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Par Jaap van Haastrecht
La plasturgie, en plein essor, est un secteur très important en Wallonie. Avec ses quelque 250 entreprises actives, elle emploie plus de 19 000 personnes et produit un chiffre d’affaires de pas moins de 5,6 milliards d’euros par an. Plastiwin est « The French Connection » de et pour la plasturgie en Wallonie.
La mission de ce cluster consiste à améliorer la technologie en vue de renforcer le potentiel économique, technique et commercial de ses membres. Nous avons demandé à Francine Turck, directrice de Plastiwin depuis un peu plus de six mois, ce qui fait la particularité de ce cluster.
Qu’est-ce qui distingue le cluster Plastiwin?
Plastiwin est agréé et soutenu par la Région wallonne. Le cluster améliore le potentiel de compétitivité des membres. Nos membres sont des entreprises, des centres de recherche, des laboratoires, des écoles, des centres de formation et des organisations sectorielles. On peut en fait classer les membres de Plastiwin en trois catégories principales. En amont de la chaîne, on trouve les fabricants de matières (polymères, compounds, colorants, additifs, etc.). Viennent ensuite les transformateurs, qui produisent des produits finis ou semi-finis. Parmi les activités de transformation primaire, citons, par exemple, la première injection et le soufflage de moules. Et dans les activités de transformation secondaire, on retrouve notamment la découpe, le pliage et le traitement de surfaces. Enfin, il y a les ‘concepteurs’ qui regroupent les outilleurs, les fabricants de moules, les ingénieurs et bureaux d’études, les constructeurs de machines de transformation, les centres de recherche et laboratoires universitaires. Vous voyez : nos membres sont actifs tout au long de la chaîne de valeur de la plasturgie.
Vous êtes entrée en fonction chez Plastiwin en septembre 2011. Qu’est-ce qui vous a attirée dans cette fonction ?
J’ai été par le passé conseillère du directeur général d’Agoria en Recherche & Développement, Politique industrielle, Affaires externes et Business Development. Avant cela, j’ai été manager de qualité, puis manager administratif et financier au Centre européen pour le développement de la formation professionnelle. J’y ai acquis une bonne connaissance du business development et de la Wallonie. Je connais les différents acteurs et sais ce qui se joue. C’est donc une belle évolution pour moi. Je peux engranger beaucoup d’expérience dans ma nouvelle fonction et y apporter mon expérience du management et du business development. L’association parfaite. Nous ouvrons des portes qui, sans cela, resteraient fermées.
Le plastique est présent dans tous les secteurs : industrie alimentaire, industrie automobile, industrie de l’emballage, entreprises techniques, et on en passe. La diversité règne en maître. En Wallonie, les quelques grandes entreprises rivalisent surtout avec de plus petites structures de 40 à 50 employés. Le hic, c’est leur mauvaise répartition géographique sur l’ensemble du territoire wallon. Notre travail consiste à établir des ponts entre les acteurs et à ouvrir des portes qui, sans cela, resteraient fermées. En fait, nous ne sommes qu’un outil, un connecteur. Le cluster Plastiwin forme des groupes de travail et organise des mises en réseau, des événements business to business, des visites d’entreprise et des réunions avec des clients potentiels. Le but est de multiplier les enseignements, de stimuler l’innovation et la maîtrise et de générer plus d’activités.
A-t-on enregistré des résultats concluants dans le domaine de la recherche et de l’innovation ?
Certainement, mais le secteur le doit en grande partie à lui-même. Les entreprises du secteur sont particulièrement innovantes. Pas moins de 50 % d’entre elles possèdent leur propre marque, produit fini ou brevet. Et cela vaut tant pour les grandes que pour les petites entreprises. Pas besoin d’être grand pour être innovant. Plastiwin a été créé en décembre 2008 pour renforcer la compétitivité et la réussite des entreprises, mettre en contact les membres et amplifier leur force de frappe. Je suis convaincue de notre influence positive, bien que notre impact réel sur les entreprises soit difficile – si pas impossible – à mesurer.
Nanocyl, un acteur mondial de la technologie des nanotubes de carbone, fournit le plastique de très petits additifs afin d’en améliorer les performances. On les retrouve dans l’industrie de l’emballage électronique, les peintures pour bateaux, les éléments thermoplastiques de l’industrie automobile, les matériaux ignifuges, etc. On doit à une joint-venture de Total et Galactic la production du bioplastique PLA (acide polylactique) sous le nom Futerro. Le but est de produire 1 500 tonnes de bioplastique par an. L’entreprise MACtac Research est spécialisée dans le collage de toutes sortes d’éléments sur du plastique. Des molécules permettent de coller des affiches sur un mur. Ces affiches absorbent les odeurs de l’environnement, qui sent dès lors toujours bon. On peut aussi accrocher ces affiches chez soi. Un autre exemple est la petite entreprise Reddy, qui ne compte que quatre personnes. Elle produit du matériel d’installation électrique, dont elle détient le brevet. Visio Ing Consult est une autre petite entreprise innovante et fructueuse de seulement 5 personnes, spécialisée dans les systèmes optiques et de capteurs qui permettent de surveiller la qualité des produits tout au long d’un processus de production « à la chaîne. » Elle possède sa propre marque et se charge aussi de l’analyse, du développement et de la mise en oeuvre technique de projets IT.
L’échange de connaissances est-il un gage de compétitivité pour les entreprises ?
Mieux encore. C’est l’un des objectifs de Plastiwin. Nous essayons, à travers des workshops spécifiques, d’accélérer l’échange de connaissances. Un bel exemple est la réduction de l’énergie dans la production du plastique. En effet, la température du plastique doit d’abord être élevée pour le faire fondre – une opération qui requiert des compresseurs très énergivores. Ensuite, la température doit à nouveau baisser pour obtenir la forme solide souhaitée, ce qui demande aussi beaucoup d’énergie. Pendant ces workshops, les membres échangent des expériences, les meilleures pratiques.
Aidez-vous les entreprises à apprendre les unes des autres ?
C’est exact. Les gens ici en Wallonie sont incroyablement créatifs et inventifs. Mais souvent un peu moins communicatifs. Ce qui est logique, puisque ce sont des ingénieurs, pas des experts en marketing. Nous les aidons à bien se profiler et à présenter leur entreprise avec conviction. Nous les aidons à élaborer leur ‘elevator pitch’.
Le cluster Plastiwin rapproche les acteurs. Les entreprises en tirent-elles visiblement plus de profit ?
Le cluster Plastiwin offre un potentiel d’activité incontestable, mais c’est difficile à mesurer. On entend les membres dire qu’ils ont fait des affaires ensemble, on les voit évoluer. Mais c’est très difficile à chiffrer. Parfois, nos membres ne réalisent même pas que c’est grâce au cluster qu’ils ont augmenté leur chiffre d’affaires. Pour nous, ce n’est nullement un problème. Créer des possibilités pour créer de l’activité, tel est notre objectif.
L’un des fers de lance de Plastiwin est le développement durable. Mais développement durable et plastique ne sont-ils pas contradictoires ?
Au contraire. Tout d’abord, le plastique est beaucoup moins lourd que l’acier. Un véhicule moderne compte quelque 1 400 pièces en plastique, d’aussi bonne qualité – souvent même meilleure – et beaucoup plus légères. Dès lors, la conduite exige beaucoup moins d’énergie, et donc moins de carburant. Grâce au plastique, les voitures pèsent en moyenne 30 % de moins. Rien qu’en Europe, cela fait une différence de près de 12 milliards de litres de carburant. Les voitures doivent souvent en grande partie leur label écologique au plastique. C’est pourquoi ce dernier intéresse fortement l’industrie automobile. Au même titre que tout le secteur du transport. Camions, avions, bateaux… grâce à l’utilisation du plastique, tous consomment beaucoup moins de carburant.
Parlons durable, à présent. Le cycle de vie du plastique, plus long, est lui aussi prometteur et la matière reste belle plus longtemps. Sans surprise, le plastique est donc un secteur en gigantesque expansion. À la fin des années quatre-vingts, le secteur du plastique a rattrapé celui de l’acier. Et en 2010, la production de plastique était, avec ses 290 milliards de mètres cubes, presque deux fois plus élevée que celle de l’acier et ses 150 milliards de mètres cubes. Actuellement, l’exportation de caoutchouc et de plastique représente 10 % du total des exportations wallonnes. Aujourd’hui, les tuyaux en acier sont de plus en plus remplacés par des tuyaux en plastique. Leur avantage, c’est qu’il n’y a pas de perte de liquide dans le fond. Rien qu’avec de l’eau, c’est déjà regrettable. Imaginez donc avec des fluides nocifs. Et les développements ne s’arrêtent pas là. Ainsi, le bioplastique est de plus en plus présent sur le marché. Il contient, en tout ou en partie, du carbone issu de sources renouvelables. L’industrie de l’emballage alimentaire utilise des plastiques biodégradables et solubles. L’industrie automobile utilise, quant à elle, des plastiques durables. Certaines souris d’ordinateur sont entièrement fabriquées en bioplastique. Qui plus est, le carbone est entièrement composé de pommes de terre, de betteraves et de céréales. Plus besoin de pétrole.
Plastiwin est-il un outil de la Wallonie pour la Wallonie ? Ou le cluster est-il aussi actif au-delà des frontières wallonnes ? Par exemple, est-il en contact avec le milieu économique ou académique néerlandais ?
Certainement. Il y a deux mois environ, j’étais au Chemelot Campus dans la province néerlandaise du Limbourg qui, tout comme nous, accorde une place centrale à la mise en commun et au partage des connaissances. J’étais présente avec la Chambre du Commerce du Limbourg et l’Agence wallonne à l’Exportation et aux Investissements étrangers (AWEX). C’est pour moi une occasion idéale de promouvoir ce B-to-B Event. Je le recommande vivement car l’un des principaux thèmes est le bioplastique. Plastiwin veut entrer en contact avec « ses voisins » : l’Allemagne, la France, le Luxembourg et les Pays-Bas. Les entreprises néerlandaises peuvent aussi devenir membres du cluster. Plastiwin a mis sur pied différents groupes de travail qui associent diverses entreprises industrielles. En outre, l’accent est mis sur les emballages, les innovations médicales, les bioplastiques, les éléments techniques, entre autres. Pour éviter les problèmes d’ordre linguistique, la langue véhiculaire est l’anglais, langue dans laquelle chacun peut s’exprimer correctement. Plastiwin collabore également avec d’autres acteurs indépendants tels que Mecatech (génie mécanique), Greenwin (chimie verte), Logistics in Wallonia (logistique), Wagralim et Fevia (industrie alimentaire). Plastiwin est un jeune cluster, il n’a que quatre ans. Jour après jour, nous essayons de nous améliorer. Les entreprises néerlandaises ne doivent surtout pas hésiter à nous contacter. Elles sont les bienvenues avec leurs questions. ■
Informations :
Boulevard de Colonster, 4, P 56B-4000 Liège
Tel. : 32(0)4/361 59 09