- Tendance
- / Art de vivre
Par Marc Vanel
Avec ou sans bulles, l’eau de Bru est aujourd’hui reconnue comme « eau de toutes les tables ». Ses qualités sont proches de celles des grands vins. Et elle a des partenariats avec la plupart des associations culinaires de Belgique.
Savez-vous d’où vient le nom de Bru? Il s’agit du nom d’un hameau situé au cœur des forêts ardennaises entre le village de Lorcé (où l’on retrouverait des ancêtres « de Pardieu », mais c’est une autre histoire) et celui de Chevron à quelques kilomètres de là. Le nom évoquerait le bruissement produit par le gaz s’échappant de la source carbo-gazeuse.
Connues depuis l’Antiquité, les sources de Chevron sont données en l’an 814 par un des nombreux fils de Charlemagne, Louis Ier le Pieux, à l’Abbaye de Stavelot, qui les exploitera jusqu’au XVIIe siècle. En 1718, un certain M. de Presseux de Hautregard obtient le droit d’exploiter les eaux de la source qui, au fil des ans, vont commencer à concurrencer les eaux de Spa. Du moins jusqu’à la Révolution française qui a anéanti le marché des eaux.
Quelques années plus tard, la commune de Chevron devient propriétaire des sources de Bru mais les laisse s’endormir gentiment. Fin du XIXe siècle, la municipalité tente de les vendre, mais leur situation au milieu des bois décourage plus d’un amateur, elle décide dès lors de les mettre en concession. C’est toujours le cas aujourd’hui, même si le bail est à très long terme.
En 1903, la première exploitation industrielle de captage et de mise en bouteille est créée par trois Anversois. Elle devient en 1925 la Compagnie générale de Chevron qui décrochera en 1994 un des premiers périmètres de protection de Belgique afin de protéger la source de tout risque de pollution et de contamination. Ce périmètre de 3.865 hectares s’est élargi avec le temps à 4.250 ha mais est toujours en vigueur. Ce qui fait qu’il est, par exemple, interdit dans cette zone de saler les routes en cas de gel afin de ne pas contaminer les nappes phréatiques. Les routes sont dès lors sablées, ce qui est certainement meilleur pour la planète !
Spadel reprend Chevron et lance la Bru, l’eau perlée
Une nouvelle page se tourne en 1924 avec Ernest du Bois, grand-père de l’actuel CEO de Spadel, qui entre dans le capital de Spa-Monopole créée deux ans auparavant. Sa société Finance et Industrie rachète la Cie Générale de Chevron en 1946. Sous l’impulsion de Guy Jacques du Bois, la société se transforme en groupe européen Spadel en 1980 qui reprend la gestion des sources de Chevron et, un an plus tard, achète les sources de Bru et lance dans la foulée le concept « d’eau perlée », synonyme de richesse et de pureté.
Le succès en revient à Marc du Bois qui, après avoir introduit avec succès Spa dans le réseau hospitalier, embraie avec le marketing de Bru dont la campagne publicitaire remporte le prestigieux Grand Effie Award en 1996. La renommée de Bru fut alors assurée par des grands chefs de renommée mondiale, comme Pierre Romeyer ou Pierre Résimont.
Une nouvelle usine à Lorcé
En 2000, après le décès accidentel de son frère, Marc du Bois reprend la direction de Spadel, d’abord avec Jean-Philippe Despontin, puis seul à partir de 2012. Les années 2000 sont des années de changement. Désormais dotée des plus hautes certifications (ISO 9002 et ISO 14001 pour son management environnemental), Bru-Chevron se développe rapidement et installe une nouvelle usine à Lorcé en 2001. Un vaste programme de démantèlement de l’ancienne usine est entamé avec, notamment, la plantation de 400 arbustes afin d’y restaurer la biodiversité originale, le développement durable étant l’une des préoccupations majeures de l’entreprise. D’autres mesures environnementales ont également été prises : électricité verte, bouteilles en plastique de plus en plus légères, traitement des eaux usées, etc.
Premier sommelier de Belgique 2000, Xavier Faber entre chez Spadel en 2009 où il devient « Ambassadeur Bru ». « Lorsque je suis arrivé, se souvient-il, avec les équipes de vente “Top Gastronomie”et “Horeca”, notre ambition était de placer Bru dans toutes les belles maisons étoilées, ainsi que dans les enseignes bien notées par Gault&Millau. Aujourd’hui, nous avons des partenariats avec la plupart des associations culinaires de Belgique. »
Un équilibre minéral stable
Et celui qui est aujourd’hui Field Sales Manager Bruxelles et Sud de poursuivre : « L’eau de Bru est naturellement pétillante, elle est parfaitement destinée à la gastronomie pour plusieurs raisons. Tout d’abord, elle est pauvre en sel, elle n’efface ni n’altère le goût des aliments. Calcium et magnésium sont en équilibre parfait, sa teneur naturelle en CO2 est de 4,4 g/litre, avec une minéralisation de 160 mg/litre de résidu sec. » Cela peut sembler un peu abstrait, mais son équilibre minéral est comparable à celui des vins de qualité ! Le tout demeure stable dans le temps et a permis la reconnaissance de cette eau unique en « eau minérale naturelle » par le Ministère de la Santé publique, aujourd’hui SPF Santé.
« Pendant plusieurs années, pour prouver que Bru se dégustait partout, nous avons lancé les « Tables perlées », souligne Xavier Faber. Il s’agissait d’événements gastronomiques qui se déroulaient dans les endroits les plus improbables : dans un musée, dans les bois, dans une gare… »
Une Bru sans bulles
La quasi totalité de la production s’achète et se boit en Belgique : « Nous nous plaçons comme un acteur local avant tout. Parler d’export est probablement un grand mot, car nous n’exportons que 0,15% de la production, soit moins de 60.000 litres ! Un peu dans le nord de la France et aux Pays-Bas, avec quelques ventes aussi au Brunei, en Grèce ou en Chine. »
En 2006, Spadel a lancé la Bru plate, c’est-à-dire non gazeuse mais avec la même qualité. Plusieurs formats existent désormais et sont diffusés tant dans l’Horeca (en verre) que dans les magasins st supermarchés (en PET). « Les deux eaux se complètent parfaitement et sont devenues inséparables de la table, conclut le manager. Je ne bois plus que cela, mais cela doit être une déformation professionnelle… »
Pierre le Grand, un grand… buveur d’eau !
Selon l’ouvrage « Chevron dans le passé » de Walter Jamar, cité par la Société verviétoise d’Archéologie et d’Histoire sur son site, le tsar Pierre le Grand, en cure à Spa en 1710, serait venu plusieurs fois à Bru où « il buvait 21 verres d’eau, mangeait 12 figues et six livres de cerises, après quoi il s’en retournait souvent à pied à Spa en se promenant ».