- Dossier
Par Marc Vanel
OEnologues, vigneronnes, sommelières… Si en France, les femmes sont de plus en plus nombreuses à exercer leur passion pour le vin, en Belgique, on les compte encore sur les doigts des deux mains. Rendez-vous au Château de Bioul, entre Namur et Dinant, pour y rencontrer non pas une femme, mais deux !
«Je ne voudrais surtout pas que l’on dise que le Château de Bioul est un domaine de femmes et que l’on oublie le travail d’Andy, mon mari, qui est dans les vignes toute la journée. Moi, c’est plutôt le back-office, les contacts avec la clientèle, les relations publiques », précise d’emblée Vanessa Vaxelaire-Wyckmans. C’est en effet avec lui que l’aventure démarre en 2008. « Nous buvions un verre sur une terrasse, se rappelle Vanessa, lorsque nous avons subitement décidé de créer un vignoble. Comme beaucoup à la quarantaine, nous avions envie d’une rupture dans une vie trop rapide. L’idée d’un vignoble était déjà présente pour nos vieux jours, mais pas en Belgique. C’est en entendant parler de vin belge que l’on s’est dit “ nomdidjou, cela nous irait quand même bien ”. Et en trois heures, on a décidé de quitter Bruxelles ! On a vérifié qu’il y avait de la place à l’école du village pour nos enfants et nous sommes partis habiter à Arbre, je n’ai plus passé une seule nuit à Bruxelles. »
Le choix des interspécifiques
Au fil des mois, Vanessa et Andy achètent ou échangent divers terrains autour du château familial, constituant progressivement un domaine de près de dix hectares au relief très varié. Le couple opte résolument pour les cépages résistants aux maladies, dits « interspécifiques ». Sept hectares s’ajoutent en deux ans à cette première parcelle, leur permettant d’élargir leur gamme de cépages. Pour les aider à structurer leurs premiers vins, ils font appel à Mélanie Chéreau, une jeune ingénieure agroalimentaire, représentante de cette nouvelle génération de femmes qui s’impliquent dans les métiers du vin. « En viticulture, confirme-t-elle, il est encore assez rare de trouver des femmes, surtout en Belgique, car le métier est très physique, même si les nouvelles machines facilitent les choses. Par contre, en oenologie, à côté du travail de vinification, il y a les analyses en laboratoire où l’on trouve beaucoup plus de femmes que d’hommes. On retrouve aujourd’hui beaucoup de femmes dans les vinifications dans les deux hémisphères. »
Vins de femmes ?
Cette sensibilité féminine se retrouve-t-elle dans les vins du Château de Bioul ? « Je pense, explique Vanessa, que nos vins sont peut-être des vins de femmes dans le sens où ils sont délicatement vinifiés. Mais c’est un choix qu’Andy a pris comme nous. Tous les trois, nous voulions que le cépage demeure maître à bord et il faut donc que le travail fourni après la vendange soit doux et délicat. Cela étant, les vins fortement alcoolisés n’ont plus vraiment la cote, le public recherche quelque chose de plus fin. Mais à part la touche délicate en vinification, nous n’avons pas la volonté de faire des vins de femme, c’est avant tout un vignoble familial. »
Cépages de choix
Même si l’année 2012 n’a permis que de très petits rendements, la cuvée est prometteuse. À côté de son effervescent blanc actuellement sur lattes en Allemagne (le domaine ne possède pas encore le matériel ad hoc), le Château de Bioul produira trois vins blancs très tranchés. Le Mossiat à base de Bronner, un cépage habituellement assemblé avec d’autres, mais que Bioul a décidé (avec raison !) de vinifier seul, la Batte de la Reine, un blanc à base de Johanniter mais avec du Bronner et du Solaris pour la note aromatique, et le Terre Charlot, Solaris et Johanniter à égalité. « En 2012, poursuitelle, on n’a ramassé que les meilleures grappes, nous ne produirons que 2 200 litres au lieu des 15 000 prévus… Cela recule tout d’un an. En attendant, nous en profitons pour réfléchir à d’autres choses. Développer des activités d’accueil en lien avec le château, donner des cours sur les accords mets-vin, cela se met en place, mais encore un peu de patience… »
Renseignements
Domaine du Château de Bioul
Place Vaxelaire, 1
B-5537 Bioul
info.domaine@chateaudebioul.be
www.chateaudebioul.com
Le vin des femmes de Muriel Lombaerts
Lorsqu’au restaurant, le sommelier présente à un couple de clients la carte des vins ou la bouteille, il s’adresse dans la majorité des cas à l’homme alors que des études très sérieuses prouvent que Madame a un meilleur nez que Monsieur. Pour prouver que les femmes ont aussi une place dans le monde du vin, et pas uniquement comme sommelières ou oenologues, la journaliste Muriel Lombaerts développe depuis janvier 2012 son concept « Le vin des femmes ». Le principe est simple : réunir tous les mois dans un restaurant un jury de femmes amatrices de vin et de gastronomie (« et pas nécessairement des connaisseuses ») et leur faire déguster huit vins – 4 blancs et 4 rouges – sélectionnés par un caviste, de tous pays et pas forcément des vins élaborés par des femmes. La dégustation se fait à l’aveugle et le restaurateur qui accueille doit préparer une entrée et un plat pour les deux vins élus. Ceux-ci seront ensuite coiffés d’une collerette « Le vin des femmes » et promus pendant deux mois chez le caviste qui les a proposés, à la carte du restaurant-hôte et à travers divers échanges de presse avec des magazines féminins. Les femmes invitées dans le jury sont d’ailleurs des gagnantes de concours organisés par ces médias. La dégustation de janvier était consacrée aux vins belges et le gagnant fut, belle coïncidence, la cuvée Batte de la Reine du Domaine de Bioul… Enfin, la prochaine étape sera l’organisation de voyages oenologiques en France.