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Par Laurence Wauters
Un concept. Des tapas… gastronomiques. En trois ans, un hôtel, un restaurant à Liège et un autre à Maastricht, une récente boutique avec cours de cuisine et séminaire. Autant d’invitations au voyage.
Le lieu est en tous points le mariage des contraires. C’est d’abord cette associat ion entre Sebastian Cassart, la rigueur aux fourneaux, et Ramon Rodriguez, pour un service énergique et allègre. C’est aussi la fusion entre la modernité des décors, de type loft, et la douceur conférée par les couleurs chaudes des lieux. Enfin –last but not least– c’est une cuisine tout à fait à part. Des tapas revus et corrigés façon gastronomique, associant ainsi convivialité et plaisir du palais. Le Gault Millau ne s’est pas trompé en attribuant un 14/20 à l’établissement dès sa première année !
Hollandais de mère, espagnol de père et liégeois avant tout, Ramon Rodriguez s’était lancé dans la restauration en 1997 en ouvrant dans le même quartier l’Olé olé, un bar à tapas proche de ceux que l’on trouve dans toute l’Espagne. Mais onze ans et des milliers de tapas plus tard, le trentenaire a eu envie de se lancer un nouveau défi, de monter d’un cran. Sa route a croisé celle de Sebastian Cassart, qui s’était fait une belle carte de visite depuis sa sortie de l’école hôtelière de Libramont en 1997 et dont le CV ressemble à un guide de gastronomie : il a officié comme chef saucier chez Yves Matagne au Sea Grill à Bruxelles (2 étoiles), au Couvert-Couvert à Louvain, à l’Héliport à Liège (1 étoile), à l’Eau Vive à Namur (1 étoile) ou encore au One-0-One, un des meilleurs restaurant de poisson à Londres…
San Sebastian comme source d’inspiration
Il y avait le local, il y avait le chef cuistot, restait à conférer aux lieux son ambiance unique. C’est aux architectes d’intérieur liégeois Sabino Rodriguez – ami, et non parent, du Ramon éponyme - et Eva Wuidar que l’habillage du restaurant a été confié. Le couple a misé, comme Sebastian le fait en cuisine, sur la qualité des fournitures et leur mise en valeur. « Quand Ramon m’a parlé du concept, il voulait aller vite », se souvient Sabino Rodriguez. « Alors, je l’ai amené illico du côté de San Sebastian, une ville magnifique dans la communauté autonome basque. Après deux jours, nous sommes revenus abreuvés d’idées… ».
À l’El Pica Pica, le choix est donné entre trois formules selon l’appétit des convives et le temps dont on dispose.
L’espace est divisé en trois : l’entrée, la comedor (salle à manger), puis la cuisine dans le prolongement, visible au travers d’une large baie vitrée. Les murs en moellons, mis en valeur par un éclairage halogène sur toute la longueur de la salle, sont en trompe-l’oeil, comme l’équipe l’avait vu faire dans le Nord de l’Espagne.
Les tables ont été coupées dans du bois resté brut, et flanquées d’une longue banquette qui accueille une partie des invités. L’effet épuré, presque géométrique, de l’ensemble a été tamisé par le choix des couleurs : sable, rouge orangé, brun wengé. Toujours, le Pica Pica joue avec les opposés…
L’aménagement de ces quelques dizaines de mètres carrés compte également une originalité, clin d’oeil aux origines des patrons, puisque l’entrée abrite un long bar rempli de bouteilles aux noms chantants. Ici se côtoient le Dominio de Berzal, le Veraton de Alto Noncayo, le Campo de Borja… Tous ces cépages, des plus fleuris aux plus puissants, proviennent de vignobles ibériques. À Liège, dans les toutes prochaines semaines, il sera possible de se les procurer en quantité puisque Ramon et Sebastian doteront leur restaurant en Cité ardente d’une boutique, mélange de cave à vin et d’épicerie fine, où les clients pourront s’approvisionner et apprendre à cuisiner. Pour prolonger, jusqu’à leur demeure, le dépaysement…
Grands et petits appétits
À l’El Pica Pica, le choix est donné entre trois formules selon l’appétit des convives et le temps dont on dispose. Les habitants et visiteurs de Liège-la-chaleureuse ont l’habitude des repas d’affaires à midi mais pas toujours le temps d’y consacrer une bonne partie de la journée. Les plus pressés opteront donc uniquement pour le lunch en 3 services (28 € pour l’entrée, plat, dessert). Les moins pressés mais petits appétits choisiront quant à eux, le midi ou le soir en semaine, le « menu du marché » en 6 services (35 €) durant lesquels la noix de Saint- Jacques – servie très fine, en tartare - côtoie le taboulé, les cacahuètes et le choux rouge. On y voit également le topinambour ressurgir, associé au porc et au foie gras disposé en poudre, tel une épice. Le goût du sandre est quant à lui rehaussé d’un jus de cresson très frais. L’ensemble ferait presque oublier la douceur du velouté du butternut, courge plus suave encore que le potiron et servie en deuxième service, agrémentée de cappuccino de lait et de noix…
Cela fait beaucoup mais on ne quitte pas la table lesté de quelques kilos supplémentaires. Et pour cause. Si les assiettes s’enchaînent, elles ne sont pas extrêmement copieuses. Ce n’est pas pour rien que l’enseigne du Pica Pica annonce « Tapas y mas »… Tapas et plus, ou plutôt plus que des tapas ! Tenter de faire l’impasse sur les deux petits desserts serait vain. Tout comme il est impossible de se priver des petites sucreries qui accompagnent le café. Quitter l’établissement sans avoir savouré le gâteau au chocolat au lait, dont la saveur crémeuse tapisse le palais, serait une gabegie !
Le gourmand n’hésitera donc pas une seconde à opter pour le menu « Signature » (49 €) de neuf tapas en 7 services. C’est d’ailleurs le seul proposé aux convives les vendredis et samedis… Aux plats précités sont ajoutés du homard agrémenté de moules et cuisiné au safran, des petits-gris au tapioca et à l’ail, ou encore du pigeonneau accompagné de chicon à l’orange et de radis noir. C’est aussi une particularité de la cuisine inventive de l’endroit : ici, on redonne ses lettres de noblesse à des légumes presqu’oubliés. Sur la carte, se côtoient – au grand plaisir de nos papilles qui ne s’en sont pourtant pas toujours délecté - le céleri rave, le topinambour, le chou rouge, le radis noir ou le carde…
Tels sont les secrets de réussite de l’El Pica Pica, unique restaurant gastronomique espagnol de l’Eurégio, dans lequel Ramon Rodriguez et Sebastian Cassart s’investissent presque jour et nuit depuis maintenant deux ans. Le duo s’est enrichi récemment d’un troisième homme, Laurent Demeyer, féru de rhum et de vins, qui veille plus particulièrement au pôle liégeois depuis l’ouverture hollandaise.
La réussite du trio montre que, même en temps de crise, la qualité fait recette. Et qu’il n’y a rien de tel que la chaleur liégeoise mêlée au sens méditerranéen de l’accueil…
Pour prolonger le plaisir
Ramon Rodriguez et son épouse avaient déjà ouvert leur premier restaurant à tapas, l’Olé Olé, lorsqu’il leur a été proposé de racheter l’entièreté du bâtiment du 62, rue Hors- Château, en 2000. « Au-dessus du restaurant, l’immeuble était divisé en neuf grands studios », se souvient Ramon. « Nous les avons gardé en l’état jusqu’à ce que nous tombions sur un article de quotidien dans lequel on démontrait qu’il manquait de chambres d’hôtel à Liège… On s’est dit «pourquoi pas ? », et on s’est lancé dans les travaux ! ». C’est déjà le duo Sabino Rodriguez-Eva Wuidar qui a été appelé à décorer les lieux. Les murs ont été délestés des grosses couches de plâtre pour laisser apparaître de magnifiques colombages, et les neuf chambres (six doubles, deux simples, une suite) ont été habillées de mobilier épuré, revêtu de gris anthracite, dessiné par les architectes d’intérieur.
Pas de fioritures dans cet établissement. Ce sont les traces du passé qui font le charme des lieux, mis en valeur par le choix des couleurs. En juillet 2004, l’Hôtel Hors-Château a donc ouvert ses portes. La sympathie des hôtes, le niveau du service et la situation – entre le symbolique Perron de la place du Marché et le musée Curtius – font son succès…
Pica Pica in Maastricht
Même si, de prime abord, son côté hollandais ressort bien moins que son côté ibérique, il n’en reste pas moins que Ramon Rodriguez est hollandais de mère et qu’une partie de sa famille vit à Maastricht. C’est cette dernière qui a suggéré à Ramon de venir installer un restaurant similaire à celui de Liège dans la plus ancienne ville fortifiée des Pays-Bas… C’est chose faite depuis l’été dernier et l’effet est saisissant pour ceux qui ont l’habitude de fréquenter le restaurant liégeois. Tout y est exactement pareil ! Si ce n’est le délicieux accent des personnes qui assurent le service lorsqu’ils récitent le contenu des plats proposés…
Renseignements
El Pica Pica
Hors-Château, 62
B-4000 Liège
Tel. : +32 (0)4 221 39 74
Fax : +32 (0)4 250 56 31
El Pica Pica ‘Maastricht’
Kesselskade 59
NL-6211 EN Maastricht
+31 (0)43 321 09 09
L’hymne du Standard, c’est lui aussi
Si vous êtes Liégeois, il n’y a sans doute pas besoin de vous présenter l’hymne du Standard, le We are the best qui vibre dans tout le stade, en particulier les jours de matchs remportés… Derrière ce single qui fut numéro un de l’Ultratop (classement des ventes de singles en Wallonie et à Bruxelles) en novembre 2009, à peine cinq jours après sa sortie, se cache une fois encore… Ramon Rodriguez. « J’avais emmené mon cousin au stade. C’était sa première fois, mais quelle première ! On remportait le championnat de Belgique face à Anderlecht ! Il y avait une ambiance de dingue mais on sentait qu’il manquait vraiment un hymne digne de ce nom ». Son cousin est DJ sous le pseudo Patrick Clubcarter, et fut notamment le producteur de Technotronic (le Pump up the jam des années 90…) et de Paradisio pour Bailando. « À peine avait-il quitté le stade qu’il avait déjà une idée en tête ! », se souvient Ramon. « Il chantait po po po popoleeeo ! Ça sonnait bien. » Sur le coup, le restaurateur-supporter s’est mué en producteur et a sorti le disque, non sans l’avoir fait adopter par le club des rouges et blancs. Depuis, les supporters se sont accaparé le We are the best du restaurateur déjanté. Le single est double disque d’or…