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© Denis Closon

Patrick Genard, le plus namurois des architectes barcelonnais

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Namur  / Namur

Par Jean Fauxbert

 

De la roulotte de Louvain-la-Neuve
à Barcelone

Pour Patrick Genard, l’architecture commence là où s’arrête la construction. Ce bâtisseur pluridimensionnel namurois insuffle humanisme et environnement à ses réalisations à travers le monde. Une rencontre hors normes.

 

Norman Foster, Louis Kahn, Renzo Piano, Glenn Murcutt, Niels Torp, Ricardo Bofill, Manuel Nunez, Peter  Zumthor… Nous parlons de ces grands architectes qui sculptent l’espace et dessinent notre cadre de vie, ces diffuseurs de bien-être qui, comme le disait l’architecte américain Louis Kahn (1901-1974), pratiquent l’art de la lumière et du silence. Parmi ceux-ci, Patrick Genard, un architecte que la Belgique a appris à connaître il y a quelques années lorsque ce Namurois d’origine a été appelé à concevoir le pavillon belge à l’Exposition Universelle de Milan en 2015. Une étape parmi d’autres depuis qu’il s’est installé à Barcelone.

Le parcours de Patrick Genard prend forme en 1978, une année-phare qui le voit non seulement terminer brillamment ses études d’ingénieur-architecte à l’UcL, mais également rejoindre l’atelier Taller de Architectura de Ricardo Bofill, l’un des plus grands noms de l’architecture. Il y restera quinze ans pour y apprendre le métier. « J’avais découvert Bofill en 1975, au cours de mes études à Louvain, se remémore le Namurois. Il m’avait passionné. Et j’ai eu cette chance de pouvoir le rejoindre à Barcelone. Je suis ainsi passé du jour au lendemain – ou presque – de ma roulotte de Louvain-la-Neuve à un atelier prestigieux et aux côtés d’un grand maître de l’architecture. Bofill est quelqu’un d’entier. Une fois qu’il vous accorde sa confiance, celle-ci est totale. Je venais à peine d’arriver dans son atelier qu’il m’a envoyé immédiatement sur un très gros projet en Algérie. J’avais 24 ans ! … »

Une mise au vert avec… les Touaregs

Ce n’était que le début ! Le jeune architecte poursuivra son apprentissage sur d’autres gros projets en Suède, au Maroc et au Japon. Avec, régulièrement, des mises au vert dont “le maître” avait le secret. « Bofill est un vrai team-manager. Un jour, il nous a tous invités dans sa villa, à Ibiza, pour y passer quelques jours afin de discuter des perspectives de l’atelier, des chantiers à venir, de la philosophie de ceux-ci… tout en soudant l’équipe autour de ces différents aspects du métier. Il nous a ensuite emmenés dans la région de Tamanrasset, au sud de l’Algérie, où nous avons vécu dix jours en plein désert aux côtés des Touaregs. Une expérience humaine inoubliable ! » Cette aventure humaine autant que professionnelle a permis à Patrick Genard de forger progressivement sa propre philosophie qu’il veut ancrée dans l’humain comme dans l’espace. « En réalité, l’architecte imagine puis aménage des espaces extérieurs pour que les occupants les envahissent le plus agréablement possible ; c’est l’art de la contradiction puisque ces espaces externes pourront avoir pour reflet-miroir le bonheur intérieur. Il s’agit donc de créer le vide pour qu’il puisse être comblé par l’humain… »

Léonard de Vinci, son professeur ?

Cette philosophie participe des enseignements de l’architecture autrichienne des années 80. Au cœur d’un land autrichien, le Vorarlberg, un groupe d’architectes avait invité les habitants à une vaste réflexion qui les a menés à concevoir un cadre de vie au développement durable et ancré tant dans la nature des sites que dans la vie des citoyens. « Cet acquit est le résultat de la mise en pratique de trois principes fondateurs autant que complémentaires : une architecture moderne doit être esthétiquement désirable, constructivement raisonnable et socialement justifiable. On pourrait dire par métaphore que cette philosophie est à l’architecture proprement dite ce que l’Homme de Vitruve – le célèbre dessin de Léonard de Vinci montrant un homme à l’intérieur d’un cercle et d’un carré, ndlr – est à l’architecture humaine. »

Voilà qui nous rappelle ce que Patrick Genard avait confié au site Architectura en 2014 : « J’aurais bien aimé naître en Italie à la Renaissance et avoir Léonard de Vinci comme professeur ! »

Le jeune architecte Patrick Genard (veste foncée), à Barcelone, aux côtés de Ricardo Bofill, l’architecte qui lui a appris le métier

« Une architecture moderne doit être esthétiquement désirable, constructivement raisonnable et socialement justifiable. »

 

Le pavillon belge de l’Exposition universelle de Milan
Après avoir été le directeur conceptuel de projets pour Riccardo Bofill, l’architecte namuro-catalan, sentant que le moment était venu de voler de ses propres ailes, décida de créer son propre studio d’architecture, en 1994. Le premier projet du jeune studio Patrick Genard & Asociados sera la construction d’un hôtel au Maroc, à Essaouira. Suivront des tours jumelles à Casablanca, d’autres tours à Abidjan et en Guinée, un hôtel pour la chaîne Mansour au Maroc…
Si le concept d’architecture environnementale durable est très en vogue aujourd’hui, Patrick Genard l’a poussé à son paroxysme en 2015 en concevant le pavillon belge pour l’Exposition universelle de Milan. Un pavillon “zéro déchet”. conçu selon le principe architectural de la lobe city, donc en forme de lobe, où le plan d’urbanisme devient architecture, les quartiers résidentiels étant les masses construites du pavillon. Entre elles circulent la lumière et la vue sur l’environnementextérieur… Six ans plus tard, ce pavillon très remarqué à Milan a été remonté tel quel sur l’esplanade de la Citadelle de Namur.« C’est magnifique pour moi qui ai vécu quasi toute mon enfance sur ce site », sourit l’architecte, fier de ce résultat.

Le pavillon belge de l'Exposition universelle de Milan

Patrick Genard, intra(Na)muros

« Namur ? Pour moi, c’est avant tout et surtout la Citadelle ! » Voilà le cri du coeur de Patrick Genard, l’architecte catalan, lorsqu’il revient sur les lieux de son enfance et sa jeunesse. Il est d’ailleurs intarissable à l’énoncé du mot magique. « La Citadelle ? C’est là que j’ai négocié mon premier rond-point, à l’âge de 5-6 ans, en voiture à pédales sur le circuit de la plaine Reine Fabiola. Quand j’étais éclaireur dans la troupe du Pic, notre local se trouvait dans une vieille fortification sur la Citadelle. C’est également là, en face du château de Namur, que j’allais jouer au tennis après m’être tapé cinq kilomètres en vélo depuis Flawinne ! Et, à 18 ans, c’est dans un local de la même plaine de jeux que j’ai animé mes premières soirées comme disc-jockey. Enfin, c’est encore là que j’ai connu, il y a … 50 ans, ma première “novia guapissima” (jolie petite amie, ndlr) Cécile Mertens, aujourd’hui l’épouse de Michel Leconte. Nous sommes restés d’excellents 
amis et je les vois chaque fois que je passe à Namur… » Inutile de préciser que les anecdotes inondent la conversation lorsque les amis se retrouvent.

Récompensé par la Ville de Barcelone
Au fait, de quoi Patrick Genard est-il le plus fier ? De son parcours ? De sa réussite ? … « Voici quinze ans, j’ai conçu une villa pour un particulier. Quand je l’ai revu récemment, il m’a dit : “Monsieur Genard, tous les matins je suis heureux de me lever dans cette maison ! ” Je crois que c’est ce dont je suis le plus fier. D’être arrivé à partager le rêve d’un propriétaire et d’avoir pu le rendre heureux dans un cadre qui lui procure du bonheur, ça, c’est beau ! … » Par ailleurs, l’architecte se dit aussi heureux que fier d’avoir obtenu, en 2009, le Prix d’architecture et d’urbanisme de la Ville de Barcelone pour la construction du siège de Mediapro, le centre audiovisuel de la ville et de son université. « Pour un architecte “immigré” en Catalogne, c’était magnifique ! »

C’est pour cet immeuble, qui abrite le centre audiovisuel de la ville et de son université, que Patrick Genard a reçu le Prix d’architecture et d’urbanisme de la Ville de Barcelone.

BIO EXPRESS

  • 1954 : Naissance à Namur
  • 1978 : Diplôme d’ingénieur civil architecte à l’Université catholique de Louvain. Après un stage de six mois dans l’atelier d’architecture de Ricardo Bofill à Barcelone, il apprend le métier à ses côtés pendant 15 ans. Il devient son associé
  • en tant que maître conceptuel de projets
  • 1989 : Réalisation des bureaux de Swift à La Hulpe, dans le cadre de l’atelier de Ricardo Bofill
  • 1994 : Il crée à Barcelone le studio d’architecture Patrick Genard & Asociados. Nombreux projets de logements, bâtiments publics et commerciaux dans le monde entier
  • 2009 : Il conçoit le siège du groupe télévisuel Mediapro, à Barcelone, qui lui vaut le Prix d’architecture et d’urbanisme de cette ville
  • 2014 : Il remporte le concours du pavillon belge de l’Exposition universelle de Milan 2015, en association avec l’architecte Marc Belderbos et l’entrepreneur Besix-Vanhout
  • 2020 : Ce pavillon est reconstruit sur l’esplanade de la Citadelle de Namur

 

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