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© Jerszy Seymour

Le design en toute
réciprocité

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Liège  / Liège

Par Laurence Wauters

Après une décennie de succès croissant, passant de 4 700 visiteurs en 2002 à quelque 33 000 en 2010, la Biennale Internationale du Design de Liège a décidé de muer, de s’ouvrir, de partager. Elle adopte pour ce faire un nouveau nom, ReciprOcity, incluant ainsi la notion de mutualisation et de ville. Plus internationale que jamais, elle renforce en outre son équipe en s’adjoignant les services d’une directrice artistique, en l’occurrence la commissaire et consultante milanaise Giovanna Massoni, et d’une direction générale désormais tenue par Wallonie Design.

Le coup de pouce aux designers locaux et supralocaux, initié il y a dix ans par le député provincial en charge de la Culture à Liège, Paul- Emile Mottard, s’est donc transformé peu à peu en une véritable plate-forme d’échange du savoir et de l’expérience. Au fil des éditions, la biennale a diversifié ses lieux d’expositions et ses thématiques, se tournant chaque fois plus vers des réflexions sur la nature – thème d’ailleurs exploré sous toutes ses facettes en 2010 – et le développement durable. Mais après s’être attardée sur la flore, la faune, l’organique, le biomorphisme ou encore le biomimétisme, l’expo a décidé de passer à un cap plus concret encore en transformant ses visiteurs en véritables acteurs.

Le projet s’inspire sans se cacher de la vision du designer italien Ezio Manzini, sommité de l’écodesign. « Le “designer” n’est plus à considérer comme une figure professionnelle spécialisée et isolée, explique-t-il, mais bien comme une variété d’acteurs qui collaborent à la co-conception de solutions plus matures, viables et reproductibles »1. Le site internet se veut représentatif de cette constante mutation. On y retrouvera l’évolution du projet sous la forme d’interviews, reportages photo et vidéos, et ce, avant, pendant et après la biennale.

1 Ezio Manzini, Desis Newsletter 3: Design as agent of sustainable changes.

Tous acteurs

« Nous voulons faire de RéciprOcity plus qu’un évènement, en élargissant les frontières d’une manifestation biennale, enchaîne Paul-Emile Mottard. Il ne s’agira plus d’attirer le public juste en tant qu’audience, mais bien en impliquant activement son expérience dans la construction et la mise en oeuvre de solutions durables. ReciprOcity doit être un système offrant des possibilités de synergie, accompagnant la création d’une dynamique nouvelle et de projets qui sont pertinents pour les mondes du design et pour la société en général. »

« Il ne s’agira plus d’attirer le public juste en tant qu’audience, mais bien en impliquant activement son expérience dans la construction et la mise en oeuvre de solutions durables. »


Un exemple concret, parmi beaucoup d’autres ? Le projet Welcome to Saint-Gilles2. Le quartier Saint-Gilles représente en Cité Ardente la frontière entre l’hypercentre et le centre. Le bas de la rue éponyme abrite une joyeuse animation estudiantine et commerçante, et le haut a des airs beaucoup plus résidentiels. Au milieu de cette artère, quelques pas mènent au parc du Jardin botanique. Les étudiants liégeois en architecture, plutôt gâtés, sont établis dans cet écrin de nature en pleine ville où sera implantée l’exposition Welcome to Saint- Gilles, résultat d’un projet collaboratif visant à développer des petites interventions dans le quartier en concertation avec ses habitants. « Ce projet est le fruit d’un système d’échanges et de partage entre les écoles impliquées, professeurs et étudiants, le design et les citoyens, le design et les administrations publiques », explique-t-on chez Recentre (Centre for Sustainable Design), partenaire de cette exposition. Huit écoles de design de l’Euregio Meuse-Rhin ont pris part à ce projet durant l’année académique 2011-2012, sous la supervision du designer bruxellois Thomas Lommée et d’une série d’experts renommés. Et puisque « réciprocité », c’est partager, tout le monde peut suivre le processus et les résultats sur le net !

2 Rue Courtois, 1, à Liège, accessible du lundi au samedi de 11 h à 18 h.

Plus internationale que jamais

Si cette édition 2012 de la biennale et toutes les prochaines seront placées sous le signe du partage, c’est aussi parce que ReciprOcity se veut, plus encore qu’autrefois, tournée vers l’international, en commençant par l’Euregio. Soutenue par la Wallonie, la Fédération Wallonie-Bruxelles, a insi que par la Fondation Maastricht 2018, la biennale s’inscrit fort logiquement dans la campagne de candidature de Liège EXPO 2017, mais aussi dans celle de Maastricht & Euregio — Capitale européenne de la Culture 2018.

L’exposition et le concours Memorabilia — designing souvenirs est le meilleur témoin de cette ouverture vers le monde puisque quelque 400 candidats originaires de 31 pays ont répondu à l’appel à projets lancé par la biennale. Sélectionnés par un jury international, 60 d’entre eux verront leur création exposée et leurs objets comportent chacun l’empreinte reconnaissable de ceux qui les ont dessinés : leur lieu de naissance, leur héritage culturel, leur ethnie… Ces nouvelles « madeleines de Proust » version multiculturelle se présentent sous toutes les facettes. Les doudous raplatis du Japonais Jun Takagi, les pinces à linge stylisées de l’Allemand Björn Kwapp, le rouleau pour découper les cookies de l’Italienne Simone Pallotto… Des objets du passé sous un regard neuf, exposés à l’Espace Saint-Antoine (Musée de la Vie Wallonne, cour des Mineurs à Liège).

Sous le sceau de la créativité

Enfin, ReciprOcity, c’est une exposition géante aux multiples facettes qui anime toute la ville d’une fièvre créatrice. Expos, conférences et évènements, tous d’accès gratuit, iront s’implanter dans différents lieux clé du patrimoine historique et culturel, passé et contemporain de Liège : musées, galeries, université… Les expositions ont été confiées à des commissaires indépendants, pour multiplier les points de vue et brasser un maximum d’idées.

Parmi ces évènements, pointons KDD — Kids Driven Design, projet hors du commun supervisé par le designer belge Michaël Bihain. C’est au sein d’un écrin magnifique, le musée du Grand Curtius, qu’il exposera le fruit de ses recherches menées avec un groupe de douze jeunes Liégeois âgés de 9 à 12 ans sur le thème de « transporter de l’eau ».

La biennale, c’est aussi des expositions invitées. Ainsi, l’ancienne Halle aux Viandes, quai de la Goffe, exhibera sous le libellé Belgian Design on Tour les réalisations de designers et entreprises dont les réalisations ont été présentées à l’étranger durant l’année. La salle capitulaire de l’Institut Saint- Luc abritera quant à elle l’expo Tales of heroes (« Contes de héros ») en rassemblant le fruit du travail de 24 artistes associés ou en solo sur le thème du lien entre le design et l’univers multimédia. Enfin, on retrouvera au Musée d’Ansembourg, rue Feronstrée, l’expo Secrets d’objets menée autour de dix courts-métrages racontant la vie des objets utilisés au quotidien. Plus banal semble l’objet, plus longue est parfois la recherche pour le concevoir…

Du côté des dix expos satellites, preuve s’il en fallait que la biennale s’intègre dans le tissu social et culturel liégeois, citons deux coups de coeur en pied de nez à ceux qui, pour concevoir des objets, se laissent enfermer dans des consignes qui freinent leur créativité. Ainsi, les membres déjantés de Mon Colonel et Spit trouveront abri – c’est le cas de le dire – au sein de la Gallerie Uhoda, rue Souverain-pont dans le vieux Liège, où ils construiront au fil de l’exposition une cabane-habitation, installation dans laquelle ils vivront en exprimant toute leur inspiration. Non loin de là, au Fiacre, place SaintÉtienne, le collectif R7 AGNC planchera sur la Pratique de l’inutile en invitant les designers à ne plus concevoir un objet pour qu’il serve, mais bien un objet… qui ne sert à rien.

Le design sans frontières et sans limites sied on ne peut mieux à la capitale principautaire !

 

Renseignements

ReciprOcity
Biennale Internationale du Design de Liège
Du 5 au 28 octobre 2012
Entrée gratuite aux expositions
www.designliege.be

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