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Par Jean Fauxbert
au pays d’Arabelle
Arabelle Meirlaen est l’une des quatre cheffes étoilées en Belgique (1). C’est à Marchin, dans son restaurant éponyme, qu’elle cultive élégance et harmonie à travers une cuisine naturelle et intuitive. S’y rendre, c’est entreprendre un voyage aux pays des sens.
Rencontrer Arabelle Meirlaen est un moment particulier. Comme une évasion de nos racines vers l’universel qui touche au voyage pluriel où la philosophie le dispute à l’art culinaire. Un voyage aux pays des saveurs d’une nature trop souvent dénaturée dans nos sociétés aseptisées. Un voyage au pays de l’harmonie entre l’humain, le corps et ce que cette nature lui offre si généreusement. Un voyage sensoriel qui touche à l’intemporel !
Ce voyage prend sa source dans les saveurs de la région natale d’Arabelle Meirlaen, la région hutoise, pour s’envoler et s’enrichir des condiments du monde que la cheffe cultive dans ce « jardin extraordinaire » qui jouxte son restaurant et qu’elle présente dans des plats qui lui ressemblent, goûteux, joyeux, sensuels, personnels et surprenants, tel ce « carpaccio surprise de ton sur ton » composé à partir de tranches de… pastèque ! Des plats qui sont le fruit tant de son intuition que d’une philosophie et d’une recherche permanente. « Pour Hippocrate, chaque aliment peut être votre médicament », explique la cheffe. Arabelle Meirlaen ne prétend cependant pas pratiquer quelque médecine que ce soit. Elle applique ce propos à une cuisine très personnelle dite intuitive, sa « marque de fabrique ».
Des condiments du monde que la cheffe cultive dans ce « jardin extraordinaire » qui jouxte son restaurant et qu’elle présente dans des plats qui lui ressemblent, goûteux, joyeux, sensuels, personnels et surprenants.
De l’art floral à l’art culinaire
Un voyage absolu, disions-nous, dont le point de départ est la ferme familiale. Arabelle Meirlaen est la « petite dernière » de la famille. Trois frères, une sœur, un papa agriculteur et inventeur de machines adaptées à son métier, et une Arabelle ancrée dans son terroir et curieuse de tout. « J’ai travaillé dans la décoration, dans le stylisme, l’art floral ; j’ai tâté de la musique aussi… » Jusqu’au déclic qui survient quand sa maman énonce cette vérité : « Tout le monde aura toujours besoin de manger ! »
Arabelle ira donc à l’école d’hôtellerie, passera par les loges du Standard, par le Val-Saint-Lambert, puis reprendra le restaurant « Li Cwerneu », à Huy. Elle rencontrera son mari, Pierre Thirifays, électromécanicien de son état, qui s’investira à ses côtés et deviendra, plus tard, meilleur sommelier de Belgique ! Ici, l’excellence est de rigueur, comme la complémentarité. Mais attention : la cheffe est une femme ! « La cuisine est une affaire de femmes, non ? L’homme est le chasseur qui rapporte la nourriture, tandis que la femme prépare et construit, sourit-elle. Je n’en fais pas un combat, il faut un équilibre entre les deux ! »
Au fil des saisons
Cette même notion d’équilibre et d’harmonie est aussi la signature d’Arabelle Meirlaen. « Ma cuisine se veut en harmonie entre les saisons et les besoins du corps. En automne, par exemple, on pourra aller vers des saveurs ou des ingrédients plus piquants ; en hiver, on ira vers des plats qui vont permettre de drainer les reins ; au printemps, un peu d’acidité sera bonne pour la rate et le pancréas ; la chlorophylle facilitera aussi la digestion ».
Adepte farouche du vrai produit local et d’une cuisine reliée tant au corps qu’à la terre, notre interlocutrice ne veut pas pour autant d’étiquette figée : « Le corps a besoin de tous les nutriments, y compris les protéines animales, et j’entends présenter des plats qui puissent donner du plaisir à tout le monde. » Car la finalité réelle est là : « Chaque plat, chaque bouchée doit d’abord et avant tout donner du plaisir. Et un plat me paraît abouti lorsque j’ai ressenti ce plaisir après l’avoir goûté. La cuisine, la gastronomie, c’est aussi sensuel et sensoriel ! »
Etoilé, coté « 18/20 » au Gault & Millau, le restaurant « Arabelle Meirlaen » a également été labellisé « Best Vegetables Restaurant » en 2019.
Une cuisine ayurvédique
Les techniques culinaires utilisées par Arabelle Meirlaen sont toutes marquées par le respect du produit. A cet égard, rien de tel que les techniques ancestrales trop souvent oubliées ou négligées, comme la fermentation qu’on retrouvera dans ce « chou rouge fermenté, feuilles de sakura et sésame grillé ». « Ce type de conservation et de traitement des produits qui était pratiqué par nos aïeux permet de préserver, sinon d’accentuer, les saveurs d’un aliment. Personnellement, j’en tire l’essence et le mets en relation avec l’effet bénéfique qu’il peut produire sur le corps. »
Cela donne une cuisine ayurvédique, du nom de cette science indienne proche du yoga, dont la cheffe se nourrit régulièrement en se rendant en Inde, parfois en compagnie du médecin franco-indien Nathalie Babouraj.
Une 2e étoile ?
Etoilé, coté « 18/20 » au Gault & Millau, le restaurant « Arabelle Meirlaen » a également été labellisé « Best Vegetables Restaurant » en 2019 (il s’est classé à la 8e place en Europe). Une large reconnaissance qui ne semble pas mettre trop de pression sur la cheffe : « Cela fait plaisir car cela signifie que les plats que je propose et qui sont dus à mon côté intuitif rencontrent l’adhésion tant de mes pairs que du public. Pour autant, je ne sacrifierai pas ma manière de travailler au désir d’une deuxième étoile. Si elle vient, ce sera bien, mais ce ne sera pas suite à un changement de cap de ma part ! »
Et c’est très bien ainsi puisque la maison d’Arabelle affiche complet toute l’année. Sa carte changeant chaque mois, elle sera peut-être enrichie au printemps des nouvelles saveurs intemporelles et sensorielles que la cheffe a ramenées d’Inde où elle a passé trois semaines en début d’année. Afin de se ressourcer, mais aussi de mettre ses sens en éveil.
C’est certain, le voyage d’Arabelle Meirlaen au pays de l’universel est loin d’être terminé. Pour le plus grand plaisir de nos yeux, de nos sens et de nos papilles.
Arabelle Meirlaen
Chemin de Bertrandfontaine 7
B-4570 Marchin
+32 (0) 85 25 55 55
info@arabelle.be
www.arabelle.be
(1) Les autres cheffes étoilées en Belgique : Stéphanie Thunus (Au Gré du Vent, Seneffe), Ricarda Grommes (Quadras, Saint-Vith) et Lydia Glacé (Les Gourmands, Quévy).