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© Olivier Donnet

Girls in Hawaii, mélancolie électrique

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Brabant wallon  / Braine-l’Alleud

Par Florence Thibaut

Enfants chéris du Brabant Wallon, les Girls in Hawaii squattent les ondes belges depuis plus de 15 ans. En septembre dernier, ils proposaient « Nocturne », leur 4e opus en studio, toujours aussi planant, mais doté d’accents plus synthétiques et électro. Après avoir sillonné la France et la Belgique, le groupe se prépare à un été de festivals, à Dour, aux Francofolies, à Ronquières…

 

 

Tête d’affiche de la deuxième édition de WAW Magazine en septembre 2008, le groupe belge pop-rock rêveur, né à Braine-l’Alleud huit ans plus tôt, en a fait du chemin. Le groupe présentait à l’époque « Plan your escape », son deuxième album successeur du prometteur « From here to there » qui marque son début sur la scène belge. « Everest » a suivi en 2013, sorte de renaissance après le choc brutal causé par la perte de Denis Wielemans, le batteur du groupe, décédé en 2010 dans un accident de voiture. En septembre dernier, naissait « Nocturne », un album pensé par le groupe des six comme un album « de nuit ». Toujours aussi mélancolique et éthéré, il a, cette fois-ci, des notes électro plus affirmées et savamment distillées. On y reconnaît la touche Girls in Hawaii, mais avec un twist. Conversation avec Lionel Vancauwenberghe, chanteur, guitariste, et l’une des têtes pensantes de la formation devenue un des fleurons du rock belge. 

Quel regard portez-vous sur la décennie qui vient de s’écouler ? 

Lionel : Ces dix années ont été inattendues dans tous les sens du terme, pour le meilleur et pour le pire. Nous avons perdu Denis, une perte humaine indescriptible. Cet événement a changé le groupe, musicalement et dans notre manière de fonctionner. Lui rendre hommage nous a donné un cap. Dans un groupe comme le nôtre, chaque élément a son importance. L’équilibre a été redistribué. Juste avant la mort de Denis, Christophe avait choisi de nous quitter. C’est toujours une rupture. Il a fallu se réinventer. Un groupe est toujours le produit d’une alchimie qu’on ne peut pas expliquer ni reproduire. Il y a aussi eu plusieurs disques. Le dernier que nous venons de sortir, « Nocturne », nous a menés vers une tournée acoustique, l’une des plus belles. Au niveau personnel, nous sommes devenus papas, c’est aussi une aventure. Nous avons forcément changé, mais peut-être pas autant qu’on le croît. 

Comment a été reçu « Nocturne » ?

C’est difficile aujourd’hui d’évaluer l’impact d’une sortie. Je pense que certains ont été surpris par son côté plus froid, électro. Nous avions envie de pousser le côté parfait et synthétique, un peu artificiel. Nous étions super contents de l’objet. Sur scène, c’est un bon album de live. Il nous amène quelque chose de différent, de plus électrique. Il nous a permis d’élargir notre palette. Sur le plan commercial, nos ventes ont été assez constantes. Nous n’avons jamais enregistré de grosses fluctuations.  

Vos méthodes de travail ont-elles changé depuis l’insouciance des débuts ? 

Avec le temps, nous avons appris à mieux utiliser notre énergie. L’expérience est bien là. Nous sommes mieux entourés aussi. Je ne pourrais plus écrire comme à l’époque et nous ne pourrions plus faire un disque comme avant, de manière aussi intense. C’était chaotique. Nous pouvions passer six nuits d’affilée en studio, en buvant des bières et en discutant. Il y avait un côté bricolage. Nous avons perdu en fraîcheur et en fragilité ce que nous avons gagné en efficacité.  

 Votre entourage professionnel est-il resté le même ? 

La musique est un secteur où tout change très vite. En France, le pays où ça marche le mieux pour nous, c’est particulièrement le cas. Tous les deux ans, l’équipe d’un label change complètement. Notre chance est d’avoir pu garder une certaine stabilité autour de nous. Pierre Van Braekel, notre manager, est à nos côtés depuis le début. Il sait d’où nous venons et nous aide à savoir où nous allons. C’est une borne. Girls in Hawaii s’est créé comme une petite famille et nous le sommes resté. 62 TV Records, notre premier label, était une boîte de dix personnes. La musique, avec son côté éphémère et instantané, n’est pas faite pour durer. Les groupes qui durent sont une anomalie. Dans la vague belge d’il y a dix ou quinze ans, beaucoup de groupes qui ont démarré avec nous ont disparu. Les carrières sont souvent courtes, en particulier aujourd’hui.   

 

«Dans un groupe comme le nôtre, chaque élément a son importance. L’équilibre a été redistribué. Juste avant la mort de Denis, Christophe avait choisi de nous quitter. C’est toujours une rupture. Il a fallu se réinventer. »

Comment expliquez-vous cette longévité dans une industrie en perpétuelle recherche de nouveauté ?

Antoine (Wielemans, ndlr) et moi avons toujours écrit à deux. Cela réduit la quantité de travail, mais c’est deux fois plus de créativité et d’idées. Dans la première partie de l’histoire du groupe, j’écrivais davantage. Maintenant, cela s’équilibre. Il y a des phases. En 15 ans d’existence, nous avons seulement sorti quatre albums. Cela nous a permis à la fois de ne pas nous essouffler et de ne pas saturer les gens. Nous avons une base fidèle en France, en Suisse et en Belgique. Certains nous suivent depuis le premier disque. Ils ont grandi avec nous. « From here to there » a eu un côté générationnel et nostalgique un peu inexplicable. Aujourd’hui, il leur rappelle des souvenirs.
 
Girls in Hawaii sera à l’affiche de plusieurs festivals cet été. L’expérience est-elle différente d’un concert classique ?
Comment le groupe s’y prépare-t-il ?
 

Le public de festival est un peu différent. Les festivaliers viennent voir de nombreux groupes différents. Certaines atterrissent par hasard devant la scène. Sur 50.000 personnes, parfois seulement 1.000 nous connaissent. Il n’y a pas d’attente particulière, ni de pression mais il faut les faire rester. C’est un challenge excitant. La durée est deux fois plus courte. Comme spectateur, c’est pour moi le format idéal. Cela nous pousse à jouer des morceaux plus denses, plus forts et plus bruts pour accrocher d’emblée et maintenir la tension. Nous avons déjà beaucoup joué, c’est notre avantage. Les dates de cet été sont une continuité de notre tournée actuelle. Nous serons pour la 4e fois aux Francofolies. Cela reste un moment super intense pour nous, un chouette rendez-vous. L’esprit de la soirée est toujours surprenant.  

Quel est votre meilleur souvenir de concert ?

Notre première fois à Dour reste un peu magique. On passait à 10h30 sur la grande scène six mois après la sortir de notre cinq titres. C’était un champs de cannettes et de ruines, la plupart dormaient encore, mais nos familles étaient là, des gens du métier aussi. C’était incroyable, nos jambes tremblaient… Un autre souvenir fort est un concert donné en 2009 sur la place des Palais, à Bruxelles, lors de la Fête de l’Iris. Nous avions remplacé le groupe Aaron au pied levé, il y avait 65.000 personnes, c’était génial ! Comme spectateur, j’adore voir les petits groupes. Ils ont souvent une fraîcheur et une naïveté touchantes. Ils connaissent souvent des moments de flottement. Je trouve ça super beau. Un groupe avec de l’expérience ne s’interrompt jamais, sait comment rebondir. Il perd un peu de sa folie initiale, de son énergie brute.  

Quels sont les groupes que vous suivez en ce moment ?

J’écoute beaucoup Mortalcombat, un groupe français de pop naïve. Ils nous rappellent un peu les années 1980 de Jacno. Notre morceau « indifference » a, d’ailleurs, été inspiré par lui, en particulier dans sa période orange. Aller voir d’autres groupes reste un plaisir, même si j’y vais moins que quand j’avais 25 ans. Je passais ma vie aux Rotondes du Botanique et à l’AB. En festival aussi.  

A quoi va ressembler votre été, hors festival ? 

Nous allons surtout essayer de nous reposer ! Avec une quarantaine de concerts, l’année 2018 a déjà été très dense. Nous sommes un groupe assez artisanal. Comme nous faisons beaucoup en interne et que nous sommes tous très impliqués, nous avons toujours des activités en vue. C’est nos vies... Et puis, ma copine va accoucher, c’est une grosse actualité pour moi ! 

Girls in Hawaii est né et a grandi dans le Brabant Wallon. Quel ancrage gardez-vous dans cette région ? 

Pour ma part, je suis né à Waterloo. Si je n’y vis plus, le Brabant Wallon, c’est mon enfance, mes parents, ma famille. C’était mon terrain de jeu. Quand je compose, de nombreuses images proviennent de là. Quand j’étais plus jeune, je faisais beaucoup de vélo et j’aimais composer dans la nature. J’ai notamment été inspiré par le Chemin des Cochons, à Waterloo. Je trouvais une chanson, j’écrivais les paroles, puis je courais à ma voiture pour les enregistrer. Je faisais la même chose au Bois de Halle. Nous avons également gardé des liens très forts avec le Centre culturel de Braine-l’Alleud où j’allais déjà avec mon premier groupe et où nous avons donné nos premiers concerts. Nous préparons toujours nos résidences là-bas et, à chaque sortie, nous y faisons un concert privé pour notre entourage. Nous y retournons pour soutenir l’endroit. C’est important pour nous.  

Où conduisez-vous vos amis bruxellois en visite ? 

J’aime bien les emmener au Château de La Hulpe, un endroit très chic, mais aussi un peu fantaisiste et excentrique, voire surréaliste.  

Tournée estivale

Après avoir donné un concert à Arlon, le 1er mai, dans le cadre des Aralunaires, Girls in Hawaii entamera en juin une riche saison de festivals. 
Le groupe passera en Belgique pour trois dates clés : 
15/07 : Dour Festival
19/07 : Francofolies de Spa
05/08 : Ronquières Festival

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