- Portrait
Par Marc Vanel
Manager de l’année, Marc du Bois est aujourd’hui unique actionnaire familial du groupe Spadel (Spa et Bru). Portrait d’un homme qui revendique pleinement sa belgitude.
La cinquantaine à peine entamée, Marc du Bois est un vrai capitaine d’industrie. Avec une vision et des idées très claires sur les stratégies à mener pour pérenniser un groupe qui produit plusieurs centaines de millions de litres d’eau et de limonade chaque année. Licencié en sciences économiques appliquées de l’Université catholique de Louvain (UCL), il fait, dans l’attente de son service militaire, un stage Onem de 6 mois chez Coca-Cola, puis, ses obligations effectuées, est engagé par L’Oréal pendant 5 ans. Après un complément d’études dans le Colorado, il intègre Spadel le 16 mai 1994.
Il rejoint ainsi un groupe dont l’histoire est liée à celle de sa famille depuis 1923, date à laquelle son grand-père, Ernest du Bois, entre dans le capital de la société Spa Monopole créée deux ans auparavant. Au fil des ans, la famille du Bois devient actionnaire majoritaire de l’entreprise qui, sous l’impulsion de Guy-Jacques du Bois, se transforme en groupe européen Spadel en 1980.
De nouveaux créneaux
Aux côtés de son père, puis de son frère, Marc du Bois innove d’emblée et introduit Spa dans le réseau hospitalier. L’opération porte ses fruits et notre homme embraie avec le marketing de Bru dont la campagne publicitaire remporte d’ailleurs le prestigieux Grand Effie Award en 1996. Le concept de l’eau perlée, synonyme de richesse et de pureté, demeure aujourd’hui encore au centre des campagnes de la marque. Marc du Bois prend alors en charge la direction du département Business Development nouvellement créé et, dans la foulée, se voit confier la responsabilité de la filiale anglaise qui était dans le rouge.
Tout cela jusqu’à cette date fatidique du 22 septembre 2000 où son frère, Guy-Bernard du Bois, se tue dans un accident de voiture. Alors que ses concurrents le pressent de vendre, l’homme décide de constituer un duo managérial avec Jean-Philippe Despontin qui avait été nommé directeur général un an auparavant. L’expérience durera douze ans pour s’achever en 2012, date depuis laquelle Marc du Bois est seul aux commandes.
« Aujourd’hui, nous avons l’ambition de réduire notre empreinte carbone à l’horizon 2015 en travaillant sur les 3P (People, Planet and Profit) du développement durable : gestion d’énergie, des emballages, protection de la ressource, naturalité de nos produits, biodiversité. »
Aujourd’hui, comment grandir et maintenir une croissance à deux chiffres quand, par définition, une source est indélocalisable ? « Spadel gère cinq sites industriels dans trois pays. En Belgique, nous avons le site de Spa Monopole qui est de loin le plus important du groupe et emploie plus de 400 personnes, ainsi que le site de Bru-Chevron. En France, j’ai acquis les Grandes sources de Wattwiller dans les Vosges en 2004 et, l’an dernier, les eaux minérales de Ribeauvillé et la marque Carola. Enfin, notre cinquième site, Brecon Carreg, est situé à Trap, au Pays de Galles. Son eau minérale prend tout son essor au Royaume-Uni. »
People, Planet, Profit
Pour le guider dans ses choix, Marc du Bois a bâti un plan stratégique sur trois piliers. Tout d’abord, l’innovation. « Dans notre métier, vous ne pouvez pas changer de contenu. L’eau minérale de Spa restera toujours la même eau, mais on peut l’aromatiser. Chaque année, nous devons proposer quelque chose de novateur, le consommateur en est très friand. » Ensuite, l’excellence opérationnelle. « Un exemple : nous déménageons en septembre dans un bâtiment où tout Spadel sera sur un seul niveau. Cela va améliorer la communication, on va créer des contacts informels, je crois beaucoup à ce genre de choses. » Et enfin, bien sûr, le pilier du développement durable. « Aujourd’hui, nous avons l’ambition de réduire notre empreinte carbone à l’horizon 2015 en travaillant sur les 3P (People, Planet and Profit) du développement durable : gestion d’énergie, des emballages, protection de la ressource, naturalité de nos produits, biodiversité. »
Le tout en ancrant les produits dans la région où ils sont conçus. « Oui, on pourrait vendre de la Spa à New York, mais plus vous vous éloignez de votre zone de chalandise, plus votre produit devient un produit de grand luxe avec une empreinte carbone très importante. Notre ambition est d’avoir des produits très bien implantés régionalement, avec des empreintes réduites. Cela ne fait aucun sens pour moi de consommer des eaux italiennes. Quand vous buvez une bouteille de Spa, vous avez là un opérateur belge et vous créez de l’emploi pour des gens qui paient leurs impôts dans notre région. Vous participez ainsi à l’économie d’une région, d’un pays, c’est essentiel. »
Manager de l’année et baron
La stratégie de Spadel a été récompensée de deux manières très différentes en 2014. Marc du Bois est en effet devenu en février « manager de l’année » selon le magazine Trends Tendances et, deux mois plus tard, a été élevé au titre de Baron par le roi Philippe. « J’ai pris cela avec beaucoup de sérénité et d’humilité, il ne faut pas se monter la tête. Ce titre de manager récompense en réalité le travail de toute l’équipe et non le mien directement. J’ai d’ailleurs rapidement dédié ce titre aux gens qui travaillent avec moi au quotidien, sur lesquels j’ai toujours pu compter, y compris lors des moments les plus pénibles de ma vie, je leur dois beaucoup. »
Quant au titre de Baron, « cette volonté royale m’a été attribuée, mais elle est surtout attribuée à une famille d’entrepreneurs belges, active en Belgique et qui prône l’unité du pays et son maintien. J’ai des idées très arrêtées sur la question. À nouveau, il faut rester soi-même. Pour vivre heureux, vivons cachés, c’est mon leitmotiv. Je ne prends pas souvent la parole, je n’ai pas besoin de cela. Je préfère faire rouler la boîte, les chiffres ne mentent pas. Tout le reste, vous savez. »