- Dossier
Par Gilles Bechet
Chaque année, les jeunes qui pratiquent un métier manuel ou technique ont l’occasion de participer à une compétition européenne ou mondiale qui est une vitrine de l’évolution de ces métiers d’avenir. Cette année, Spa-Francorchamps sera le théâtre de cet évènement unique, Euroskills !
Il y a chaque année 20 000 postes vacants dans le secteur de la construction. Dans l’industrie automobile, on en évoque 500 par an, chiffre qui pourrait monter jusqu’à 4 à 5 000 emplois en 2025. Le Centre européen pour le développement de la formation professionnelle (Cedefop) relève pour sa part que, pour la période 2010-2020 dans l’Union européenne, il faut s’attendre à 8 millions de nouveaux emplois qui s’ajouteront aux 75 millions à pourvoir à la suite de départs ou de remplacements. Et cela compte tenu du maintien des tendances dominantes. À savoir, des emplois exigeant des compétences plus poussées et un accroissement dans le secteur des services. Les besoins sont criants. C’est une évidence. Mais ça ne suffit pas. On ne s’engage pas dans un métier pour des chiffres ou pour stimuler la croissance d’un pays. On choisit un métier pour s’y sentir bien et valorisé. C’est à cela que travaille Euroskills, le 3e championnat européen des métiers manuels, techniques et technologiques.
Des Belges en piste
En bordure du plus beau circuit du monde, 423 jeunes venus de 23 pays mesureront leurs compétences dans 44 disciplines issues des secteurs des Arts créatifs et de la mode, de la Technologie de l’information et de la communication, de l’Industrie, de la Construction, des Transports et de la logistique et des Services. Parmi eux, 36 jeunes belges qui participent à 29 métiers sur 44. Ils ont été sélectionnés parmi les 335 candidats retenus aux présélections organisées par les écoles et les centres de formation. Les meilleurs, peut-être pas, mais certainement les plus motivés. « Un évènement de cette envergure a d’abord pour objectif de faire avancer la promotion de ces métiers, souligne Francis Hourant, Directeur général de Skills Belgium. Une étude réalisée en France après le Championnat de France a révélé une augmentation de 14 à 15 % dans les filières techniques l’année qui suit. Cet objectif commun permet aussi de faire travailler ensemble les écoles, les organismes de formation et les entreprises, des partenaires qui travaillent souvent en parallèle et parfois même en concurrence. »
Certains pays visent un maximum de médailles alors que d’autres mettent plutôt l’accent sur la participation et l’échange d’expériences entre candidats et experts des différents pays.
Lancé en 1950 par l’Espagne et le Portugal, rejoints par les pays d’Amérique latine, ce concours, destiné à mettre en valeur les jeunes issus des filières techniques, a très tôt séduit la Belgique qui a accueilli le championnat en 1958 pour sa première édition en dehors des terres ibères. Depuis 2008, à côté de la compétition internationale qui rassemble tous les deux ans plus de 70 nations, un championnat européen où se retrouvent 23 pays est organisé tous les deux ans. En plus de soixante ans, la philosophie de départ n’a pas changé, même si chaque pays a des stratégies et des attentes qui lui sont propres. Certains pays visent un maximum de médailles alors que d’autres mettent plutôt l’accent sur la participation et l’échange d’expériences entre candidats et experts des différents pays. « Même si certains repartiront avec des médailles, Worldskills est une compétition sans perdants. C’est aussi une occasion unique de s’ouvrir à d’autres manières d’aborder les techniques. » Une compétition avec jury et classement génère son lot de déceptions et de sentiments d’injustice du côté des perdants. Mais cela reste ce que l’on a trouvé de mieux pour tirer le meilleur des participants. « C’est une vitrine où les jeunes qui se sont engagés dans un métier peuvent voir qu’ils ne sont pas les seuls à avoir fait ce choix et qu’à l’étranger, d’autres y excellent aussi. Comme le disait un directeur d’école : “Les vainqueurs montrent aux autres ce à quoi ils peuvent arriver.” » Pour Francis Hourant, le maître mot de ces trois jours de compétition est l’excellence, une valeur précieuse qu’il ne faut pas confondre avec l’élitisme. Une excellence qui n’est pas uniquement une affaire de technique, mais aussi une valeur humaine. « Les jeunes que nous sélectionnons ne sont pas des machines. Nous attendons d’eux des qualités humaines d’ouverture aux autres et une envie de se former. C’est pour cela que ce n’est pas toujours le premier de la sélection qui est choisi. » C’est en rassemblant en un même endroit ce qui se fait de mieux dans un métier que l’on montre au public, aux parents et aux formateurs que les techniques et les matériaux changent, que les métiers évoluent. Aujourd’hui, l’informatique est omniprésente. De plus en plus de travailleurs manuels exercent une partie de leurs compétences devant un écran d’ordinateur, ce qui en fait des professionnels polyvalents de plus en plus qualifiés. Comme le disait en boutade un professeur : « Que celui qui n’est pas capable d’aller en technique retourne en latin-grec ! »
Aujourd’hui, dans ces métiers où les techniques évoluent de plus en plus vite, tout le monde doit se montrer capable de s’adapter, notamment par la formation. Un évènement comme Euroskills est aussi une occasion de faire le point sur l’évolution technique des métiers. « En 2003, les Suisses étaient venus en carrelage avec une machine qu’ils avaient développée. Son acceptation a fait débat et elle est désormais adoptée par la plupart des sélections. Entre les travées, les experts sont bien entendu à l’affût de la moindre nouveauté. À Calgary (Canada), notre expert avait mis au point une technique pour couper deux carrelages en même temps. La nouvelle s’est rapidement répandue et toutes les autres délégations sont venues l’observer pour ensuite l’adopter. »
Du 4 au 6 octobre 2012
www.skillsbelgium.be
Skills Belgium, en quelques mots
Skills Belgium est doté d’un budget de 1,4 million € dont 20 % sont consacrés aux compétitions internationales et le reste à la promotion des métiers. Comme en Belgique rien n’est jamais simple, l’équipe nationale est en fait uniquement soutenue par les pouvoirs publics francophones et bruxellois, les autorités flamandes ayant d’autres choix stratégiques pour promouvoir les métiers techniques. Ce qui n’empêche nullement Skills Belgium d’accueillir des experts flamands et d’avoir dans son conseil d’administration des membres flamands venus du secteur privé.