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Par Christian Sonon
Ancrées à Profondeville, les enseignes Euro Center et èggo sont deux exemples de réussites socio-économiques. Philippe Taminiaux, leur fondateur, a réussi à insuffler un formidable esprit d’équipe à ses collaborateurs. Sa recette ? Enthousiasme et passion égalent succès !
C’est une maison pas comme les autres, c’est sûr. Où les valeurs traditionnelles en ont pris joyeusement un coup au fil de l’aventure. Le premier choc, on le savoure en arrivant au siège d’Euro Center et d’éggo, à Bois-de Villers : sur le parking, les meilleures places sont réservées aux visiteurs ! « C’est juste, le client est roi », me rappelai-je, en grimpant l’escalier menant à la réception. J’avais rendez-vous avec Philippe et Frédéric Taminiaux. Le père et le fils, responsables des deux sociétés soeurs, aiment se fondre dans la masse de leurs « collaborateurs. » La preuve, sur le mur du hall d’entrée, leurs photos respectives sont noyées dans l’anonymat de quelque trois cents têtes souriantes – parmi lesquelles celles de Halle Berry et de Brad Pitt, mais de fortes présomptions m’inclinent à penser qu’il s’agit là d’une ruse pour impressionner les visiteurs. « Mon père aime traiter son personnel d’égal à égal, m’avait prévenu Frédéric au téléphone. Il fait la bise à tout le monde et chacun l’appelle par son prénom ! »
« Euh… est-ce que Philippe est là ? », susurraije à la réceptionniste, en montrant le numéro 255 accroché aux valves. « Il achève de brosser la cuisine afin d’éliminer les frasques de la veille et il est à vous ! », entendis-je quelqu’un répondre. Je commençais à douter de ma propre identité quand je vis un gars assis dans le couloir, devant des pages et des pages de formulaires, en train de marmonner je ne sais quoi et en comptant fébrilement sur ses doigts. « Il postule pour une place dans la société, m’expliqua, un peu plus tard, Fabrice Pollet, le directeur des ressources humaines. Chaque semaine, nous recevons vingt-cinq candidatures spontanées ! Mais ces postulants ont intérêt à savoir bien compter parce que, chez nous, ce sont les vingt premiers mots et les vingt premières secondes de l’entretien, ainsi que les vingt centimètres de leur visage, qui importent. Cela nous suffit pour juger de leur motivation et de leur enthousiasme. »
Milliard !
Je me sentis rougir. Mes vingt premiers mots n’avaient-ils pas été : « À propos, vous me parlez d’accueil, mais vous ne m’avez toujours pas offert une bonne tasse de café » ? Mais je me rassurai aussitôt. Car Philippe Taminiaux était parti d’un grand éclat de rire et avait commandé du café et de la tarte. « C’est vrai que j’ai toujours eu l’obsession du client. Dès l’ouverture des premiers magasins, j’ai cherché à l’étonner en lui offrant la livraison et le café ! Déjà alors, je voulais lui donner l’envie de revenir… »
Puis, il me raconta son histoire… En 1979, dans un trou perdu de Floreffe, le Namurois ouvre, en tant que franchisé, son premier magasin de type « discounter » sous l’enseigne Electro-Cash et jette pour ce faire toutes ses économies dans la publicité. C’est gonflé, mais la sauce prend. De 35 millions de francs belges cette année-là, son chiffre d’affaires atteint 350 millions en 1989 – année où il quitta le réseau de franchisés pour fonder, avec un autre entrepreneur namurois, l’enseigne Euro Center – puis franchit la barre du milliard en 1998 ! « Jusque 2003, nous avons ouvert près d’un magasin par an. Une success story qui repose sur trois éléments : la passion pour le client qui doit toujours être satisfait, ainsi que l’enthousiasme et le sourire de nos collaborateurs. C’est ce que nous appelons notre «légende». Chacun doit constamment l’avoir en tête. On se taquine souvent à ce propos… »
Une vision a Milan
En 2004, Euro Center saisit l’opportunité de se développer dans le nord du pays en reprenant et en aménageant selon sa philosophie dix magasins de l’enseigne Megapool. Le spécialiste en électronique et électroménager compte alors 33 points de vente et plus de 300 collaborateurs. Hélas ! Le concept ne démarre pas en Flandre car les gens sont réticents à changer leurs habitudes d’achat. « C’est alors que j’eus une vision à Milan – que l’on pourrait traduire par une vision à long terme (Ndlr) – en découvrant un nouveau design de cuisine associé à une façon inédite de mettre le produit en valeur. Au lieu de données techniques, des images du bonheur : une naissance, des enfants qui rient, des fruits, des oiseaux… » Philippe Taminiaux s’arrête net, car en feuilletant les projets de décoration qu’on venait de lui mettre sous les yeux, une image le choque. « Qui est-ce qui m’a fait cela ? On ne coupe pas la queue d’un oiseau ! Il faut refaire ce cadrage…. » « Mon père est passionné par la nature, me souffle Frédéric. C’est lui qui a lancé le Festival Nature Namur il y a 17 ans. Il vous en parlera sûrement tout à l’heure… » L’image du bonheur ? Il suffisait d’y penser. Comme l’oeuf de Colomb. D’ailleurs, la nouvelle enseigne s’appellera éggo. Et le logo aura la couleur de l’olive, accentuée d’une touche d’orange (ou jaune d’oeuf). Après avoir lancé sur ce nouveau projet une équipe de vendeurs, coloristes, éclairagistes, archi- tectes d’intérieur, publicitaires, Philippe Taminiaux, qui se considère humblement comme un lieur de sauce mayonnaise (décidément, on reste dans l’oeuf !) au sein d’un groupe, ouvre ses quatre premiers éggo en mars 2007. La marque en comptera vingt en septembre ! Dans la foulée, il a la bonne idée de convertir les enseignes Euro Center du nord du pays en magasins éggo. « Nos meubles proviennent de notre usine-partenaire Nobilia, en Allemagne. Mais ils sont fabriqués sur mesure pour répondre à nos concepts. Avec nos designers, nous avons développé un style très zen qui se caractérise notamment par l’îlot central qui intègre le cuisinier à la maisonnée et incite les gens à prendre l’apéritif en sa compagnie. » « Ou le café », faillis-je d’ajouter. Mais je m’abstins.
Zorro est arrivé !
Bref, une nouvelle aventure démarre. Jusqu’à la crise de 2008. La marque frôle alors le crash. « La pompe Euro Center ne parvenait plus à alimenter en fuel l’avion éggo, qui venait d’investir 12 millions € pour son décollage, explique Philippe. Heureusement, Zorro est arrivé ! » Zorro, c’est Frédéric. Formé à l’Ecole de Commerce de Solvay (ULB), le jeune homme (27 ans) va s’atteler à mettre de l’ordre dans la logistique et les finances, un domaine quelque peu délaissé par le paternel. « Mon père vient de la publicité, justifie Frédéric, aujourd’hui directeur des opérations de vente. Sa force, c’est son audace, jointe à un enthousiasme débordant grâce auquel il arrive à convaincre ses interlocuteurs. Quand il va trouver une banque pour un prêt, il arrive sans plan financier, mais sûr de ses idées. Quand il doit investir, il est du genre à pousser tout son argent sur le tapis, comme James Bond dans «Casino Royal». Les autres sont estomaqués et déposent leurs cartes… »
Les deux entreprises sont peu à peu remises sur orbite. En 2011, année historique pour le groupe, Euro Center (22 magasins en Wallonie) et éggo (41 dans toute la Belgique) ont vu leurs chiffres d’affaires monter respectivement à 57 et 85 millions €. Des hausses de 13 et 16 % ! Cette année, trois nouvelles enseignes sont prévues dans les zones de Charleroi et Liège. Et les responsables réfléchissent aujourd’hui à une implantation en Espagne et aux Pays-Bas.
« Le groupe travaille actuellement avec 600 personnes, soit 450 salariés et 150 indépendants, des installateurs de cuisine principalement, explique Fabrice Pollet. De nombreux postes sont occupés par des conseillers en cuisine, des vendeurs en électroménagers, des livreurs bilingues et des logisticiens. » « Notre politique de l’emploi est basée sur la pratique du «Vis ma vie», ajoute Frédéric Taminiaux, C’est-à-dire que nous demandons à chacun de travailler quelques temps dans les autres départements afin de mieux comprendre les impératifs de ses collègues. Ce qui leur permet également de faire connaissance. »
Des voyages initiatiques au Sénégal
Pour consolider les liens entre ses collaborateurs, Philippe Taminiaux a également pris l’habitude, pendant dix ans, d’envoyer ses collaborateurs au Sénégal. Un pays pour lequel il a jadis eu le coup de foudre et où il a tissé des liens, loin des circuits touristiques. « Les habitants sont dépourvus de presque tout, mais vous êtes reçus comme des rois, même lorsqu’ils viennent de parcourir sept kilomètres dans la brousse pour aller chercher de l’eau ! C’est ce sourire permanent, cette chaleur naturelle, que j’attends de nos vendeurs en présence des clients. Même si les destinations changent parfois – l’an dernier, nous sommes allés au Sri Lanka – ces voyages initiatiques sont toujours nécessaires pour que chacun ouvre les yeux. Pour que notre «légende» survive et se transmette aux nouveaux venus. »
J’avais compris. Au moment de quitter le père, le fils et le saint esprit qui règne dans cette belle famille, je me fendis de dix centimètres de sourire. Las ! Personne ne me fit la bise, ni même n’articula mon prénom. Mon ego en prit un coup. Je croyais avoir réussi mon examen d’entrée et voilà que j’étais juste bon pour la sortie. La faute au café, c’est sûr… ! ■
Un Festival Nature Namur légendaire !
En octobre 2011, le Festival Nature Namur a rassemblé plus de 35 000 visiteurs en dix jours sur le site de l’Acinapolis, à Jambes. Quelque 200 films amateurs et professionnels et plus de 6 000 photos étaient en compétition. Sans oublier les balades nature, les conférences, les soirées à thème, les animations… Un tout grand rendez-vous et une autre success story que l’on doit à ce grand amoureux de la nature, photographe et, plus récemment, jardinier qu’est Philippe Taminiaux.
« Ce festival est connu partout en Europe où il reste le numéro 1 en matière de films amateurs », explique le responsable qui a réussi à fédérer ses collaborateurs qui se font un plaisir, chaque année, de donner un coup de main à l’organisation. Que ce soit en dressant les buffets ou en servant au bar, chacun, du vendeur au gérant, aborde alors en permanence son sourire légendaire et plus … naturel que jamais. Vous êtes sceptiques ? La 18e édition aura lieu du 12 au 21 octobre prochain.
Informations :
Rue Léon FrançoisB-5170 Bois-de-Villers
Tel. : +32 (0)81 30 99 34
www.eggo.be