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Carine Degeimbre
la « bonne étoile » du Chef

  • Économie
  • / Success story
Namur  / Liernu

Par Carole Depasse

Derrière un grand homme se cache toujours une femme. À L’Air du Temps, pas de préséance. Carine n’est ni derrière ni devant mais bien aux côtés du culinairement inénarrable Sanghoon Degeimbre. Histoire d’amour et de gastronomie à reculons.

Épilogue : La fin n’est que le début

Carine Degeimbre, la « patronne », laisse sans regret la brillance aux deux étoiles Michelin du restaurant. Le succès de San, son Chef de mari, elle le partage sans qu’il en soit fait état. Elle sait ce qu’il en est. Dans la restauration, la réussite n’est jamais solitaire. De deux en 1997, l’équipe est passée à quinze en 2013. Aujourd’hui, Carine est responsable de la gestion administrative et comptable de ce qui tend à devenir une entreprise où excellence gastronomique, terroir, hospitalité et apprentissage feront un tout explosif de plaisir. Abandonner le service en salle : « un mal pour un bien » pour celle, spontanée, qui aime le contact humain. La montée en puissance du restaurant méritait le sacrifice. En cuisine, San invente tranquille, la maison est bien gardée et les factures payées à temps. Quant aux instants privilégiés passés avec la clientèle, les retrouvailles sont planifiées pour ce printemps lorsque Carine s’assurera, au petit déjeuner, que les hôtes des cinq chambres récemment ouvertes à l’étage sont heureux comme des carottes dans le potager.

Épisode 2013 : Le rêve, Liernu

Une ferme d’architecture rurale traditionnelle, des terres à la campagne, des annexes de charme pour s’étirer à l’envi… San et Carine en ont rêvé en s’épongeant le front pendant quinze années. Combien de kilomètres parcourus entre les tables d’un premier et modeste (en taille) restaurant pour franchir la ligne séparant la fiction de la réalité ? Chez les Degeimbre, on ne compte pas, on bosse. « Je pense être un excellent commis ». Dans la grammaire technique et humble de Carine, « commis » signifie « exécutant sans responsabilité », un poste utile en cuisine. Retrousser ses manches n’est pas déshonorant. En déplacement à Melbourne, Carine a souhaité accompagner San. « Si tu viens », lui avait dit son mari, « tu remplaces un homme ». Ainsi, Carine a vu Melbourne et ses cuisines dans lesquelles elle a travaillé comme un homme. Qui pourrait croire que, pour arriver jusque Liernu, le chemin n’a pas été à paver ? Le restaurant rêvé de Liernu est-il un aboutissement ? Carine le souhaite à défaut d’y croire. San aura le dernier mot de toute façon. Car, comme le dit son épouse : « San, c’est l’accélérateur et moi, je suis le frein. Mais ce n’est pas pour autant que je n’aime pas foncer et quand on a l’a fait, sans toujours savoir au départ vers quoi on allait, on était deux. »

Épisode 1997-2013 : La Voie lactée, Noville-sur-Mehaigne

Une déclaration lucide pour cette femme sans chichis qui avoue d’autre part que, sans sa rencontre avec San, elle aurait probable ment quitté le métier pour se réorienter, pourquoi pas, vers l’enseignement. Il en a été autrement. Quand, en 1997, San a senti les murs se rétrécir, il fut temps de partir. Charleroi, bye, bye. Carine, confiante, quitte aussi son emploi. Le jeune couple achète, à Noville, une maison sur la chaussée dans laquelle ils ouvrent leur premier restaurant. « Nous n’avions pas investi des masses, nous n’avions pas peur. » Carine est le maître d’hôtel et, en avant-poste, le « goûteur » officiel le plus objectif. Trois ans plus tard, au téléphone, un journaliste les avertit que San décroche sa première étoile au Guide Michelin. « On entrait dans le guide et déjà avec une étoile. À l’époque, j’étais enceinte d’Émilie et, du jour au lendemain, plein de monde. Nous n’étions que deux en salle. J’étais crevée. La nouvelle a fait le buzz : un petit restaurant qui ne paye pas de mine, vingt couverts seulement, sans salon, récompensé pour l’assiette. » Suivie d’une seconde consécration huit ans plus tard. L’Air du Temps acquiert une notoriété méritée. La clientèle se diversifie, se « luxifie » aussi. Carine garde la tête froide et ses « sourires restent les mêmes pour tout le monde. » Liernu est en germe.

Épisode 1987-1997 : Le Berceau, Charleroi

Le 7 septembre 1987, Carine fête ses vingt ans et, diplômée de l’École hôtelière de Fleurus, signe, le jour même, son premier contrat d’embauche à La Bruxelloise, un restaurant de Charleroi. À l’époque, San travaille pour le même patron, dans la même ville mais dans un autre restaurant. La rencontre est inévitable. San est bouillonnant et place la barre très haut. Il a de l’ambition pour deux et une vocation pour la perfection. Carine l’encourage et se dit prête à lui emboîter le pas. Ce qu’ils font bien pour les autres, pourquoi ne le feraient-ils pas pour eux-mêmes ? San est reconnu comme sommelier, il ne cuisine pas encore mais, en observant patiemment, il s’est forgé une idée précise de ce que pourrait être « sa » cuisine. Ensemble, ils partent à la recherche d’un bâtiment qui pourrait accueillir leur restaurant, accessoirement leur foyer. Estelle a six ans, Manon – en hommage aux pralines dont sa maman raffole — va naître. Ils recherchent une maison, bien visible, en bord de route, facile d’accès. Ne pas prendre trop de risque. Leur choix se porte sur Noville. Ce n’est pas le coup de foudre mais juste pratique et stratégique. La suite est inespérée. L’histoire d’amour et de gastronomie est en marche.

 

Bio-express

Septembre 1987 : premier job, Carine a 20 ans exactement.
Mars 1991 : naissance d’Estelle.
Septembre 1993 : rencontre de San à Charleroi.
Mai 1997 : naissance de Manon.
Juillet 1997 : ouverture du premier restaurant à Noville-sur-Mehaigne.
Janvier 2000 : 1ère étoile Michelin.
Juin 2000 : naissance d’Émilie.
Novembre 2008 : 2e étoile Michelin.
Janvier 2013 : ouverture de L’Air du Temps, à Liernu.

 

Renseignements

L’Air du temps
Rue de la Croix Monet 2
B-5130 Liernu (Éghezée)
+32 (0)81 81 30 48
resto@airdutemps.be
www.airdutemps.be

 

Pluie de Star-lettes

San les a repérées dans son ciel étoilé. Elles scintillaient plus que les autres. « Elles », ce sont les artisans et productrices qui gravitent autour de L’Air du Temps. Moment avec deux d’entre elles.

Ben l’hyper douée

Une sacrée nana aux mimiques attachantes. D’emblée, elle vous lâche que « tourner » lui a sauvé la vie. Nous n’en saurons pas plus mais c’est suffisant pour comprendre que Ben, la potière, voue un amour viscéral à la terre qu’elle façonne en objets utilitaires. Son mari, élève à la San’ School, avait confié au Chef que « Ben faisait des choses extraordinaires ». Curieux, San se déplace jusqu’à son atelier. Le courant passe entre les deux artistes. Bols, assiettes plates et profondes, formes d’inspiration coréenne ou classique, la vaisselle naît entre les mains de Ben et se remarque sur la table de San. Comme la boîte à café, rebaptisée « la boîte de L’Air du Temps » qui surprend le convive en fin de repas. Une idée de San sur une interprétation de Ben à partir de grès « chamottés » en provenance des Argilières Hins à Saint-Aubain (Florennes). De la céramique possédée par la sensibilité de Ben.

Véronique la reconvertie

Elle eut une autre vie professionnelle. Elle l’a oubliée. À ce jour, elle pense tout le temps à L’Air du Temps. Lors de chaque salon du design, chaque foire de l’ameublement et de la décoration, Véronique cherche des meubles, des objets ou des accessoires contemporains que l’« on ne voit pas ailleurs ». Pour sa boutique improbable mais aussi pour le restaurant de ses amis. Plus que n’importe qui, elle connaît sur le bout des doigts les goûts de San et Carine. Le mobilier de Liernu, c’est elle en grande partie qui l’a suggéré et trouvé. Son inclination pour les tendances scandinaves est aussi naturelle que le bois clair de la longue table d’hôte installée dans une des salles à manger. Il arrive même qu’un accessoire original trouvé par cette dénicheuse invétérée soit l’occasion de créer un plat assorti. L’Air du Temps : un compromis entre épure asiatique et design de la nature.

 

Renseignements

Ateliers Bibenbou
Rue de la Cure, 13 - B - 1350 Jauche
+32 (0)19 63 72 96
ben@bibenbou.be
www.bibenbou.be

Au détour du chemin
Véronique Lemage
Ferme de Ghlin - Rue du Village, 147
B - Noville-sur-Mehaigne
+32 (0)81 74 70 36
www.addc.be

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