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Une bonne cave

  • Dossier

Par Christian Sonon

Le Wépionnais Thierry Coche est le scientifique qui a relevé le défi de mener à bien le projet de « La Cave ». Il en est convaincu : si l’on veut nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050, il faut se tourner vers ces solutions alternatives.

A priori rien ne prédisposait Thierry Coche, docteur en biologie cellulaire à l’Université de Namur, responsable de la recherche sur les vaccins thérapeutiques chez SmithKline Beecham, à s’investir dans la présentation, dans les entrailles du pavillon belge à Milan, des avancées technologiques en matière d’hydroponie et d’aquaponie. Rien, sinon que le Namurois, qui a travaillé deux ans aux États- Unis dans le laboratoire de Herbert Boyer, le père du génie génétique, a acquis un bagage et une maîtrise en matière scientifique. Ce savoir acquis, cumulé à son intérêt personnel pour les enjeux de demain en matière d’alimentation, ont fait de lui le partenaire idéal pour coordonner ce projet.

« Celui-ci m’intéressait d’autant plus que j’avais été sensibilisé à la problématique de l’alimentation durant ma jeunesse au Congo belge, explique-t-il. Mon père, ingénieur agronome à Gembloux, était à l’époque l’un des grands spécialistes mondiaux en aquaculture. En Afrique, il s’est beaucoup intéressé à la rizipisciculture, procédé qui consiste à mêler, dans une rizière, l’élevage des poissons et la culture du riz. Quand on sait qu’il a travaillé pour la FAO, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, dont l’objectif était d’aider à construire un monde libéré de la faim, on ne peut s’empêcher de penser que le destin nous réserve parfois de belles surprises. D’autant que c’est le plus grand des hasards qui m’a mis en relation avec Benoît Gersdorff, le responsable Horeca du pavillon belge, qui, je dois le reconnaître, avait déjà bien débroussaillé le terrain avec l’architecte. Il cherchait un scientifique, un homme orchestre, pour passer du stade de la réflexion à celui de la réalisation. Nos routes se sont croisées au bon moment. »

L’hydroponie à plat et rotative

Des routes qui ont amené Thierry Coche à s’immerger complètement dans ces nouvelles technologies et à entreprendre les démarches avec les partenaires potentiels afin de les présenter au public dans « La Cave » du pavillon et de lui faire prendre conscience de l’existence d’alternatives intéressantes. « En matière d’entomophagie, nous avons dû faire au plus simple. Les problèmes pratiques, ainsi que la législation sur les questions hygiéniques nous ont vite fait comprendre qu’il était hors de question de présenter des insectes vivants sur le site de l’exposition, et encore moins de les proposer à la dégustation. Ce mode de consommation riche en protéines sera donc expliqué à l’aide de films en trois dimensions. En revanche, nous allons bel et bien présenter dans ‘La Cave’ l’hydroponie. C’est Eric Stöcklin, ingénieur agronome, qui possède une grande expérience dans ce domaine et qui pratique cette culture à Eghezée, qui se chargera de coordonner et de veiller au bon fonctionnement des installations. Les plantes cultivées via ce procédé sans terre seront présentées sous deux formes : à plat et en rangées, ou fixées aux parois d’une roue. Dans les deux cas, c’est l’eau amenée par un système de goulottes qui leur fournira les éléments nutritifs. »

Roues canadiennes et aquariums barcelonais

C’est ici que la scénographie imaginée par notre pays risque de marquer des points. Le visiteur qui descendra les marches du temps pour s’aventurer dans la pénombre de cet étrange laboratoire ne pourra manquer ces grandes roues lumineuses, dont trois situées au centre de la salle seront couplées à des aquariums annulaires. « Ces roues proviennent du Canada, un pays précurseur en la matière, explique Thierry Coche, qui s’est lui-même rendu sur place afin de voir le système fonctionner. La société qui les a conçues les commercialise sous l’appellation ‘Omega Garden’, car c’est d’un véritable petit jardin qu’il est question. Pour une utilisation optimale de la lumière, les plantes fixées sur leur paroi tournent autour d’un éclairage LED. L’ensemble peut ainsi fonctionner en toutes saisons. »

Ainsi présentées, ces roues végétales constituent un système d’hydroponie. Combinées avec la technique de l’aquaculture, elles participent à l’aquaponie, procédé qui consiste à cultiver des végétaux en symbiose avec l’élevage de poissons (voir ci-dessus). D’où la présence de trois aquariums annulaires qui, eux, ont été fabriqués à Barcelone et dans lesquels baigneront des poissons d’eau douce comme des tilapias. « L’aquaponie est un système qui s’autorégule, où tout se transforme et rien ne se perd. L’eau circulant en boucle, il n’y a pas non plus de gaspillage. Mais ce procédé n’est pas aisé à mettre en oeuvre dans un espace aussi restreint. Aussi, nous avons opté pour une démonstration simplifiée. L’important, en effet, n’est pas de présenter en laboratoire une installation qui soit opérationnelle, mais bien de délivrer un message. »

C’est ici que la scénographie imaginée par notre pays risque de marquer des points. Le visiteur qui descendra les marches du temps pour s’aventurer dans la pénombre de cet étrange laboratoire ne pourra manquer ces grandes roues lumineuses, dont trois situées au centre de la salle seront couplées à des aquariums annulaires.


Privilégier les circuits courts

C’est avec le même objectif didactique que les organisateurs ont pensé à installer dans cette cave deux grands murs à thème. L’un portera sur l’aquaponie, qui fournit à la fois protéines et vitamines, l’autre sur la cuisine sauvage, une cuisine à base de plantes comestibles présentes dans notre environnement (voir page 88). Des solutions on ne peut plus écologiques.

« L’agriculture est de plus en plus confrontée à des problèmes de désertification et de raréfaction de l’eau, mais aussi de pollution, explique Thierry Coche. En même temps, aller chercher de la nourriture très loin coûte cher. Les circuits courts doivent être privilégiés et la confiance en la qualité de notre alimentation rétablie. L’agriculture urbaine demande très peu de place et permet de manger ce qui a été produit près de chez soi. Plus qu’une piste dans l’alimentation de demain, c’est déjà une réponse à ce challenge. Les techniques montrées dans le pavillon belge en sont des exemples. »

 

L’ASSOCIATION GAGNANTE POISSONS - PLANTES

L’aquaponie fonctionne grâce à la symbiose entre poissons, plantes et bactéries. Dans ce procédé, les excréments des premiers servent d’engrais aux deuxièmes qui, en échange, vont purifi er leur eau. Grâce à l’intervention de bactéries, l’amoniaque contenue dans les déjections des poissons est en eff et transformée en nitrates qui seront assimilables par les plantes et leur serviront de nutriments. En absorbant les nitrates par leurs racines, les végétaux nettoient l’eau qui, purifi ée, repart dans le bassin des poissons.

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