- Dossier
Par Christian Sonon
Qui se ressemble s’assemble ! Quelque 600 personnes travaillent en effet au sein du Biopark de l’aéropole. Dans des entreprises et des spin-offs, des centres de recherche et de formation… Un réseau professionnel qui se renforce d’année en année.
L’idée a germé en 1994 lorsque l’ULB décide d’assurer sa présence en Wallonie. La réforme institutionnelle confie de plus en plus de compétences aux Régions et Communautés, et l’ULB décide, elle aussi, de se construire un ancrage wallon. Le choix de Charleroi s’impose assez facilement : malgré sa densité de population importante, la métropole ne comporte pas d’université et la province de Hainaut vient de se voir accorder les aides européennes au développement économique (Objectif 1).
Le choix du domaine d’activités est tout aussi stratégique : les biotechnologies et les sciences du vivant sont déjà avancées comme un des principaux domaines de développement industriel pour le XXIe siècle. Le pari est donc lancé : c’est à Gosselies, sur les vastes terrains jouxtant le jeune aéroport, que le « Biopole ULB Charleroi » sera créé. Le but : poursuivre une recherche d’excellence qui serait compétitive sur le plan international et permettrait le développement d’applications bénéfiques au développement économique de la région. Un défi concrétisé en 1999 par l’inauguration, au sein de l’aéropole, de l’Institut de Biologie et de Médecine Moléculaires (IBMM).
La chaîne complète de l’innovation
Treize ans plus tard, le Biopole, rebaptisé Biopark Charleroi Brussels South (BCBS), est devenu un pôle d’excellence en biotechnologies impliquant de nombreux acteurs actifs dans toute la procédure de l’innovation scientifique, depuis la recherche jusqu’à la production.
C’est ainsi que le BCBS englobe :
→ Quatre centres dédiés à la recherche: l’Institut de Biologie et de Médecine Moléculaires (IBMM), l’Institut d’Immunologie Médicale (IMI), le Laboratoire de Biotechnologie Végétale (LBV) et le Centre de Microscopie et d’Imagerie Moléculaire (CMMI).
→ De nombreuses plateformes technologiques regroupant des compétences variées (laboratoires et équipements exceptionnels), principalement en biologie moléculaire, imagerie et immunologie, à destination des chercheurs académiques et privés.
→ Deux unités de valorisation : l’Office de Transfert Technique, qui soutient les chercheurs dans toutes les étapes depuis l’émergence d’une idée jusqu’à son exploitation commerciale en passant par la validation de brevets, et le Biopark Incubateur, qui aide les futures spin-offs à se lancer.
→ Une quinzaine d’entreprises, majoritairement des spin-offs universitaires, qui profitent de leur situation stratégique au sein de l’aéropole pour se développer.
→ Un centre de formation continue pour les étudiants, chercheurs, professeurs et personnes sans emploi, qui fournit une précieuse main d’oeuvre qualifiée pour tout le secteur.
La présence de tous ces acteurs sur un même site est un atout car elle renforce les synergies et contribue à la création d’un véritable réseau professionnel. Le Biopark est ainsi devenu un lieu privilégié pour les partenariats entre les universités (ULB, UMons et même UCL depuis l’arrivée de la spin-off iTeos Therapeutics), les hautes écoles (campus technologique) et les partenaires publics (Wallonie, Province de Hainaut, IGRETEC...) et privés (GSK, UCB, spin-offs...).
« Le succès du Biopark vient du fait que l’ULB est parvenue à intégrer harmonieusement les différentes entités du secteur, expl ique son directeur, Dominique Demonté. En réussissant à attirer en moyenne une entreprise par an et en les encadrant d’un incubateur et d’un centre de formation en partenariat avec le Forem et les hautes écoles, c’est un véritable écosystème en connexion avec la région qu’elle est parvenue à créer. En complément de son pôle hospitalier à Bruxelles, l’ULB a aujourd’hui un pôle santé en Wallonie. Grâce à cette approche intégrée et dynamique, le Biopark est devenu un acteur important du développement socio-économique de la région de Charleroi et de la Wallonie. En outre, le BCBS est souvent cité comme un très bon exemple d’utilisation du fonds Feder. Le Fonds européen de développement régional a permis à l’UCB d’amorcer une stratégie dont on mesure aujourd’hui les effets bénéfiques. »
Le Hainaut, premier fournisseur du Biopark
Côté emploi, ce sont quelque 600 personnes, dont près de la moitié dans les entreprises et spin-offs, qui travaillent sur le site du Biopark. Une masse salariale qui se compose de docteurs (33 %), de détenteurs d’un master (38 %), de bacheliers (24 %) et de diplômés du secondaire (5 %). « Voici une douzaine d’années, à l’IBMM , j’étais l’un des rares Carolos à naviguer au milieu d’une flottille de Bruxellois, explique Dominique Demonté. Aujourd’hui, le Hainaut fournit 50 % des travailleurs du Biopark, la Région bruxelloise 21 %, le Brabant wallon 13 %, la Province de Namur 10 %, etc. C’est une autre preuve de l’impact socio-économique pour la région. » Et le directeur de conclure en se tournant vers l’avenir. « Même si nous avons atteint une masse critique importante, nous devons rester modestes. Le Biopark est encore jeune et pour assurer sa croissance, nous devrons à la fois poursuivre notre politique d’ouverture et renforcer nos axes forts afin d’assurer notre positionnement sur la scène internationale. »
Un positionnement qui devrait notamment passer par la création d’un centre inter-universitaire de recherche en immunologie. Un projet qui dégagerait des perspectives puissantes en termes de valorisation de la recherche, de la création d’entreprises ainsi que de formation. Les trois mamelles du Biopark ! ■
Les entreprises présentes sur le site
Aliwen: Services de gestion intégrée aux gestionnaires d’espaces verts publics et privés.
Bone Therapeutics: Traitement des maladies ostéo-articulaires par thérapie cellulaire.
CareSquare: Solutions IT innovantes permettant d’améliorer les conditions de vie des patients à domicile.
CF Pharma: Promotion, commercialisation et distribution de produits pharmaceutiques, parapharmaceutiques et médicaux.
Delphi Genetics: Solutions originales dans le domaine de l’ingénierie génétique.
DNA Vision: Services en analyses génétiques, orientées vers la médecine personnalisée. Euroscreen Récepteurs cellulaires couplés aux protéines.
ImmuneHealth: Centre de recherche spécialisé dans l’étude de la santé du système immunitaire.
MaSTherCell: Services dans le domaine de la production de cellules à but thérapeutique.
Novasep-Henogen: Société pharmaceutique et de bioingénierie intégrée.
Microcyc: Logiciels pour le secteur des soins infirmiers.
iTeos Therapeutics: Traitements innovants contre le cancer.
À noter également la présence de BioWin, le pôle de compétitivité Santé de la Wallonie, qui fut, en 2006, le premier partenaire extérieur à s’installer dans le pôle universitaire.
Le Biopark formation
En créant Biopark Formation, les autorités académiques de l’ULB visaient un double but : soutenir les activités de recherche et développement dans le domaine des sciences biomédicales et contribuer au développement socio-économique de la région. Depuis décembre 2008, le centre propose des cycles de formation allant de quelques heures à plusieurs mois à l’attention de tous les acteurs du secteur :
⇒ Les techniciens, chercheurs et managers académiques et industriels travaillant déjà dans ces domaines, mais souhaitant apprendre ou se perfectionner dans un sujet ou une technique.
⇒ Les demandeurs d’emploi : il s’agit de parcours de longue durée orchestrés en partenariat avec le Forem et grâce au Fonds Social Européen (FSE).
⇒ Les professeurs des hautes écoles ou du supérieur qui doivent former des étudiants à très haut bagage technologique et en adéquation avec les demandes du secteur.
Pour connaître les besoins en formation, les responsables sont allés à la rencontre d’entreprises et centres de recherche du secteur. C’est ainsi que, dans leur catalogue, on trouve des formations en imagerie, qui sont nées d’une réflexion avec le Centre de Microscopie et d’Imagerie Moléculaire (CMMI ), et en culture cellulaire, qui ont été mises sur pied avec la société MaSTherCell.
En quatre ans, Biopark Formation a déjà accueilli près de 1 300 stagiaires qui se sont répartis dans nonante sessions. Cela représente plus de 45 000 heures de cours dispensées par cinq formateurs épaulés d’académiciens.
Plus de trente entreprises différentes, ainsi que toutes les universités francophones et 90 % des hautes écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles, y ont déjà participé. Ainsi qu’une soixantaine de demandeurs d’emploi pour lesquels le taux de réinsertion dépasse les 80 %. « Ce taux est même de 100 % pour les douze demandeurs d’emploi qui ont terminé leur session fin de l’été dernier, précise Dominique Demonté. Il est vrai que pour la plupart d’entre eux – des candidats qui étaient au chômage depuis deux à cinq ans –, il s’agissait en réalité d’une réorientation, puisqu’ils avaient déjà un diplôme. Demain, nous aimerions essayer avec des chômeurs présentant des profils plus complexes, comme des anciens ouvriers sidérurgistes… » ■
Le Biopark Incubator
Créé en mars 2010 à l’initiative de l’ULB et de l’intercommunale IGRETEC, en partenariat avec Sambrinvest et le centre d’entreprise Héraclès, le Biopark Incubator est une structure ayant pour objectif l’aide à la création d’entreprises dans les secteurs des biotechnologies et des sciences de l’ingénieur. Une structure composée aujourd’hui d’une équipe d’une dizaine de spécialistes et de deux bâtiments totalisant 10 000 m2.
En réalité, l’incubateur remplit trois missions distinctes mais complémentaires : accompagner les jeunes « chercheurs-entrepreneurs », aider la future entreprise à trouver des financements et l’héberger. La première est vaste puisqu’il s’agit d’aider l’auteur de projet à évaluer le potentiel de sa technologie, à réaliser des études de marché, à définir sa stratégie, à élaborer son business plan, etc. La deuxième consiste à l’aider dans la préparation du dossier qui l’aidera à lever des fonds et à trouver des investisseurs ainsi que des partenaires bancaires. Enfin, l’incubateur met à la disposition de la jeune entreprise ou spin-off la superficie de bureaux dont elle a besoin pour démarrer, mais également des laboratoires classiques et surfaces particulières spécifiques, ainsi que divers services administratifs comme un secrétariat ou une centrale d’achats.
Victime de son succès, le Biopark Incubator, qui a accueilli les sociétés Delphi Genetics et Novasep-Henogen, a très vite affiché complet, obligeant IGRETE C à se lancer dans la construction d’un second bâtiment avec l’aide financière de la Wallonie. Inauguré en avril 2012, le nouvel incubateur héberge déjà plusieurs spin-offs de l’ULB comme Aliwen, MaST herCell, Microcyc, CF Pharma et Caresquare. ■
L’Institut de Biologie et de Médecine Moléculaires
La création de l’Institut de Biologie et de Médecine Moléculaires (IBMM) est le fruit d’une longue tradition de recherche en biologie moléculaire à l’ULB. C’est en effet en 1929 qu’un tout jeune étudiant en médecine, Jean Brachet, montre que l’acide thymo-nucléique est un composant des chromosomes et qu’il est synthétisé lorsque les cellules se divisent après la fécondation. Cet acide n’est autre que l’ADN ! Il fera ensuite d’autres découvertes sur l’acide zymonucléique (ARN) avant de rencontrer Raymond Jeener avec qui il formera le petit laboratoire du Rouge-Cloître à Auderghem. Le groupe, qui atteindra une réputation internationale en s’élargissant, donnera naissance au Département de Biologie Moléculaire (DBM), entité officiellement reconnue par l’Université en 1968. À l’étroit sur le site du Rouge-Cloître, le département essaimera au cours des années 60 vers le nouveau campus de Rhode-Saint- Genèse, ainsi qu’à Bruxelles (au CERI A, au campus de la Plaine et au Solbosch) et à Nivelles. En 1999, la plupart des laboratoires qui composent le DBM de la Faculté des Sciences se regrouperont dans l’aéropole. Ils seront rejoints par plusieurs équipes de l’IRI BHM (Institut de Recherche Interdisciplinaire en Biologie Humaine et Moléculaire) de la Faculté de Médecine avec lesquelles ils formeront l’IBMM.
Installé au sein du Biopark, rue des Professeurs Jeener et Brachet, l’Institut de Biologie et de Médecine Moléculaires est aujourd’hui une entité vouée essentiellement à l’enseignement et à la recherche académique. Centre d’excellence de l’ULB, l’IBMM réunit plus de 200 scientifiques (biologistes, chimistes, physiciens, informaticiens, agronomes, vétérinaires ou médecins) impliqués dans l’étude, l’analyse et la compréhension des mécanismes moléculaires fondamentaux à l’origine du sida, du diabète, du cancer ou de la maladie du sommeil. Leurs recherches peuvent aussi aboutir à un nouveau vaccin, un nouveau médicament, un nouveau traitement de la stérilité. À la base d’une véritable dynamique ayant donné naissance à de nombreuses spin-offs, l’Institut, en une douzaine d’années, a multiplié les publications, citations, prix et projets de recherche. Ainsi, pas plus tard que cet été, le laboratoire de virologie moléculaire de l’IBMM s’est distingué en amorçant une piste innovante dans les stratégies visant à contrôler le virus du sida. C’est bien sûr un partenaire clef pour le redéploiement de la région de Charleroi. ■
Delphi Genetics
Créée en novembre 2001, Delphi Genetics est l’exemple même de spin-off née dans le giron de l’ULB. Fondée par des chercheurs ayant travaillé (ou travaillant encore) dans les laboratoires de l’IBMM, la jeune société a développé des technologies basées principalement sur la compréhension fine des mécanismes d’action de gènes poison et antidotes bactériens. Pour faire simple, on dira que ces technologies lui ont permis de concevoir des produits biopharmaceutiques n’utilisant plus d’antibiotiques. Aujourd’hui, la société est titulaire d’une licence d’exploitation des brevets de l’ULB découlant de ces recherches. C’est ainsi qu’en octobre dernier, Delphi Genetics a signé son troisième accord de licence avec une société pharmaceutique mondiale.
Après Sanofi Pasteur en 2009 et GSK en 2010, Delphi Genetics a accordé cette année une licence à Merck pour l’utilisation de la technologie « Staby Express » qui permet d’obtenir un rendement élevé sans utiliser d’antibiotiques. Hébergée initialement dans le Biopark Incubator 1, la société connut une croissance telle qu’elle fut contrainte de faire construire ses propres bâtiments qu’elle inaugura cette année. ■
DOMINIQUE DEMONTÉ EN BREF
Carolo d’origine, 42 ans, deux enfants, habite Floreffe. Licencié en biologie des Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix à Namur, où il obtient un doctorat en génétique. En 2000, il débarque à l’Institut de Biologie et de Médecine Moléculaires afin d’y entamer un postdoctorat de six ans pour l’ULB. En 2003, il est conseiller scientifique au Bureau de Transfert Technologique (OTT ). En 2006, il devient directeur adjoint à l’Institut d’Immunologie Médicale (IMI ). En 2010, il est nommé directeur du Biopark.
Informations :
Rue Adrienne Bolland - Aéropôle de Gosselies, 86041 Gosselies
info@biopark.be www.biopark.be