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Par Carole Depasse
Exposition « Moodboards », au Grand-Hornu Images. Le site récemment classé Patrimoine mondial de l’UN ESCO vit de son passé mais, surtout, regarde vers l’avenir.
Coïncidence ou intuition ? Peu après que Jean-François D’Or ait été proclamé « Designer de l’année 2013 », s’ouvre, dans les Écuries du Grand-Hornu, la première exposition monographique de l’artiste. Selon Marie Pok, directrice du Grand-Hornu Images, « il est évident que Jean-François D’Or est arrivé à un moment de sa carrière où son travail mérite d’être mis en avant. » Séduite par l’artiste, elle le décrit « comme un homme rigoureux et perfectionniste. Jusqu’à la maniaquerie ». Une conscience professionnelle irréprochable. La préparation de l’exposition l’a conduite à rencontrer des éditeurs, partenaires industriels pour lesquels le designer a travaillé. Comme Michel Roset de la marque éponyme Ligne Roset. Pour l’enseigne, Jean-François D’Or a dessiné, entre autres choses, des boîtes de stockage aux couleurs « bonbon », empruntant leurs codes à l’univers de l’enfance. « Tous les témoignages vont dans le même sens. Jean-François D’Or est tellement soucieux du détail que le moment venu d’éditer une de ses créations, il faut le pousser. Michel Roset finissait par gentiment lui dire qu’il était temps de lâcher le bébé. » Si la perfection est de ce monde, le designer la fréquente, sans jamais être ennuyeux. « Ses objets relèvent de l’évidence et du bon sens avec un juste décalage. Comme ce fauteuil peu banal avec un rangement pour les journaux entre l’assise et le dossier. Personne n’y avait pensé avant lui. » Le génie créatif !
L’exposition en cours jusqu’en décembre est une rencontre avec les techniques de création et l’esthétique de l’artiste. « Il ne s’agit pas d’un show-room froid, d’une rétrospective des oeuvres éditées. » Du moins, Jean-François D’Or le souhaite. Son intention est d’inviter le visiteur à se balader aussi calmement et librement qu’il l’a été lorsqu’il a reçu « carte blanche » pour penser l’exposition avec Marie Pok. Sans systématisme, sans sens de circulation obligatoire, juste quelques balises écrites pour aider à l’interprétation de son univers. Une promenade accessible à tous entre pièces éditées, pièces ratées, prototypes, échantillons et « moodboards », assemblés en une continuité naturelle à l’image du studio et de la maison du designer où il est impossible de faire la différence entre scénarisation des objets, désordre réel, espace de travail et de vie privée.Cette première exposition est aussi l’occasion pour Jean-François D’Or de se livrer publiquement : des secrets jamais racontés, des anecdotes d’adolescent comme, lorsque dans la rue pour surprendre le passant, il se promenait avec un parapluie piqué dans un chapeau melon ou, plus sérieusement, les références aux courants artistiques et littéraires qui ont marqué son style de façon décisive.
L’outil « moodboard »
Le « moodboard », c’est l’outil de travail de Jean-François D’Or. « C’est un brouillon, un avant-projet avant de préciser les choses. Je récolte des objets, des fragments de matière, des échantillons de couleur, je les rassemble et je les dispose à la fois de manière intuitive et très organisée pour créer un tableau d’inspiration. » C’est le creuset de l’alchimiste avant la synthèse. Un processus de développement créatif parfaitement mis au point et visuellement compréhensible par les éditeurs. Cet assemblage d’objets physiques ayant souvent plus d’impact qu’un « moodboard » digital. Jean-François D’Or aime les objets qui ont une histoire, une fonction et un usage. « Si on me demande de créer juste un bel objet, cela ne m’intéresse pas. Par contre, revisiter différents types d’objets du quotidien est une approche qui me correspond. » Un travail déjà exécuté avec brio pour une carafe, une clenche de porte, un miroir, un lit, un paillasson, des lunettes… Un travail qui pourrait encore être exécuté pour une brosse à dents, un poêle, une chaussure, un radiateur, un bilboquet… si on lui demandait.
RENSEIGNEMENTS
Moodboards
Exposition monographique
Du 22 septembre au 15 décembre 2013
Les Écuries du Grand-Hornu
Rue Sainte Louise 82
B – 7301 Hornu
info@grand-hornu.eu
www.grand-hornu-images.be
Étiquettes et yeux de mouche !
Tête pensante du studio Loudordesign, Jean-François D’Or est en perpétuel questionnement. Une fébrilité créative… et productive.
À propos de Jean-François D’Or,les éditeurs, critiques d’art et journalistes emploient un vocabulaire récurrent : « justesse », « rigueur », « modestie », « discrétion », « logique », « simplicité », « évidence » sont autant d’étiquettes collées sur ses objets et son univers mental. Cependant, certains indices laissent à penser que d’autres mots, non usités à son égard, pourraient aussi le dépeindre. À commencer par le qualificatif « populaire » pour le choix de la localisation de son espace professionnel, à Schaerbeek, dans un quartier fourmillant et multiculturel qui nourrit son inspiration.
Populaire, mais un brin « dandy » quand il sort, un chapeau à la Jacques Tati sur la tête, rejoindre une fois par semaine les étudiants du College of Advertising & Design (C.A.D.), à Uccle. Enfin, Jean-François D’Or serait aussi un peu « mouche » car, s’il n’a que deux yeux, ceux-ci sont certainement à facettes. Le designer voit tout comme au travers d’un fin grillage et son cerveau reçoit une multitude d’informations traduites à travers ses « moodboards ». Une fantaisie tout en retenue…