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Par Christian Sonon
Dans le contexte d’une économie globalisée, la filière bois wallonne a compris qu’elle ne pourra tirer son épingle du jeu qu’en misant sur la Recherche & Développement et en s’attaquant à des marchés de niche à haute valeur ajoutée. En première ligne, la valorisation de nos feuillus qui pourraient se trouver une place dans les constructions extérieures.
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Parmi les études techniques et économiques menées ou coordonnées par l’Office économique wallon du bois afin de dénicher des procédés innovants, celles qui portent sur le traitement du bois à haute température focalisent les intérêts. En modifiant la structure chimique des constituants, le chauffage améliore considérablement la stabilité dimensionnelle et la durabilité des matériaux. Des qualités intéressantes pour l’utilisation en revêtements (parquets, terrasses et bardages) et en ameublement. De quoi surtout permettre la revalorisation des bois feuillus de nos forêts et plus particulièrement le hêtre qui possède d’excellentes qualités mécaniques. D’autant que, si ce bois est l’essence feuillue la plus récoltée en Wallonie (46%, contre 28% pour le chêne), il est encore trop souvent destiné à l’importation. Son utilisation en extérieur permettrait de favoriser les circuits courts, mais aussi de réduire la dépendance vis-à-vis des bois tropicaux et, partant, d’alléger la pression qui pèse sur les forêts de la ceinture subtropicale.
Scidus innove à Etalle
C’est ainsi que l’OEWB a observé d’un très bon œil la mutation récente de la scierie Scidus à Etalle, dans le sud de la Province de Luxembourg. Sous ce nom se cache une très ancienne entreprise de la région, la scierie familiale Dusausoit, qui a été rachetée en 2015 par Mobic, un groupe dont le siège est située à Harzé (Aywaille) et dont la spécialité est la conception et la fabrication d’éléments préfabriqués en ossature bois. Afin d’assurer l’avenir de la scierie, l’entreprise liégeoise a décidé de développer en parallèle un gros programme R&D avec l’objectif de développer une vingtaine de produits finis ou semi-finis et de s’approprier ainsi une partie des étapes de la seconde transformation exercées jusque là par ses clients. C’est ainsi qu’elle a acquis un four de thermo-traitement afin de traiter les essences feuillues contre les champignons et les insectes.
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« Nous utilisons principalement le hêtre blanc car c’est un bois fort, à très forte densité, donc résistant », explique Marc Wilmet, le directeur de la scierie. « Il faut cependant savoir le travailler, depuis la découpe et le séchage jusqu’à la finition et sa mise en place finale par clouage ou collage. Le processus est plus compliqué à maîtriser avec le hêtre qu’avec des essences plus tendres. Ce bois a été sous-exploité mais nous sommes convaincus qu’il a énormément de débouchés. Une fois traité thermiquement, il se resserre, de sorte qu’il ne prend quasiment plus d’humidité et ne donne plus de nourriture aux insectes. Ce bois que nous avons appelé « torréfié », devient alors idéal pour la construction de terrasses et un fameux concurrent pour le bois exotique. Mais il peut également être utilisé dans des structures CLT sous forme de panneaux massifs très faciles à monter pour faire des cloisons. Parallèlement à cela, nous faisons des recherches afin d’obtenir l’agrément technique européen qui permettrait d’utiliser des panneaux en hêtre dans la construction de bâtiments multi-étages. »
La carte du chêne wallon
Preuve que les essences feuillues indigènes sont en train de se tailler petit à petit une place sur le marché des terrasses et de renvoyer le bois exotique à ses lointaines forêts, c’est le chêne belge, issu de forêts gérées durablement et certifié PEFC, qui a été choisi, en 2014, pour remplacer l’azobé sur les 600m2 de la place des Sciences à Louvain-la-Neuve. Construite quarante ans plus tôt, au cœur de la nouvelle implantation de l’Université catholique de Louvain, cette place commençait à sentir douloureusement le poids des ans et des étudiants.
Si le chêne n’est pas une essence à laquelle on pense habituellement pour une terrasse, celle-ci est néanmoins parfaitement adaptée à ce type d’utilisation. Mais il a fallu prendre certaines précautions lors de la mise en œuvre. C’est ainsi que les experts mandatés par l’UCL ont eu l’ingénieuse idée d’utiliser un caillebotis métallique comme structure portante du plancher. Un procédé qui permet une parfaite ventilation sous le platelage et évite au bois d’être en contact avec le sol et l’eau stagnante.
Entièrement reconstruite par l’entreprise namuroise De Graeve, qui a remporté le projet d’aménagement du site du Grognon, cette place fait à nouveau belle figure, tout en conservant son caractère visuel unique au pied de l’ancienne Bibliothèque des sciences appliquées, bâtiment emblématique dessiné par l’architecte André Jacqmain et aujourd’hui transformé en musée (1).
![]() Entièrement reconstruite par l’entreprise namuroise De Graeve, la place des Sciences, à Louvain-la-Neuve, fait à nouveau belle figure, tout en conservant son caractère visuel unique au pied de l’ancienne Bibliothèque des sciences appliquées, bâtiment emblématique dessiné par l’architecte André Jacqmain et aujourd’hui transformé en musée (1). (1) Voir WAW n°38 (Automne 2017) |
Accoya® aux Pays-Bas et Kebony® en Norvège
Afin d’ouvrir des débouchés en extérieur, certaines sociétés ont mis au point des technologies innovantes permettant d’augmenter la durabilité du bois. Ainsi, Accoya®, aux Pays-Bas, a breveté un traitement du bois par acétylation avec du vinaigre, tandis que Kebony®, en Norvège, a donné son nom à un bois traité par furfurylation, résultat d’une greffe cellulaire à base d’alcool issu de déchets végétaux. « Ces procédés, traités par de la chimie propre, sont respectueux de l’environnement et associés à des garanties allant jusque 50 ans », explique Dominique Wibrin qui a signé un contrat de franchise avec Grad, le spécialiste alsacien de la terrasse en bois, afin de pouvoir vendre son savoir-faire et ses produits à Mont-Saint-Guibert, en Brabant wallon, où il a créé la société DomiWood en 2010.
Si ces bois se positionnent en sérieux concurrents des essences exotiques, comme l’ipé d’Amazonie, pas question de label « bois local », cependant, pour ces produits. L’essence utilisée dans ces deux techniques et le pin radiata provenant d’exploitations contrôlées en Nouvelle-Zélande. « Nos feuillus sont trop durs pour être pénétrés par acétylation ou furfurylation », souligne le spécialiste, qui a observé que ses clients fuyaient de plus en plus les entretiens réguliers. « Les gens recherchent la qualité, même si elle a un coût. »