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WORLDSKILLS BELGIUM, Les Olympiades des métiers

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Namur  / Namur

Par Carole Depasse

WorldSkills, connu pour son Mondial des métiers, est la vitrine internationale des professions manuelles, techniques et technologiques. Mais c’est beaucoup, beaucoup plus que l’organisation de championnats...

 

Derrière l’appellation générique de WorldSkills, il y a d’abord un enracinement dans l’histoire. L’Espagne lance, en 1950, le premier concours international des métiers. Une initiative relayée les années suivantes par plusieurs pays européens, dont la Belgique. Il faut cependant attendre 2005 et la compétition internationale d’Helsinki pour que le mouvement explose – le nombre de pays membres et de compétiteurs a depuis doublé – et que son organisation trouve sa forme actuelle.

 

Deux mains et une tête bien remplie

Les compétitions, bien suivies et relayées par les médias, ne représentent pourtant que la pointe de l’iceberg. En parallèle, WorldSkills Belgium mène un travail de fond moins médiatisé en vue de soutenir durablement les filières de formation professionnelle à l’attention des jeunes en organisant notamment de nombreuses animations de découvertes des métiers. Portée par le slogan « L’avenir, c’est deux mains », l’association entend démontrer que, non seulement, l’économie mondiale ne peut se passer de main-d’œuvre qualifiée à qui elle offre des débouchés stables, mais aussi qu’un métier manuel, technique ou technologique est une formidable opportunité d’accomplissement personnel. Il est frustrant de soutenir le développement des filières qualifiantes alors que, malgré leur haute valeur ajoutée, elles n’ont toujours pas la réputation qu’elles méritent. Les préjugés sont tenaces et nombre d’entre nous sont toujours persuadés que l’ascenseur social monte uniquement grâce auxétudes générales et universitaires. Le défi de WorldSkills Belgium consiste donc à convaincre un jeune d’oser faire le choix d’un métier manuel pour réussir sa vie. Mais lentement, les mentalités évolueraient, si l’on en croit le développement d’un système de formation par alternance (ou duale) particulièrement développé dans la communauté germanophone de Belgique. Un pied à l’école, unpied dans l’entreprise : la solution ? C’est prouvé ! Intégrer une expérience de travail en même temps qu’une formation générale est la garantie d’un apprentissage motivant visant l’excellence. « Je défie un carreleur ou un charpentier de remettre un devis exact s’il n’a pas de notions en géométrie. Comment devenir dessinateur industriel assisté par ordinateur si vous n’êtes pas capable d’utiliser un didacticiel en anglais et que vous ne comprenez pas ce que sont un algorithme et une intégrale », interroge Francis Hourant, directeur de WorldSkills Belgium. La réponse, il la connaît. Les champions, notamment les médaillés d’or, sont aussi des jeunes gens qui obtiennent d’excellents résultats dans les cours généraux. Un constat qui s’applique à l’apprentissage des langues étrangères qui, de l’avis des compétiteurs, leur manque cruellement pour s’ouvrir au monde.

La force des compétences, Francis Hourant l’avait suggérée en son temps à qui de droit en ces termes : « Monsieur le Ministre, vous pouvez avoir les meilleurs ingénieurs du monde pour vous dessiner une éolienne, si vous n’avez pas un soudeur, un grutier, un électromécanicien, votre éolienne restera de papier. »

 

Ne dites plus garagiste, mais mécatronicien

WorldSkills International a de l’ambition comme ses compétiteurs. L’objectif serait de devenir le « Hub » mondial (une plate-forme d’échanges) de l’information sur les métiers et la formation professionnelle. Les compétitions constituent un outil précieux pour atteindre ce but, car elles permettent de réfléchir à l’évolution des filières professionnelles. C’est exactement comme aux Jeux Olympiques où de nouveaux sports apparaissent, tandis que d’autres disparaissent, car ils ne sont plus pratiqués. « Nous nous posons la même question. Quels sont les nouveaux métiers représentatifs des besoins de l’économie que nous allons introduire dans nos compétitions ? Une étude du Foremmontre que 50 % des enfants qui naissent aujourd’hui pratiqueront un métier qui n’existe pas encore. C’est une donnée essentielle pour les jeunes qui cherchent une orientation. Je vous cite un exemple. Si un jeune souhaite aujourd’hui devenir tailleur de pierre ou imprimeur, il doit réaliser qu’il évoluera probablement plus dans l’art. S’il veut travailler dans la mécanique et l’ingénierie, il ne sera plusgaragiste, mais électromécanicien ou mécatronicien. Des métiers s’effacent au profit d’autres. »

WorldSkills est un révélateur de ces tendances qui correspondent aux besoins économiques contemporains et futurs. Des données qui devraient idéalement être redistribuées dans les écoles grâce, notamment, au travail des experts de l’association (des enseignants, des formateurs, des indépendants). « Nous tâchons, en Belgique, d’informer les filières professionnelles et de les faire bénéficier de l’expérience technique et pédagogique acquise par les experts grâce aux échanges qu’ils ont tant en Belgique qu’à l’international lors des compétitions. Nous n’y parvenons pas comme nous le voudrions, mais cela évolue. »

 

Sur la plus haute marche du podium

La Finlande ! Sans aucun doute le premier pays à avoir tout compris en matière d’éducation et de formation. Les Finlandais ont créé une Académie de manière à utiliser les compétitions de WorldSkillscomme outil pédagogique. Le principe est simple. Les experts finnois qui accompagnent les finalistes aux EuroSkills ou WorldSkills sont priés d’être attentifs à ce qui se fait d’intéressant à l’étranger en matière d’enseignement dans les filières manuelles afin d’adapter (et de tirer vers le haut) leur propre système éducatif. WorldSkills Belgium ambitionne d’importer le système des vases communicants finlandais en Belgique. Selon Francis Hourant, l’objectif des quatre prochaines années est que les experts et membres des jurys puissent, dans leurs sphères de travail réciproques, partager leur expérience. « Nous avons beaucoup à apporter à notre système d’enseignement. Notre dynamique d’échanges internationaux nous permet d’évaluer de manière constante et de rehausser nos compétences en matière de connaissance des métiers. »

 

Belgian Team EuroSkills 2016

Cap sur Göteborg ! Après le Mondial 2015 des Métiers à São Paulo, cette année est consacrée, suivant le principe de l’alternance, aux championnats régionaux. Une compétition EuroSkills est donc prévue pour les sélectionnés du Belgian Team 2016. Au terme d’un long processus éliminatoire, 25 jeunes gens obtiennent un sésame pour la Suède. Une sélection impitoyable quand on sait qu’ilsétaient 752 inscrits aux présélections. En plus d’une formation technique unique donnée par les experts, les 90 finalistes des Startech’s Days (trois médaillés d’or, d’argent et de bronze représentant 30 métiers) ont reçu, pour la première fois dans l’histoire des compétitions, une formation au soft skills, c’est-à-dire en gestion personnelle. Le savoir-être est aussi précieux que le savoir- faire. La motivation, la capacité et la volonté d’apprentissage, la marge de progression technique, la gestiondu stress, l’esprit d’équipe... autant de facteurs qui ont été évalués par des team leaders et pris en compte pour désigner, parmi les 90 médaillés, ceux ou celles qui représenteront la Belgique et leur métier à Göteborg.

Et ce n’est pas nécessairement le médaillé d’or du podium qui partira. L’excellence acquise durant une formation est une chose, tenir physiquement et mentalement face aux contraintes d’une compétition en est une autre. Il est par ailleurs intéressant de noter qu’une enquête auprès des finalistes dévoile que 90 % des finalistes des Startech’s Days s’y sont inscrits pour vivre une expérience professionnelle et humaine supplémentaire avant même de penser à partir à l’étranger. Cependant, un jeune qui concourt au championnat national des métiers gagne un à deux ans d’expérience. S’il est sélectionné pour l’Europe ou le monde, il fait un bond qualitatif de cinq ans. D’un coup !

 

Les métiers sont-ils suffisamment connectés ?

Namur accueillera en mai 2017 une conférence internationale pour souligner les impacts de la société digitale sur la formation et les métiers techniques. Regards et expériences croisés de pays membres de WorldSkills avec ceux de nos acteurs régionaux, en un lieu symbolique, le Château de Namur, école d’application liée à l’École hôtelière de la Province.

 

RENSEIGNEMENTS : 
WorldSkills Belgium
Square Masson, 1/15
B-5000 Namur
+32 (0)81 40 86 10
 

www.worldskillsbelgium.be


BARTHÉLÉMY DEUTSCH remet le couvert

Barthélémy, c’est le champion du service en salle. Il incarne le jeune qui en veut et qui a pu saisir lesopportunités offertes par WorldSkills pour aller loin, très loin... Médaillé d’or en 2013 aux Startech’s Days, il est parti, a 20 ans, au Mondial de Leipzig. Il ne monte pas sur le podium, mais est repéré par le célèbre restaurant britannique The Fat Duck qui l’engage. Ironie du sort, Barthélémy a échoué àLeipzig, car il ne comprenait rien aux consignes qui lui étaient données en anglais ! Devenu parfaitement bilingue (et chef de rang), il parcourt le monde pour encore en apprendre davantage. À 23 ans, la compétition lui manque. Il se représente aux Startech’s Day 2016, est de nouveau couronné d’or et espère (NDLR : la décision est attendue au moment  nous mettons sous presse) êtresélectionné pour l’EuroSkills de Göteborg. Gagnant, il l’est déjà. « Cette année, plus qu’une médaille, j’ai bénéficié d’une formation hors norme qui étend mes compétences au-delà de la sphère de mon métier. Nous avons par exemple participé avec notre expert Dominique Bal à la finale belge des cocktails. Une manière de nous apprendre des techniques nouvelles, de travailler les produits et d’affiner nos connaissances en matière de goûts. Nous avons reçu une formation de la part de l’ancien maître d’hôtel du Palais royal qui nous a appris ce qu’était le protocole et comment dresser une table parfaite. Au restaurant Comme chez soi, c’est Monsieur Jacques qui nous a expliqué comment gérer de bonnes relations avec le client. Ce sont des apports inestimables qui feront de moi un meilleur compétiteur, un meilleur professionnel. » Sélectionnés par WorldSkills sur base d’un dossier de candidature, neuf champions issus de tous les continents sont les ambassadeurs mondiaux du projet WorldSkills pendant deux ans. Barthélemy Deutsch fait partie de ce WorldSkills Champions Trust et reçoit en bonus des formations internationales. Son objectif ? Transmettre les valeurs de WorldSkills, ici et ailleurs.

 

ANAÏS PIRART, une source d’inspiration

Son école, l’École Secondaire Provinciale d’Andenne, est fière d’elle. Elle est fière d’elle-même (et elle a raison). Mais surtout, « avoir gagné la médaille d’or au championnat national dans le métier “coiffure”, je le vois bien, ça motive les élèves des classes inférieures », commente simplement Anaïs Pirart. Grâce à sa médaille, Anaïs, qui espère monter au championnat européen, n’est pas une star, mais un exemple à suivre pour des jeunes gens prêts à tenter les Startech’s Days afin de mettre en valeur le métier qu’ils ont choisi d’exercer. Anaïs, 19 ans, est en dernière année de coiffure. A 17 ans,elle avait déjà tenté la sélection nationale. « Une première compétition, une première expérience qui m’a permis de grandir. Les concours, j’aime cela, car ils me donnent des objectifs. » Anais vient de vivre le week-end de formation aux soft skills et c’est sereinement qu’elle attend la décision de WorldSkills Belgium. Partira ou ne partira pas à Göteborg ? « J’y crois, mais ce n’est pas grave si je ne suis pas sélectionnée dans le Belgian Team. J’ai appris à avoir confiance en moi et que le travail donne toujours des résultats. »

 


WORLDSKILLS, UNE STRUCTURE À TROIS NIVEAUX

 

01. Mondial WorldSkills International (WSI) regroupe 75 pays membres répartis dans cinq régions du monde. L’organisation représente 70 % de la population mondiale.

02. Régional : les pays membres de WSI se distribuent dans cinq régions (Europe, Amérique, Océanie,Asie et les pays du Golfe arabique). Un objectif : créer prochainement une sixième région africaine. LaBelgique relève de la région Europe, WorldSkills Europe (WSE), qui réunit 28 pays.

03. National : chaque pays membre est représenté par une organisation accréditée aux niveaux international et régional. WorldSkills Belgium est le représentant off iciel en Belgique de WorldSkillsInternational et WorldSkills Europe.

 

De l’or, de l’argent et du bronze

Des championnats sont organisés aux trois niveaux de la structure. La Belgique organise chaque année un championnat national des métiers, les Startech’s Days. Le Belgian Team (sélection parmi les médaillés des Startech’s Days) concourt, en alternance, au championnat européen (EuroSkills) les années paires (chaque pays membre concourt dans sa région) et au Mondial des métiers (WorldSkills) les années impaires. Chaque finaliste national n’a le droit de participer qu’une seule fois à une compétition régionale et à une compétition mondiale dans la limite de la tranche d’âges (maximum25 ans l’année du concours en Europe et 22 ans au Mondial). EuroSkills Göteborg (Suède) accueillera, du 29 novembre au 1er décembre 2016, le Belgian Team 2016. En octobre 2017, le 44e Mondial des métiers sera organisé à Abu Dhabi.


ON NOTICE

Un métier est on notice, c’est-à-dire en danger, si moins de douze pays au niveau mondial et sept auniveau régional s’inscrivent dans une compétition. Aux compétitions suivantes correspondantes, si lasituation se répète, le métier disparaît. C’est le cas de l’imprimerie qui a déjà disparu du niveaueuropéen. Au Mondial 2015 de Sao Paulo, seuls onze pays ont participé à la compétition. L’imprimerie est donc on notice et son sort se jouera au prochain Mondial, en 2017, à Abu Dhabi. La taille de pierre est dans le même cas. A l’inverse, de nouveaux métiers tentent de s’imposer, comme la gestion logistique, l’aquatronic (la gestion de l’eau) ou le game development (la création de jeux vidéo).


LES COMPÉTITIONS DE WORLDSKILLS, C’EST UN PEU LA VIE EN RACCOURCI

Spécialisé en développement personnel depuis une vingtaine d’années, Jean-Claude Raskin, coachmental, encadre le Belgian Team au niveau de la communication générale, de la gestion du stress et de la motivation des jeunes avant et pendant les compétitions. « La compétition se fait d’abord vis-à-vis de soi-même. Ce que je demande aux jeunes, c’est de se dépasser non pour écraser les autres, mais pour être fiers d’eux-mêmes. Quel que soit le résultat, cette attitude leur permet de ne pas être (trop) déçus s’ils ne sont pas sur le podium. Au niveau de la sélection des médaillés des Startech’sDays, mon rôle comme celui d’autres collègues est d’aider les experts techniques à identifier, lorsqu’il y a un doute, les jeunes qui monteront en compétition européenne ou mondiale. Un jeune excellent dans son métier peut se révéler, après un week-end d’épreuves sportives, mentales et psychologiques, très fragile face à la pression. » Ou réfractaire à la discipline !

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