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Par François Colmant
Spécialisée dans l’ingénierie logicielle pour le secteur spatial, cette entreprise liégeoise développe ses activités avec, entre autres, la mise au point d’un satellite pour le compte du Vietnam.
Les images captées par le télescope Hubble font souvent rêver. Celles du soleil, observé sous toutes ses coutures, apportent de nombreux éclairages sur son évolution et son fonctionnement. Autant de données cruciales recueillies par des monstres de technologie orbitant loin au-dessus de nos têtes. Pourtant, seule une petite partie des nombreux satellites qui révolutionnent autour du globe « regardent » vers l’espace. La plupart est centrée sur notre petite planète bleue, relayant les communications, scrutant la surface de la Terre dans un ballet savamment orchestré. Car si l’orbite terrestre est sillonnée par une nuée de satellites en tous genres, ils doivent pouvoir le faire en parfaite coordination, avec précision et maîtrise, ce qui nécessite un savoir-faire spécifique. On l’oublie souvent, mais le développement et la mise au point des logiciels de contrôle ou de navigation de ces engins spatiaux sont aussi primordiaux que leur construction à proprement parler. Inutile de faire décoller un satellite dernier cri au coût astronomique si son système informatique n’est pas adapté.
Dans ce secteur, une petite société liégeoise, Spacebel, s’est taillé une solide réputation depuis près de 25 ans. Dirigée par Thierry du Pré-Werson, l’entreprise wallonne s’est spécialisée dans l’étude, la conception, la réalisation et la maintenance de systèmes informatiques de haute technologie destinés à l’industrie aérospatiale. Elle a en outre dirigé ses activités sur le marché en pleine expansion des microsatellites en développant une plateforme logicielle qui améliore, de façon considérable, l’accès aux données d’observation de la Terre. Avec un chiffre d’affaires tournant autour des neuf millions d’euros, Spacebel emploie plus de 70 personnes sur ses trois sites de production que sont Liège, Hoeilaart et Toulouse. Une société à taille humaine et qui fourmille de projets.
Une renommée européenne
« Nous sommes présents dans les secteurs du spatial et des applications de l’observation de la Terre, ce qui représente une multitude de clients différents », explique Michel Gruslin, marketing manager. « Qu’il s’agisse des agences spatiales classiques, des institutions européennes ou de grandes entreprises de l’aérospatial, une pluralité de profils nous permet d’être indépendants vis-à-vis des grands groupes. » N’étant liée à aucune structure gouvernementale, Spacebel peut proposer ses compétences à différents clients, quand bien même ils seraient concurrents entre eux. « Nos solutions couvrent une large gamme de services qui permettent de contrôler les satellites et véhicules spatiaux. Cela suppose que nous devons supporter l’ensemble des opérations nécessaires à une mission comme assurer les communications, l’alimentation électrique, les corrections d’orbite… C’est un travail exigeant, mais passionnant. » Et qui a fait la réputation de l’entreprise liégeoise, puisqu’elle fait partie du top 3 européen dans ce secteur hautement technique. En 25 ans, plus de trente missions spatiales ont ainsi été menées à bien grâce aux équipes de Spacebel.
« Désormais, nous simulons tous les paramètres de construction de l’appareil avant sa mise en chantier ! Nous sommes capables de simuler tous types de modèles, voire une constellation de satellites qui navigueraient en formation. »
Et pour s’assurer que ces missions se déroulent dans les meilleures conditions possibles, la société s’est également investie dans le segment de la modélisation et de la simulation. Si le travail en « salles blanches » représente toujours une partie importante dans la conception d’un satellite, il demeure extrêmement coûteux et chronophage. « Désormais, nous simulons tous les paramètres de construction de l’appareil avant sa mise en chantier ! Nous sommes capables de simuler tous types de modèles, voire une constellation de satellites qui navigueraient en formation. Une fois la construction achevée, notre activité ne s’arrête pas puisque les simulateurs continuent à épauler les ingénieurs pendant le processus de fonctionnement. Cela représente un gain de temps considérable », précise Michel Gruslin.
Mais une fois toutes ces opérations réalisées, le travail de Spacebel ne s’arrête pas pour autant. « On a contribué à lancer les satellites, à les simuler pendant leur développement et lors de leurs opérations tout en soutenant le centre de contrôle qui les pilote. La suite logique se pose en une question : que faiton de ces données ? » Récolter des sommes considérables d’information n’est en effet qu’une première étape, encore faut-il pouvoir les lire, les décoder et les transmettre à l’utilisateur final. Dans le domaine de la foresterie par exemple, les solutions proposées par l’équipe liégeoise permettent une gestion des domaines beaucoup plus précise qu’auparavant. « À partir de données fournies par différents appareils, on peut faire de la surveillance de maladies, juger de l’état de santé d’une culture, voire même vérifier les cycles de moisson. Chaque élément botanique laisse une signature spectrale que l’on peut observer depuis l’espace. On peut donc cartographier de grandes étendues de végétation avec précision. » Ou poser un diagnostic en quelque sorte, ce qui sera précisément une des missions du satellite Végétation lancé en mai dernier (voir ci-dessous).
Échelon supérieur
Maîtrisant toutes les étapes de soutien et de contrôle d’un satellite, seule une élaboration complète, de A à Z, manquait dans les réalisations de Spacebel… Jusqu’à maintenant. La société vient en effet de conclure un précontrat pour la livraison d’un microsatellite pour le Vietnam ! Michel Gruslin s’enthousiasme. « Dans ce cas-ci, notre mission est réellement de fournir un appareil complet et ultra-performant. Il jouera un rôle important dans la gestion du territoire, de l’environnement et des ressources naturelles du pays, notamment pour la question cruciale de l’eau. » Bien sûr, l’entreprise wallonne ne s’est pas tout à coup transformée en grand industriel. Pour mener à bien ce nouveau défi, Spacebel a pris la tête d’un consortium 100 % belge qui regroupera les compétences de plusieurs acteurs du secteur comme QinetiQ Space, basé en Flandre, ou de plus proches voisins comme Amos et le Centre Spatial de Liège. Avec un contrat évalué à une soixantaine de millions d’euros, le projet occupera, pendant trois ans au moins, plus d’une quarantaine de personnes et apportera une première référence de marque pour la société dans ce domaine. « Nous sommes très fiers de porter ce projet, qui a aussi pour but de nous ouvrir d’autres marchés où la demande pour ce type de satellite est importante, comme l’Afrique ou l’Amérique latine. » Autant d’étoiles que de calculs, autant de lignes de codes que de galaxies, l’univers de l’infiniment grand côtoit en permanence celui du virtuel et du langage numérique, non sans un petit accent liégeois.
Au chevet de la planète
Depuis le 7 mai 2013, le ciel est un petit plus « wallon » avec la mise en orbite d’un satellite qui surveillera de près l’évolution de la flore terrestre. Dernier né de la famille de minisatellites PROBA (Project for On-Board Autonomy) de l’ES A, PROBA-V assurera la relève des images « Végétation », prises depuis plus de dix ans par les instruments à bord des satellites français SPOT-4 et SPOT-5, qui arrivent en fin de vie. Avec un poids de 160 kg et un volume de moins d’un mètre cube, ce miniobservatoire livrera tous les deux jours une vision complète de la végétation sur Terre. Les données collectées permettront non seulement de suivre les ressources agricoles et végétales sur l’ensemble de notre planète, elles contribueront également à l’étude des changements climatiques. Partie prenante de ce projet conduit par QinetiQ Space, Spacebel en a développé l’ensemble des logiciels. Qu’il s’agisse des programmes de bords, de contrôle au sol ou de simulation. Son expertise dépasse même le seul aspect satellite puisque la société liégeoise a mis au point les logiciels relatifs au guidage, à la navigation et au contrôle du lanceur de l’ES A, Vega.
Renseignements
Spacebel
Rue des Chasseurs Ardennais, 6
Liège Science Park
B-4031 Angleur
+32 (0)4 361 81 11
info@spacebel.be
www.spacebel.com