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© Jacques Verrees

Comme un bâteau amarré

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Namur  / Namur

Par Carole Depasse

Au confluent de la Sambre et de la Meuse, la Citadelle de Namur ressemble à un bateau en cale sèche. Sa « proue » domine le Grognon, banc de terre chargé d’histoire. Les canons ne crachent plus de feu : la Citadelle est pacifiée et se réjouit des attentions de conservation dont elle fait à présent l’objet.

« Quand je suis arrivé au Service Citadelle en 2009, il y avait un bon moment que les murailles n’avaient plus fait l’objet de restauration », commente Jean-Sébastien Misson, historien, responsable du Service Citadelle. « Or, leur état de dégradation n’avait échappé à personne. Pour crédibiliser une demande d’intervention de la Région wallonne, nous avons commandité, en 2010, une étude détaillée sur l’état de conservation des murailles à un bureau d’architecture parisien, spécialisé dans l’architecture militaire. » Cette étude a permis de cartographier 50 000 m2 de murailles, avec, pour chaque muraille, une fiche descriptive des mesures à prendre ainsi qu’un estimatif des dépenses liées. Une ardoise élevée ! La restauration d’une seule traite des murailles est alors estimée à 24 000 000 €. « Ce diagnostic a non seulement permis d’objectiver l’état de conservation alarmant des murailles, mais a aussi permis d’arrêter un programme global de rénovation sur 10 ans ». Dès 2011, un chantier d’envergure, le plus important jamais mené sur la Citadelle depuis son classement comme site, est lancé (achevé en novembre 2012) : 5000 m2 de murailles, d’une seule venue, sont restaurés. Un second chantier d’intérêt archéologique (achevé fin 2014) fait suite et voit la restauration de la Porte de Médiane. Un projet plus spécifique de restauration qui dévoile et rend en partie accessible un témoin du château fort des Comtes de Namur : une tour médiévale du XIVe siècle. Au cours de ces derniers travaux, une boulangerie souterraine, aménagée à l’époque hollandaise et dont on redécouvre les fours, est restaurée. Cette boulangerie est aujourd’hui accessible lors d’animations comme, notamment, la dégustation de vins namurois ou de vins vinifiés par des Namurois. À noter qu’une animation analogue autour de la bière, dont la trouble Blanche de Namur, est organisée dans une ancienne casemate de la Citadelle en partenariat avec la Brasserie du Bocq.

Ces chantiers donnent le signal d’une relance des travaux de restauration de la Citadelle. Relance soutenue par un accord-cadre de 10 000 000 €. La décision fut prise par le gouvernement wallon fin 2013 et l’accord signé au printemps 2014. Le Namurois Maxime Prévot, nouveau Ministre du Patrimoine, ne pouvait qu’embrayer. Depuis, les chantiers se succèdent, les échafaudages se montent et se démontent pour un vaste lifting des murailles et des fortifications de la Citadelle. Fin des travaux prévus en 2018.

Scénographie souterraine

Pour la bonne cause, les « Grands souterrains », dont on visite environ 600 mètres courant, fermeront à la fin de l’année. Les restaurations nécessaires à la pérennité du monument et la sécurité des visiteurs seront menées, avec, pour problématique spécifique à un tel réseau enterré, la gestion de l’eau qui s’y infiltre. La majeure partie des tronçons visités est d’époque hollandaise, mais certaines zones témoignent encore de l’époque de Vauban. Qui plus est, l’Armée belge a également transformé ces souterrains durant l’Entre-deux-guerres par la création de zones censées résister aux attaques de gaz irritants (comme le gaz moutarde) dont on craignait les effets. Un  gunitage de béton a donc été projeté sur les parois de certaines zones et de nouveaux espaces souterrains ont même été creusés, gunités eux aussi, afin de les étanchéifier. Les vestiges du système de ventilation (air pressurisé) destiné à renouveler l’air vicié par de l’air frais en chassant les gaz à l’extérieur sont toujours visibles. Au terme de la restauration des « Grands souterrains », une scénographie sera créée, qui trouvera son achèvement en 2017. Sous la conduite du guide, le visiteur y découvrira diverses animations qui l’immergeront dans le passé de la « termitière de l’Europe », telle que Napoléon qualifiait la Citadelle.

Voyage au coeur de 2000 ans d’histoire namuroise

Avant la réouverture des souterrains, un espace très attendu ouvrira ses portes ce 26 juin : le nouveau Centre du Visiteur de la Citadelle de Namur. Le Centre présentera de manière ludique et moderne, la formation du site et du paysage namurois et deux mille ans d’histoire namuroise, depuis l’époque romaine jusqu’à nos jours et abordera les défis patrimoniaux et urbanistiques de la Citadelle et de la ville. Un tel outil de médiation et d’interprétation manquait cruellement depuis l’ouverture du site au public.

En lien avec l’ouverture de cet espace, durant le mois de juillet (les vendredi, samedi et dimanche en soirée), un spectacle « sons et lumières », Waterloo : The day after, sera proposé aux visiteurs. Le spectacle raconte le repli vers la France (en passant par Namur) des troupes napoléoniennes dirigées par le général Grouchy, après la défaite de Napoléon à Waterloo. S’il nous était donné de voir la Citadelle à cette époque, nous découvririons une citadelle en décrépitude. En effet, suite à la décision de Joseph II en 1782 (décision confirmée par Napoléon en 1801) de démilitariser les places fortes de ses territoires pour privilégier les batailles en rase campagne moins longues et coûteuses que les sièges devant de hauts murs fortifiés, la Citadelle de Namur est une ruine, une carrière de pierres à ciel ouvert. Il faut attendre le régime hollandais (1815 -1830) pour une reprise en mains. Après la défaite de Napoléon, selon un projet inspiré par le Duc de Wellington, les Hollandais construisent une barrière dissuasive de fortifications sur la frontière sud du nouveau Royaume des Pays-Bas afin de dissuader la France de toute nouvelle velléité expansionniste. Projet pour lequel ils réédifient la Citadelle. Ainsi, la Citadelle d’aujourd’hui est à 90% une citadelle hollandaise de la première moitié du XIXe siècle et pas du tout une Citadelle « Vauban ». Fin d’un mythe.

 

www.citadelle.namur.be  

 

CONCENTRÉ D’HISTOIRE

IIIe siècle Dès le IIIe siècle de notre ère, l’éperon rocheux dominant le confluent de la Sambre et de la Meuse et la bourgade gallo-romaine est déjà occupé par un établissement défensif. À partir du IXe siècle et jusqu’au XVe siècle, une importante forteresse, résidence des Comtes de Namur, s’y développe.

XVe siècle En 1429, Philippe le Bon, duc de Bourgogne, acquiert le comté de Namur. En 1477, Marie de Bourgogne épouse Maximilien d’Autriche. Quand elle décède en 1482, Namur appartient à la maison des Habsbourg. Le développement de l’artillerie et les tensions entre Habsbourg et rois de France renforcent la vocation exclusivement militaire du site qui se transforme en une imposante citadelle.

XVIe siècle Charles Quint commandite une première extension bastionnée entre 1542 et 1559 (actuelle Médiane). Les rois d’Espagne poursuivent en ce sens à partir de 1631 par la construction d’une nouvelle extension (actuelle Terra Nova). La Citadelle poursuit ses efforts de défense au cours des conflits opposant Louis XIV et ses voisins. Elle atteint alors son extension maximale (80 ha).

XVIIIe siècle L’Empereur Joseph II, en 1782, et Napoléon, en 1801, déclassent la Citadelle de Namur. Après la défaite de Napoléon et la création des Pays-Bas (1815), le gouvernement hollandais entreprend la construction d’une ligne défensive pour contenir la France dans ses frontières.

XIXe siècle Après l’indépendance de la Belgique (1831), ces travaux sont complétés par de nouveaux bâtiments militaires (casernement). En 1893, la villégiature se développant dans la vallée mosane, l’État belge cède à la Ville de Namur les terrains extérieurs à la place forte. Le Grand Hôtel s’installe sur une partie de ceux-ci (voir article sur le Château de Namur).

XXe siècle En 1975, après les terrains avoisinants, le domaine fortifié (environ 10 ha) est cédé par l’Armée belge à la Ville de Namur. En 1978, l’ASBL Comité Animation qui en assure la gestion avec peu de moyens ouvre, pour la première fois, les portes de la forteresse au public. Il faut attendre le classement de la Citadelle comme site (1991) et comme monument (1996), puis son inscription sur la Liste du patrimoine immobilier exceptionnel de Wallonie (1999) pour que la Ville de Namur s’investisse dans son développement en créant, en articulation au Comité Animation Citadelle ASBL (animation et valorisation de la Citadelle en tant que produit touristique), un service communal chargé de la gestion du domaine fortifié dans ses aspects matériels et physiques. Une décision attendue par de vieilles pierres moussues en mal de rénovation.

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