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Par Charline Cauchie
Depuis peu, les chercheurs de l’Université de Mons (UMONS) ont la possibilité de diffuser le fruit de leurs recherches via des applications PC, mobile ou tablette. Une belle initiative pour rapprocher les avancées scientifiques des citoyens.
À l’UMONS, il existe un service appelé Administration et Valorisation de la Recherche (AVRE) qui a pour mission principale de soutenir les activités de recherche scientifique et de faciliter l’exploitation des résultats de cette recherche. Cela va de l’accompagnement du chercheur dans la rédaction de son projet jusqu’à la promotion de la recherche en-dehors des murs de l’université (avec les entreprises, les doctorants potentiels, etc.) en passant par le conseil juridique et la création de spinoff (cf. Le parcours d’une idée, WAW n° 34).
Rendre la recherche plus intelligible
Nouvelle trouvaille du service pour informer le grand public sur les avancées de la recherche : le développement d’applications. Depuis cette rentrée, les chercheurs de l’UMONS ont la possibilité de diffuser leurs résultats via des applications PC, mobile ou tablette. Une belle initiative pour rapprocher les avancées scientifiques de la vie des citoyens. Une procédure simple et standardisée a été mise au point par l’AVRE afin d’offrir aux chercheurs une diffusion assez aisée de leurs recherches « tout en bénéficiant d’une vérification de
la propriété intellectuelle et du label de l’UMONS », précise Sandrine Brognaux, conseillère scientifique en Technologies de l’Information et de la Communication au service de l’AVRE. « Une large gamme d’options est proposée aux développeurs, leur permettant notamment de définir le prix de l’application ou de proposer des versions démos. » Une première parmi les universités wallonnes. L’UMONS a déjà démontré ses capacités en tant que précurseur dans le domaine numérique. « Nous avons été la première université en communauté Wallonie Bruxelles à proposer une forge institutionnelle », explique Sandrine Brognaux. Une forge est une plate-forme permettant l’archivage et la gestion de code source. Exploitée par les chercheurs de l’UMONS, elle recense environ 400 projets. « À terme, une proportion non négligeable de ces projets pourrait aboutir à la création et la mise en ligne d’applications sur les différents stores. »
MetaMorphos et Kinterest
Les applications sont développées directement par les équipes de recherche (« avec, selon les cas, l’appui de graphistes »). La durée de développement de l’application varie fortement d’un cas à l’autre. « L’application est développée sur base de résultats à haute valeur ajoutée obtenus dans le cadre de projets de longue haleine. L’application Kinterest, en particulier, est le fruit d’un travail depuis une dizaine d’années effectué par l’Institut Numediart dans le domaine de la modélisation et de la prédiction de l’attention humaine. » Concrètement, deux applications ont déjà vu le jour : « MetaMorphos » issue des résultats de recherche d’Igor Eeckhaut et de Nathan Puozzo du Service de Biologie des Organismes Marins et Biomimétisme et « Kinterest » développée grâce aux recherches de Matei Mancas, François Rocca et Pierre-Henri De Deken du Service de Théorie des Circuits et Traitement du Signal (cf. encadré). « Il s’agit sans conteste d’une formidable vitrine pour nos produits qui sont à présent directement accessibles au grand public, se félicite la conseillère scientifique. Ces plateformes ouvrent la voie à une nouvelle forme de valorisation des résultats de la recherche. En outre, elles permettent d’entrer directement en contact avec les utilisateurs finaux de ces applications, offrant ainsi un retour rapide sur la technologie. » Les deux applications ici présentées sont les premières d’une longue série. Après une première phase de test, le service de l’AVRE s’attelle aujourd’hui à la promotion de ces comptes au sein de la communauté universitaire. « La primeur a été donnée à WAW. Suite à cela, nous allons communiquer de manière plus large auprès du grand public avec une page dédiée sur notre site Internet et auprès de nos chercheurs avec un guide pratique expliquant les démarches. »
Au BAM, potentiel technologique
Parallèlement à cela, les applications développées bénéficient de la renommée des équipes de recherche et les chercheurs font eux aussi la « publicité » des applications développées via leurs réseaux et leurs partenaires. « À titre d’exemple, une présentation a été réalisée en mars 2016 devant les représentants de l’Agence du Numérique lors d’une après-midi dédiée à la recherche ICT. » Autre exemple intéressant, Kinterest est actuellement présentée au grand public qui peut tester l’application dans le cadre de l’exposition Garouste qui se tient jusqu’au 29 janvier prochain au BAM, le Musée des Beaux-Arts de Mons. L’installation, intitulée Reg’Art, propose au visiteur de participer à une expérience sur sa propre perception. L’aménagement ressemble à un grand photomaton dans lequel le visiteur est invité à s’isoler. Là, l’interface du photomaton lui propose de répondre à quelques questions par simple mouvement de tête. Ensuite, toujours dans le photomaton, le visiteur doit observer une œuvre de Gérard Garouste pendant quelques secondes afin de permettre l’enregistrement du chemin emprunté par son regard. Avant de sortir du dispositif, un document présentant les résultats est imprimé. Une fois arrivé devant l’œuvre originale de l’artiste, le participant peut ainsi comparer les résultats de son expérience avec une analyse de la composition du tableau détaillant la manière dont l’artiste lui-même a cherché à influencer le regard du spectateur. Génial ! Les outils disponibles aujourd’hui pour enregistrer le regard restent assez coûteux et… intrusifs. « Ils requièrent une calibration pour chaque utilisateur et produisent des résultats difficiles à exploiter de façon automatique, explique-t-on chez Numediart. Le système proposé dans l’installation Reg’Art est un peu moins précis, mais permet plus flexibilité. Il est basé non pas sur le suivi des yeux, mais sur la position et l’orientation de la tête. »
UMONS EN APPLICATION
MetaMorphos
La première de ces applications tire son nom de « Meta-zoan » et « Morpho-logy ». Elle permet de visualiser un modèle 3D complet de la structure d’animaux invertébrés et s’adresse aux personnes désireuses de comprendre l’architecture animale quel que soit leur profil (amateurs naturalistes, zoologistes professionnels, étudiants en biologie, professeurs en biologie animale, etc.). Les organismes présentés dans MetaMorphos sont des avatars, c’est-à-dire des reconstructions 3D. « L’application permet ainsi de visualiser l’animal sous toutes ses coutures, en faisant pivoter le modèle à l’aide de curseurs et d’une fonction zoom, explique Sandrine Brogniaux. Elle permet également de visualiser les systèmes internes (systèmes nerveux, digestif, etc.), c’est-àdire des éléments qui sont généralement difficiles à observer sur un modèle en 2D ou à l’œil nu, sans l’aide d’autres outillages et techniques (dissection, microscope, etc.). » Les fonctions snapshot et printscreen du programme permettent de photographier les avatars dans la position voulue. Chaque avatar est accompagné de fiches explicatives originales, rédigées par un expert du domaine. L’application est actuellement utilisée par les étudiants dans le cadre du cours de Biologie Animale : « Il s’agit d’une approche innovante de l’enseignement, à la pointe de la modernité technologique, en proposant un support pédagogique virtuel à l’enseignement de la biologie », défend Sandrine Brogniaux. À l’international, des projets de traduction de l’application sont en cours (anglais et espagnol) pour déployer l’application à travers le monde et notamment
dans les pays en voie de développement, via la vente de package de licences, car « l’application répond à un besoin largement répandu dans le domaine de la biologie animale », précise Sandrine Brogniaux.
MetaMorphos est disponible sur l’App Store, sur Google Play Store ainsi que sur Windows Store (entre 1,99 € et 2,39 €).
Kinterest
Il s’agit d’une application permettant d’analyser l’attention de l’utilisateur lorsqu’il regarde un ou plusieurs écrans (réels ou virtuels). Il arrive que la recherche soit parfois trop « à l’avance » par rapport au marché. C’était le cas pour le projet mené par ce chercheur qui travaille sur l’attention humaine et, plus précisément, sur ce que l’œil humain perçoit en premier lieu en voyant une publicité. La recherche était indispensable, mais, il y a trois ou quatre ans, le marché était frileux sur l’utilisation des données personnelles, considérée à l’époque comme étant trop intrusive. Depuis, le tabou sur le marketing visuel s’est avachi et l’application Kinterest a pu voir le jour. Elle permet d’extraire, automatiquement et en temps réel, des informations telles que l’orientation du ou des visages détectés afin d’en donner la position sur un ou plusieurs plans spécifiés par l’utilisateur. Le laps de temps durant lequel le regard s’est ainsi posé sur les différents plans permet de définir le niveau d’intérêt de l’utilisateur. Le suivi du regard de l’utilisateur au sein des différents plans est également analysé. L’application se base sur les informations captées par une Kinect V2 qui doit être reliée à l’ordinateur.
Kinterest est disponible dès à présent sur Windows Store (5,99 €)