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Par Adrienne Pesser
Quinze grammes et autant de secondes de pur bonheur… Un cône typiquement belge dont on ne se lasse pas. Christian Maenhout, petit, est tombé sous le charme et, adulte, a créé sa société « Bonbons à l’Ancienne ».
Reconnaissez-vous ce parfum sucré, fruité, si particulier ? Il vous donne le sourire, émoustille vos papilles, évoque maints souvenirs d’enfance. Ces mêmes effluves émanent d’une fabrique située dans le zoning de Seraing, en région liégeoise. Gourmands s’abstenir… Mais comment résister ?
Christian Maenhout, lui, a la solution : ne pas tenter de tenir tête à l’appel du sucre ! Que du contraire, il lâche tout pour s’y consacrer corps et âme. Cet ancien employé du Ministère des Finances veut sortir des bureaux et renouer avec la population. Son appétence pour les confiseries lui ouvre de nouveaux horizons. Durant une année, il apprend aux côtés d’un maître confiseur les rudiments du métier. L’apprenti débute alors sa production artisanale dans un atelier à Bellaire. Il y fabrique d’abord des plaques de bonbons à casser, puis se lance dans les cuberdons, pour la simple et bonne raison qu’il détectait un potentiel certain, pourtant trop peu exploité, dans ces friandises appréciées de tous. « Tu n’y arriveras jamais ! La maîtrise est bien trop compliquée. Tu vas t’y casser les dents ! » Sans se laisser décourager par ses confrères, l’homme a testé sans cesse la recette durant six mois. À force de persévérance, de conseils, de nouvelles connaissances pratiques et d’une touche de miracle, le voilà maître de sa recette. Les demandes affluent, les stocks s’écoulent.
En 2005, une occasion unique se présente. Acquérir une machine à un prix abordable qui lui permettrait de se développer à grande échelle et de répondre ainsi à toutes ses commandes. Certes, la fabrication changerait en rien et la production resterait donc artisanale. Afin d’accueillir l’engin de quinze mètres de long et de le dompter, le confiseur investit : un bâtiment, des marchandises, du personnel. Fini l’employé du Ministère, place au chef d’entreprise !
À l’ancienne, rien de tel
Cul de bourdon, chapeau de curé, neuzeke… de nombreux surnoms sont donnés à ce bonbon de la fin du XIXe siècle aux origines obscures certes, mais bel et bien belges – flamandes, wallonnes ou bruxelloises, nul ne le sait vraiment. La légende raconte que la recette a été découverte par hasard lors d’une erreur commise par un apprenti. Une légende parmi tant d’autres…
En plus de cent ans d’existence, les ingrédients n’ont pas changé : sucre purifié (en provenance de Tirlemont), glucose, gélatine de porc (pour l’élasticité), arômes naturels, colorants naturels et gomme arabique (extraite de l’acacia).
Le processus de fabrication, outre sa complexité technique, s’explique aisément. Dans un premier temps, de l’amidon coulé dans un coffret forme l’empreinte. Le sirop de sucre y est déposé. Durant six jours, les bonbons sont séchés dans une étuve placée dans une chambre chaude à 50 degrés. Le septième jour marque le démoulage du produit fini.
Vient enfin le moment tant attendu de la dégustation. « Plus vite il est mangé, meilleur il est ! » De la sorte, la croûte du cuberdon est moins sucrée et moins épaisse. « Texture et sirop représentent les points forts de ma friandise. Le vrai bon cuberdon doit fondre dans la bouche sans avoir un effet sucré trop prononcé. » Ces qualités pour les uns peuvent représenter des points faibles pour d’autres, telles que l’entreprise concurrente Geldhof dont les bonbons, marqués d’un G, possèdent une croûte plus épaisse et un coeur plus sucré. Il en faut pour tous les goûts !
La particularité de la société « Bonbons à l’Ancienne » réside dans la gamme variée de saveurs qu’elle propose. Outre le traditionnel parfum framboise, le cuberdon vendu sous la marque Sweet Cuberdons, se décline dans une trentaine de goûts. Pour n’en citer que quelques-uns : violette, cerise, pomme, fraise, citron ; également des parfums plus surprenants tels que kiwi, pistache, gingembre, spéculoos, chocolat ; d’autres alcoolisés à base de champagne, Cointreau, Amaretto notamment.
Des produits dérivés arrivent dans les étalages : mini-cuberdon framboise à déposer dans une coupe de champagne, sirop, apéritif, glace et autre crème gourmande pour le corps.
À l’heure actuelle, une majorité de l’activité de l’entreprise consiste en la production de cuberdons ; dans une moindre mesure, les plaques à casser, la gomme arabique et le carabouya occupent le reste du temps. En quelques chiffres, l’on parle de 700 à 800 kilos de cuberdons par jour, soit environ cinq tonnes par semaine, soit une vingtaine de tonnes de cuberdons par mois.
Christian Maenhout a transformé son rêve de gamin en réalité. Au culot, il perpétue la tradition d’un bonbon d’exception considéré comme récompense pour les enfants sages. Vous en reprendrez bien un ?
Cuberdons à l’exportation
« Exceptés les produits classiques, la confiserie est un marché qui, malheureusement, s’exporte peu facilement. »
La société Bonbons à l’Ancienne se porte bien, avec sa dizaine d’ouvriers et employés dans l’enceinte de la fabrique et ses sous-traitants, dont font partie les membres d’une entreprise de travail adapté basée à Waremme qui se charge du packaging. Sur le marché national, les stocks de cuberdons s’écoulent sans relâche, notamment en grandes surfaces. La chaîne de magasins Delhaize fait appel aux services de l’entreprise sérésienne dont les friandises sont vendues sous la marque Sweet Cuberdons.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, la sucrerie conique reste un produit très peu connu en dehors des frontières belges. Pour la faire découvrir au marché international, Christian Maenhout profite de toutes les opportunités qui se présentent à lui, entre autres les salons de la confiserie à Cologne et Paris. D’ailleurs, des pourparlers sont en cours avec les Galeries Lafayette dans la capitale française et Harrods à Londres. « Quelle fierté si le cuberdon devient aussi connu et apprécié que la gaufre de Liège ! »
Les entreprises désireuses de s’ouvrir à l’international s’exposent à de grands risques quant à la traçabilité et également à de nombreuses difficultés administratives. Le confiseur liégeois ne craint pas ces obstacles, à la seule condition d’être soutenu financièrement par un investisseur, ce qui, à l’heure actuelle, n’est pas le cas. Quant à d’autres propositions aux États-Unis ou en Chine, l’entrepreneur n’a pu y donner suite, faute de moyens économiques, matériels et humains. « Rien ne sert d’avoir les yeux plus grands que le ventre… Mais je ne désespère pas qu’un repreneur décide d’injecter de l’argent et d’agrandir la société que j’ai créée de mes mains. »
Informations :
Rue des Têris, 564100 Seraing
Tel. : +32 (0) 4 336 54 64
info@cuberdons.eu www.cuberdons.eu