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© Anthony Dehez

UN ARTISTE EST « NEZ » !

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Luxembourg  / Habay

Par Marc Vanel

Classé troisième au récent concours du Meilleur sommelier du monde à Tokyo, le Belge Aristide Spies a le nez dans le vin depuis l’âge de… 12 ans. Rencontre pleine d’arômes à Habay, à la Cave du Sommelier où il exerce ses talents.

Cela paraît plutôt incroyable mais l’apprentissage du vin d’Aristide Spies débute à l’âge de… douze ans ! Non pas en vidant les fonds de verre aux réunions familiales, mais après des vacances dans le Périgord où il découvre des paysages et des vignerons passionnants. « Quand nous sommes rentrés, j’ai demandé à mes parents de m’inscrire aux cours du soir de dégustation à Arlon. Il fallait 16 ans pour s’inscrire mais, grâce à une astuce, j’ai pu m’inscrire comme élève libre. J’ai ainsi suivi 5 modules tous les samedis matin, pendant 5 ans, parallèlement à mes études en humanités. À 16 ans, j’ai pu m’inscrire officiellement. »

Parallèlement, il se rend chaque année en Champagne, chez un ami de la famille, pour vendanger et, à l’occasion, tailler la vigne. Intéressé par la gastronomie, il suit, toujours en soirée, des cours de cuisine et fait des stages dans des restaurants tels que le Claimarais, à Aubange, ou Lea Linster, au Grand-Duché. Sa rhéto terminée, il en recommence une mais cet te fois à Melbourne, en Australie, où il part durant une année dans le cadre d’un échange d’étudiants. « Cela m’a permis d’apprendre la langue tout d’abord, mais c’est surtout une école de la vie. Il faut apprendre à se débrouiller seul, même si la famille d’accueil est là pour vous encadrer. »

2007, c’est aussi l’année où il remporte, à trois semaines d’intervalle, le concours du Meilleur sommelier de Belgique organisé par la Gilde des Sommeliers et celui du Premier sommelier de Belgique du Club gastronomique Prosper Montagné.

 

Comprenant son intérêt pour le vin, ses « parents » australiens lui trouvent des stages pendant les vacances scolaires dans des domaines des régions viticoles autour de Melbourne. « J’ai travaillé chez plusieurs vignerons, notamment chez Kooyong ou De Bortoli où j’ai vraiment appris à vinifier. J’étais la petite main du maître de chai, mais en fin de journée, les oenologues me faisaient goûter leurs assemblages. »

Dans la restauration, tu travailleras !

Convaincu à présent que son futur métier sera celui de sommelier (plus souple que celui d’oenologue), il se renseigne sur le métier dans les grands restaurants de Melbourne et, à son retour en Belgique, contacte les maisons étoilées de sa province. « J’ai hésité bien sûr à repartir en Australie, mais là-bas, analyse- t-il, les distances sont immenses, les vignerons s’y sentent très isolés. Alors qu’ici, on peut être dépaysé en une heure de route. J’ai postulé aux Forges du Pont d’Oye où officiait Pascal Carré, plusieurs fois meilleur sommelier de Belgique. Et quinze jours après mon retour, j’ai été engagé, d’abord comme chef de rang pendant 4 mois. Ensuite, comme second de sommellerie pendant 5 ans. J’ai remplacé Pascal pendant 3 ans avant de le rejoindre en 2007 à la Cave du Sommelier, à Habay, lorsque le restaurant a fermé ses portes. »

Seul, face au jury

2007, c’est aussi l’année où il remporte, à trois semaines d’intervalle, le concours du Meilleur sommelier de Belgique organisé par la Gilde des Sommeliers et celui du Premier sommelier de Belgique du Club gastronomique Prosper Montagné. Jusqu’à présent, seuls 4 sommeliers belges ont réussi ce doublé. Les compétitions s’enchaînent alors. Championnat d’Europe 2008 en Bulgarie (demi-finale), Mondial au Chili en 2010 (quart de finale) et, le concours ne se déroule que tous les trois ans, Concours mondial à Tokyo en mars dernier où il termine troisième et enfin, Championnat d’Europe à San Remo où il termine sixième. « Un concours de sommellerie, ce n’est pas un match de boxe où il faut taper le plus fort sur l’autre pour gagner ; on est tout seul, face au jury et à ses verres. Il faut faire du mieux qu’on peut. J’aime cet esprit de compétition. »

Étrange métier pourtant que celui de sommelier, où l’on rencontre beaucoup de jeunes – pas facile en effet de concilier travail en soirée et vie familiale – dont les qualités doivent être multiples et variées. « Tout d’abord, explique Aristide Spies, une grande connaissance théorique des vins et de la gastronomie, mais aussi des compétences en gestion. Une cave est en effet le coeur financier d’un restaurant. Si le sommelier se trompe, il peut vite créer des soucis à l’entreprise. Il faut savoir acheter des vins et revendre au bon prix. Enfin, et c’est essentiel, il faut avoir le sens du service et de l’accueil. Car si on n’aime pas accueillir ses clients et leur faire passer une bonne soirée, ils ne viendront qu’une seule fois. »

Mais les habitudes de consommation évoluent, crise oblige. « Même si les gens se font encore plaisir avec un menu à 100 €, ils vont par contre demander une bouteille à 45 €, ce qui n’était pas le cas il y a 10 ou 20 ans. Puis, chacun a un smartphone et voit le prix du vin en ligne : il faut donc que le prix à la carte soit justifié et que les vins soient originaux. C’est un changement que les sommeliers doivent intégrer aujourd’hui. Certaines maisons heureusement l’ont compris et ne prennent plus que 20 ou 25 € sur le prix d’une bouteille de vin plutôt que d’en tripler le prix. La vente de vins au verre tend aussi à se répandre. Boire moins mais mieux. On se paie plus facilement deux verres à 8 ou 10 € qu’une bouteille à 50 ou 60 € ; les sommeliers doivent s’adapter à cette nouvelle tendance. »

Une cave est en effet le coeur financier d’un restaurant. Si le sommelier se trompe, il peut vite créer des soucis à l’entreprise. Il faut savoir acheter des vins et revendre au bon prix.


Aujourd’hui, Aristide Spies a rejoint l’équipe de Pascal Carré à la Cave du Sommelier, un caviste avec un beau choix de vins de France et du monde, qui emploie dix personnes. Conseils d’accords mets-vins, cours pour tous niveaux et évènements : le métier s’est diversifié, les prix remportés par l’équipe sont aussi un gage de qualité pour la clientèle. « Quand on travaille dans un restaurant, conclut notre sommelier, les journées sont longues et consacrer quelques heures à bûcher est plus facile s’il y a un prix ou une médaille en vue. Mais n’exagérons rien, c’est un peu comme une médaille aux Jeux olympiques, il y a des gens que l’on oublie très vite et d’autres qui sont plus médiatisés… » Le diplôme de Master Sommelier (MS) délivré par la « Court of MS » le 3 novembre dernier vient déjà renforcer sa belle renommée. Gageons que notre homme ne s’arrêtera pas là…

Informations : 

Route de Gérasa, 7
6723 Habay
Tel. : +32 (0) 63 23 10 60
info@lacavedusommelier.be www.lacavedusommelier.lu

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