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© Miysis - Slidenjoy

Slidenjoy double ou triple votre écran… et votre efficacité

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Hainaut  / Gerpinnes

Par Charline Cauchie

Thomas Castro, Laurent Wéry et Charlee Jeunehomme ambitionnent de vendre leur produit partout dans le monde. Un objet léger appelé Slidenjoy qui permet l’ajout d’un, voire de deux écrans supplémentaires à un ordinateur portable. De quoi augmenter le confort et l’efficacité des travailleurs. La révolution serait-elle en marche ?

 

Le site Web de Slidenjoy se présente uniquement en anglais. Interface fluide, présentation concise, photos épurées. Il ne faut certainement pas beaucoup de clics pour se laisser convaincre par la pastille « Order Now » en haut sur la droite qui vous invite à acquérir le produit et faire partie des plus de 6000 individus à travers le monde qui ont déjà précommandé leur dispositif.

Mais qui se cache derrière Slidenjoy ? Sous ces airs marketing de start-up de la Silicon Valley, on trouve en fait « 120 Pixels », une SPRL implantée à… Gerpinnes ! Laurent Wéry, cinquantenaire qui avait une affaire dans l’emballage pour l’industrie du luxe, Thomas Castro et Charlee Jeunehomme, deux jeunes entrepreneurs experts en IT, sont les membres fondateurs de ce projet qui, en moins de deux ans, a déjà bien grandi et fait le tour du monde.

 

Il était une fois dans la tête de Thomas

Tout a commencé lorsque Thomas Castro, le photographe, et Laurent, le promoteur, commencent à travailler ensemble sur un projet d’hôtel éphémère (Tender2) installé notamment sur la plage de Knokke et en dessous de l’Atomium. Laurent raconte : « on s’est côtoyé pendant un an ou deux et on s’est lié d’amitié. Thomas a eu cette idée de double écran, il m’a présenté Charlee et m’a demandé de les épauler. Il m’a fallu un an pour accepter, c’était un vrai pari. C’est début 2015 qu’on a pris le bébé à bras le corps. » Le développement du produit, l’acquisition des brevets, le prototypage pouvaient démarrer.

Il faut savoir que, selon Microsoft, un travailleur serait jusqu’à 50 % plus productif s’il avait un deuxième écran d’ordinateur à sa disposition. Ceux qui le pratiquent déjà avec un ordinateur de bureau confirmeront : le multiécran (c’est-à-dire le fait de se servir de plusieurs écrans simultanément) peut se révéler extrêmement utile. Mais cela peut devenir compliqué, voire impossible à mettre en place avec un PC portable que l’on déplace au gré des réunions. C’est là qu’intervient l’entreprise belge : proposer un écran, voire deux, facile à utiliser et à transporter avec un ordinateur portable. Thomas a eu l’idée alors qu’il était lui-même confortablement installé dans son canapé, « coincé avec un seul écran ».

L’astuce de Slidenjoy est de fixer l’accessoire à l’arrière de l’écran de l’ordinateur avec des aimants, permettant ainsi de faire coulisser un ou deux écrans additionnels et de « s’autoporter ». On peut ensuite ajuster l’angle desdits écrans, et même les faire pivoter jusqu’à 180° pour permettre à d’autres personnes autour de l’utilisateur de suivre son travail – de quoi reléguer le traditionnel « projo » au placard (ou aux grandes occasions). Outre dédoubler ou détripler des contenus, les écrans offrent également la possibilité d’un affichage panoramique.

Professions particulièrement ciblées : les hommes d’affaires, les graphistes, les web developers, les architectes, les DJ’s, etc. Mais Slidenjoy s’adresse également aux particuliers qui voudraient en faire un usage privé. Fins, légers et disponibles dans trois tailles (13, 15 et 17 pouces) et plusieurs couleurs, les écrans n’ont pas non plus besoin d’un câble d’alimentation propre, ce qui serait encombrant, ils se connectent directement à l’ordinateur par un port USB. Slidenjoy précise que son système est supporté à la fois par Windows et OS X.

 

 

 

Un crowdfunding impressionnant

Une fois le concept développé, l’aventure passe une étape cruciale grâce à une campagne de crowdfunding lancée en juillet 2015 sur la plate-forme Kickstarter. Le comble dans tout ça ? Avant de réaliser « la plus grosse levée de fonds pour une start-up belge » sur la plate-forme américaine, Laurent n’avait jamais entendu parler de financement participatif. « Je savais que l’idée d’écrans de Thomas était en or, mais je savais aussi qu’on allait se faire dévorer dans l’œuf par les grosses marques avec qui on n’aurait pas pu rivaliser. »Kickstarter est le seul moyen pour couper l’herbe sous le pied aux grands. « À la seconde où j’ai compris de quoi il s’agissait, j’ai su qu’il fallait y aller à fond. Thomas et Charlee sont venus vivre quatre mois chez moi. On a tout partagé : bouffe, boulot, insomnies. »

Le succès sur Kickstarter est fulgurant. En 33 jours (« on a fait le choix d’un délai très court, car on voulait bluffer tout le monde »), 600 000 € sont récoltés. Cependant, tout ne se passe pas comme prévu. Les livraisons programmées pour fin 2015 n’ont pas encore commencé à l’heure d’écrire ces lignes et ont été reportées à… novembre 2016. Que s’est-il passé ? « Rien de particulier », explique Laurent Wéry, « 84 % des projets qui ont dépassé le million de dollars sur Kickstarter ont entre 12 et 24 mois de retard. On en aura 12. »

Une pilule difficile à avaler ? Les 1626 backers (les contributeurs sur Kickstarter) sont pour la plupart compréhensifs, mais pas tous. « On leur répond qu’ils auront un produit plus performant que celui de départ. On a des réactions amusées et d’autres beaucoup moins marrantes. Mais on les gère. » L’équipe a ainsi décidé d’engager en juin dernier une community manager dont la mission principale est de répondre – en trois langues s’il vous plaît – à l’impatience des contributeurs et de communiquer de façon positive sur les avancements de la production.

 

Vers les milliards de dollars aux commandes d’une licorne

Outre le financement participatif, il y a le pari, bien plus ambitieux encore, de la grande distribution. « Depuis le début de l’aventure, nous avons reçu plus de 300 demandes de distribution provenant du monde entier, sans avoir jamais établi le contact nous-mêmes. »Slidenjoy n’a pas peur de l’intérêt de son produit et de sa marge de développement. « Selon les données à notre disposition, un milliard de personnes dans le monde possède un ordinateur de moins de 3 ans. Avec l’objectif, plus qu’accessible à nos yeux, d’atteindre dans les deux ans 1 % de ces personnes, l’entreprise projette des ventes annuelles de 5 milliards de dollars américains. »Des chiffres prévisionnels colossaux que certains commentateurs invitent à prendre avec des pincettes, même s’ils ne demandent qu’à y croire.

Laurent Wéry croit dur comme fer que Slidenjoy sera une de ces « licornes » (le terme unicorn, en anglais, désigne une start-up dont la valorisation a atteint le milliard de dollars, il y en a une centaine à travers le monde) et plusieurs grands noms du monde des affaires et des start-up le suivent avec attention. « J’ai rencontré Albert Frère à plusieurs reprises. Et on a ouvert notre capital à Oussama Ammar de The Family à Paris pour lancer une campagne marketing mondiale. On est considéré comme une pépite par un gars qui a déjà vendu plusieurs start-up à des centaines de millions d’euros. Ce n’est pas rien. »

En tout cas, un contrat avec Saturn (la maison mère de Media Markt) présage le meilleur. 45 000 pièces ont été commandées pour 200 magasins à livrer pour la fin 2016 et qui, selon les prévisions de la marque, devraient s’écouler en trois semaines. « Cela représente 17 000 000 €, mais notre contrat global est plus large. » Le Media Markt de Gosselies sera parmi les premiers livrés.

 

 

L’assemblage belge grâce à une main-d’œuvre carcérale

Le projet a-t-il reçu l’aide de la Région wallonne ? « Non. On était un peu fâchés eux et moi, mais on a tous changé d’avis depuis lors. Je leur reprochais leur inefficacité. Aller chercher 50 000 € par leur intermédiaire prenait plus de temps que d’obtenir le double via crowdfunding. Ils étaient lents et scabreux. Mais ils ont revu leur copie et simplifié le système de subsides, c’est beaucoup plus efficace aujourd’hui. »Le développement s’est fait surtout grâce au buzz sur Kickstarter.

Et Slidenjoy doit ce succès au fait que son accessoire représente une grande avancée technologique : « Media Markt dit de nous que nous sommes l’invention technologique la plus significative depuis la montre connectée ». Une technologie complexe qui a nécessité de nombreux brevets et, surtout, le travail de beaucoup d’ingénieurs. « On a fait développer le produit par le bureau d’études liégeois IOL. Les ingénieurs qui ont bossé dessus nous ont pris pas mal d’argent, mais ils ont été très bons. C’est le jeu. »

Le produit développé en Belgique a besoin de plusieurs pièces de provenance différentes. « Les écrans sont chinois, la technologique vient d’Angleterre et d’Allemagne et les charnières d’Allemagne. Le temps de montage est de six minutes par unité. On le fera à Charleroi, car on veut avoir les yeux dessus. » À la question du nombre d’emplois créés, Laurent Wéry tourne un peu autour du pot. C’est que, on l’apprendra dans Le Soir, ce sont des prisonniers qui se chargeront du préassemblage. « Cela nous coûte 2 € au lieu de 0,50 € si on le faisait en Chine. On préfère faire ça chez nous. »

 

En ligne de mire

Mais si Slidenjoy prend de l’ampleur, y aura-t-il tout de même un impact pour l’économie wallonne ? « Si on ne vend pas l’entreprise, ça va représenter plusieurs dizaines d’emplois. Mais si on a des propositions, on doit dire oui. On ne peut pas refuser des choses qui ne se refusent pas. Il faut vendre et passer à autre chose. »Pas sûr que Slidenjoy reste belge très longtemps encore, vu qu’apparemment, les propositions affluent déjà. Et puis, les membres fondateurs de Slidenjoy ont déjà le nez tourné vers leurs prochaines aventures communes. « On a d’autres idées, une quinzaine, dont cinq qui pourraient faire aussi bien que Slidenjoy. » On nous parle notamment d’une technologie révolutionnaire pour augmenter la capacité des poches de sang, mais on n’en saura pas plus... pour l’instant.

www.slidenjoy.com


 

Chiffres clés

300 propositions de distributeurs

700 articles de presse à travers le monde

Plus de 35 000 likes sur les réseaux sociaux

Plus de 6000 unités précommandées

600 000 € récoltés via Kickstarter

Près de 2 000 000 € de prévente

95 % de chiffre d’affaires via l’exportation


 

Laurent Wéry

Il avait lancé sa première boîte « avec les 3000 francs belges que mon père m’avait donnés » dans l’industrie du packaging pour des marques de luxe. Sa main-d’œuvre était alors… carcérale. Le job a fini par ne plus lui convenir, nous dit-il, il revend et se lance dans l’événementiel en proposant un concept d’hôtel éphémère, appelé Tender2. Son talent pour les affaires et son franc-parler sont des atouts majeurs pour la réussite de Slidenjoy, dont il est propriétaire.

Thomas Castro

Il est une « machine à idées », des idées que ses deux acolytes sont là pour trier et structurer. Diplômé en informatique de gestion en 2014 à la Haute École Louvain en Hainaut (HELHa), il lance avec des amis carolos le premier coworking digital en 2015. Auparavant, il participe à l’aventure Tender2, l’hôtel éphémère conçu par Laurent Wéry, en tant que photographe, avant de proposer à Laurent et Charlee de monter Slidenjoy.

Charlee Jeunehomme

Il est lui aussi passé par la HELHa dont il sort en 2012 avec un diplôme en web development. En 2010, il génère un « buzz », pour reprendre ses termes, en créant une application Facebook qui comptera 806 000 inscrits en une journée à peine. Deux ans plus tard, son CV via Twitter lui vaudra des dizaines d’interviews. Son « profil adaptable et qui sait évoluer très vite » fait de lui « le collègue idéal »,ajoutent ses associés.

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