 millions d’euros. Afin de répondre dans des délais raisonnables aux nombreuses demandes, MaSTherCell ambitionne de doubler sa production avec la construction d’une aile jumelle dans son bâtiment. Cinq millions d’euros seront investis dans les travaux qui devraient débuter rapidement pour une durée d’un an. À l’horizon 2021, l’entreprise prévoit 30 millions d’euros de chiffre d’affaires avec 225 à 250 personnes engagées sur le site.
MaSTherCell espère pouvoir compter sur des jeunes entreprises wallonnes parmi ses prochains clients. « Notre prix peut être considéré comme élevé pour certaines start-ups, même s’il est tout à fait juste par rapport au marché. Travailler avec un partenaire demande parfois de vaincre des réticences bien ancrées ». Nombreuses sont en effet les jeunes sociétés qui craignent de perdre le contrôle de leur procédé de fabrication et du produit qu’elles ont couvé pendant des années dans leur laboratoire. « Il n’y a vraiment pas de craintes à avoir de ce côté-là. La protection de la confidentialité est au centre de notre métier. De manière générale, la biothérapie est un secteur qui a encore besoin de maturité. Quand on investit dès le départ des millions d’euros dans des outils de production, on bloque des montants importants qui pourraient sans doute être investis d’une autre manière, plus rentable à long terme. »
Dans un secteur industriel qui joue sur la précision et la personnalisation, il n’est pas tout à fait justifié d’évoquer un volume de production. Denis Bedoret affirme toutrefois que l’entreprise « a déjà administré des centaines de lots cliniques à des patients dont on a probablement sauvé la vie. On est très proche du patient dans des pathologies bien souvent létales si elles ne sont pas prises en charge par des technologies avancées. »
Une grande flexibilité structurelle
La technologie n’est évidemment pas absente de ce secteur d’activité. Et l’automatisation est assurément une des tendances lourdes pour l’avenir. Les premiers équipements apparaissent sur le marché. « Cela va jouer sur le coût de fabrication et sur la sécurisation de process de fabrication sans pour autant menacer le niveau de l’emploi. »
MaSTherCell occupe pour l’instant 85 personnes sur son site de Gosselies et ambitionne tout autant de pérenniser son développement que de renforcer son ancrage wallon. La clé de la croissance réside principalement dans le personnel dont on attend une grande flexibilité structurelle. Les équipes sont réparties par projet et elles s’adaptent aux technologies et aux procédés du client. « Nous voulons travailler avec des gens qui combinent une vision de l’intérêt global et une souplesse permettant de collaborer avec des personnes d’autres départements, où chacun apporte sa propre spécificité pour avancer dans la même direction. » L’autre clé de la réussite est un travail de veille efficace, et cela à trois niveaux. La flexibilité et la satisfaction du personnel d’abord, une veille concurrentielle ensuite pour être attentif à l’évolution du marché et, enfin, du point de vue technologique, des contacts permanents tant avec des labos universitaires qu’avec les principaux fabricants d’équipement. Le recrutement ne pose jusqu’à présent pas de problème particulier dans un environnement wallon où le personnel qualifié ne manque pas. « En plus de nos exigences, on met aussi en avant une ambiance conviviale où le respect et la transparence favorisent la collaboration. Pour l’avenir, le défi sera de maintenir cette ambiance conviviale avec le croissance, en s’assurant qu’à chaque moment chacun de nos employés trouve sa place. »