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© Comet

plus qu’une affaire
de ferraille

  • Économie
  • / High Tech
Hainaut  / Châtelet

Par François Colmant

Le recyclage à grande échelle, soutenu par les innovations technologiques, est devenu un enjeu industriel majeur. En Wallonie, Comet s’est imposée comme un incontournable du secteur.

À l’ombre des châssis à molette centenaires et des terrils du pays noir, d’autres montagnes artificielles poussent aux alentours du ring de Charleroi. Ici, au milieu d’un noeud routier et fluvial, on pulvérise, on concasse, on broie. De la ferraille principalement, et en quantité. Dans un secteur dopé par la flambée des cours des métaux, le groupe Comet, installé à Châtelet, figure de proue du savoir-faire belge en la matière, peut se targuer d’un chiffre d’affaires avoisinant les 300 000 000 €. Actif dans le milieu du recyclage industriel depuis près de quinze ans, l’entreprise s’est spécialisée dans les domaines des métaux ferreux et non-ferreux. Un métier de ferrailleur poussé au bout de sa logique, à l’extrême du triage. Plus d’un million de tonnes de métaux sont ainsi déjà passé par l’expertise reconnue de Comet.

Voitures, électroménagers, pneus, plastiques, moteurs, métaux de toutes sortes. Du fer, du cuivre, de l’aluminium, du plomb, du zinc… Rien ne se perd, rien ne se jette, encore faut-il pouvoir traiter ces matériaux et leurs rebuts avec la plus grande précision possible. La matière qui arrive sur les sites de traitement n’est généralement pas suffisamment propre pour être réexpédiée directement en fonderie. Il faut la nettoyer et la séparer le plus finement possible afin que les sidérurgistes, principaux clients, disposent du métal le plus pur pour l’intégrer dans leurs chaînes de production.

Acheté en gros, en Belgique ou à l’étranger, débarqué par bateau ou par camion, le métal arrive ici sous toutes ses formes et l’on peine à imaginer qu’il ne faut que quelques heures pour qu’il ressorte en petits morceaux, triés, épurés, prêts à retourner sur le circuit. Pour y parvenir, différents protocoles et machines se succèdent, comme le broyeur géant Metso Lindeman, d’une puissance de 7 000 CV. Son insatiable appétit digère tous les métaux à une vitesse folle. En bout de course, le métal est compartimenté selon ses propriétés et envoyé en fonderie où il sera reconditionné et retravaillé pour finir un jour, sans doute, à nouveau sous les dents du monstre d’acier et recommencer ainsi son cycle. Le métal pouvant être refondu encore et encore, sans perte de ses propriétés, son usage est virtuellement infini. Outre son évidente nécessité écologique, le recyclage du métal comporte un autre avantage indéniable : il permet de substantielles économies d’énergie, car le traitement du minerai brut appelle l’utilisation de puissants courants électriques afin de séparer le métal de l’oxygène qu’il contient naturellement.

Déchet ultime

« Le but de Comet, c’est d’envoyer, après traitement, la plus petite quantité possible en décharge », explique Frédéric Peigneux, membre du comité directeur du groupe. « Nous travaillons à réduire considérablement la part de ce déchet dit ultime et nos efforts nous placent dans le top européen en la matière. » Avec un taux de valorisation proche de 90 %, tous pôles confondus, Comet fait bien mieux que la moyenne européenne (82 %), mais voit plus loin. « De futures normes vont nous pousser à augmenter encore ce taux, même si nous ne les avons pas attendues pour améliorer nos méthodes et affiner encore nos performances. »

Retour vers le Futur ? Des déchets qui produisent du carburant, c’est désormais possible !


Lorsqu’on envoie une voiture à la « casse », on pense encore qu’elle sera broyée et réduite à l’état de petit cube, telle une sculpture de César. Or, dans une voiture, entre 80 et 85 % de ses composants sont actuellement recyclés. Dès 2015, le seuil obligatoire passera même à 95 %. Pour atteindre cet objectif ambitieux, les techniques traditionnelles ne suffisent plus. Trop grossières, elles ne permettent pas un taux de récupération suffisamment élevé. Pour pallier ce manque, le projet Phoenix a vu le jour dans le cadre du plan Marshall. Il associe, entre autres, la société Comet à plusieurs acteurs technologiques wallons, dont le laboratoire GeMMe de l’Université de Liège. Au sein de celui-ci, un tout nouveau procédé de traitement par biométallurgie des résidus fins de broyage (moins de 1 mm d’épaisseur) a été mis au point dans le cadre de ce programme de développement durable. « Grâce à cette nouvelle technique, on va pouvoir aller rechercher des poussières de métaux jusqu’aux plus fines granulométries. Qu’il s’agisse de cuivre, de zinc, d’étain ou de métaux précieux, nous atteindrons un taux de valorisation encore inégalé », assure Frédéric Peigneux. En plus des métaux, le procédé, qui opère à basse température, permet également de séparer les matières organiques contenues, entre autres, dans les résidus des carcasses de voiture. Déchets qui, jusque-là, finissaient en décharge, faute de pouvoir les extraire. L’ambition affichée du programme est d’atteindre un taux de 97 % d’ici trois ans, audelà des exigences européennes. Si ce rendement est déjà une victoire en soi, il permet surtout d’envisager l’avenir sous de nouveaux horizons.

On estime à 5 millions de tonnes les résidus générés par an en Europe qui, faute d’une technologie adaptée, échappent au circuit du recyclage et finissent leur vie en centre d’enfouissement. Et ce chiffre va croissant. Rien que pour les véhicules hors d’usage, on estime que leur nombre continuera de progresser de 2,25 % par an pour atteindre 77 millions d’unités en 2030. Le traitement de ces « gisements » s’impose donc comme un enjeu à moyen terme pour une entreprise qui souhaite encore accroître son positionnement sur cette filière prometteuse, mais aussi aider, en bout de course, à diminuer fortement l’empreinte écologique des industries issues du secteur métallique. Concrètement, Phoenix participera à une réduction substantielle des déchets stockés en décharge tout en valorisant ces fractions organiques nouvellement récupérées. Enfouis en pure perte, ces restes organiques disposent pourtant d’un pouvoir calorifique important, soit l’équivalent à la tonne de plus de trois barils de pétrole. En démantelant totalement une voiture par exemple, on peut donc produire de l’énergie avec ses restes, voire en faire rouler d’autres !

Tout se transforme

Difficile d’imaginer que sa voiture, gourmande en carburant, puisse également en produire. Et pourtant ! Après une vie à avaler les kilomètres sur le bitume, un véhicule en fin de cycle, démantelé et concassé, peut produire des hydrocarbures. Comment ? Par craquage catalytique. Dit comme çà, cela peut paraître un peu barbare, mais le procédé, mis au point par un génial inventeur du Tournaisis, Marcello Fieni, récupère le précieux liquide contenu dans les mousses, textiles, caoutchouc et polymères qui composent nos bolides. Grâce à l’impulsion du projet Phoenix, Comet et ses partenaires ont poussé à l’extrême la logique de l’invention pour une utilisation industrielle.

À l’arrivée, des hydrocarbures assimilables à de l’essence et du diesel, et dont la conversion en électricité dans des moteurs de cogénération est en cours de validation au campus automobile de Spa-Francorchamps. En plus des hydrocarbures, le procédé de craquage catalytique produit un résidu solide carboné sec et friable, dans lequel les cendres et notamment les métaux, comme le zinc ou le plomb, n’ont pas été piégés. Cette particularité permet d’envisager leur séparation en vue de produire un carbone valorisable en sidérurgie.

Si le procédé de craquage a fait ses preuves, Comet entend pour autant ne pas vendre son carburant à la pompe dans les prochaines années : « Son utilisation a pour but de couvrir nos besoins en énergie en produisant de l’électricité sur nos sites, voire en alimentant notre flotte de camions. L’idée est d’atteindre rapidement notre indépendance énergétique, ce qui démontre aussi notre vision globale du traitement pour tendre vers un bilan énergétique neutre ou positif », conclut Frédéric Peigneux.

Dès 2013, grâce à un financement européen au travers du projet Ecoinnovation Biolix, une première unité industrielle de traitement des résidus de broyage sera installée sur le nouveau site industriel de Comet Traitements à Obourg et sera capable de traiter annuellement plus de 70 000 tonnes de résidus de broyage. Elle produira plus de 22 millions de litres de carburant liquide et 8 millions de mètres cubes de gaz. Leur conversion en électricité par cogénération dans des moteurs d’une puissance électrique totale d’environ onze mégawatts couvrira largement les besoins énergétiques de l’ensemble de la filière de recyclage des résidus de broyage. Cet investissement, qui assure un leadership belge et européen à l’entreprise, se traduira aussi par la création d’une cinquantaine d’emplois.

 

Comet en chiffres

www.cometsambre.be

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