- Dossier
Par Christian Sonon
la nature veille sur le patrimoine
Au XVIe siècle, le château de Boussu, propriété des Hennin-Liétard, était la plus remarquable construction de style Renaissance au nord de la Loire. Son histoire est racontée dans le centre d’interprétation aménagé dans son châtelet d’entrée, tandis que son parc est un site naturel classé.
Parc, châtelet, centre d’interprétation, fouilles, chapelle funéraire… Pour comprendre ce que l’absl « Gy Seray Boussu » s’est efforcée de sauvegarder et de remettre en valeur sur le site du château de Boussu depuis une trentaine d’années, c’est-à-dire depuis que la commune en est devenue propriétaire, il convient de redessiner les pans de sa prestigieuse histoire marquée par les guerres et les successions.
© UMons
Le palais de Boussu devint alors « la plus belle demeure qu’on puisse voir en tous les Pays-Bas, une demeure digne d’un roi ».
Installé dans la vallée marécageuse de la Haine, le complexe castral a connu trois cycles de vie. Dès le Xe siècle, c’est un château moyenâgeux qui devint propriété de la famille des Hennin-Liétard en 1225 et fut détruit en 1478 lors des guerres entre le Roi de France et les états bourguignons. Dès 1539, le site connut une impressionnante transformation lorsque démarra la construction de ce qui allait devenir le premier château de style Renaissance au nord de la Loire. Pour ce faire, le propriétaire, Jean V de Hennin-Liétard, 1er comte de Boussu et grand écuyer de l’empereur Charles Quint, fit appel au célèbre architecte-sculpteur Jacques Du Brœucq. Le palais de Boussu devint alors « la plus belle demeure qu’on puisse voir en tous les Pays-Bas, une demeure digne d’un roi ». Le château était à ce point magnifique que Marie de Hongrie, la sœur de Charles Quint, demanda à Jacques Du Brœucq de lui ériger pareil palais dans son fief à Binche.
La Villa Caraman
En revanche, à l’exception du châtelet d’entrée, le château était complètement en ruines en 1810 quand le comte Maurice de Caraman entreprit d’aménager sur les structures de celui-ci – et en agrandissant le châtelet – une nouvelle habitation luxueuse qui prit le nom de « Villa Caraman », avant de devenir plus tard, à l’arrivée du nouveau propriétaire, le château de Nédonchel.
« Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Allemands décidèrent d’occuper ce site qu’ils jugeaient intéressant puisque proche de la ligne de chemin de fer. Le 2 septembre 1944, fuyant l’avancée des Alliés, ils dynamitèrent leur dépôt de munitions avant d’abandonner les lieux. Si les épaisses murailles du XVIe siècle survécurent, les murs du XIXe ne résistèrent pas à l’explosion. »
Et l’on repartit pour un tour de manège ! Lorsque les travaux de reconstruction du châtelet démarrèrent voici près de 30 ans sous l’action de l’absl « Gy Seray Boussu » (« Je serai Boussu » est la devise des comtes de Boussu), c’est tout un pan de l’histoire de Boussu qui refit peu à peu surface. « Aujourd’hui, les deux premières phases sont terminées, à savoir les trois niveaux de la tour, le porche d’entrée et une salle à l’étage, ainsi que les caves. La troisième phase, qui inclut l’installation d’une salle d’exposition temporaire, d’une bibliothèque et d’un centre de documentation sur la Renaissance en Europe du nord, est en cours. »
« Charles-Quint visita le château de Boussu à deux reprises, en 1545 et 1554, explique Marcel Capouillez, historien et directeur du projet de renaissance des lieux. On raconte que lorsqu’il quitta le château après sa deuxième visite, il vit en se retournant que celui-ci était en feu. Comme il revenait sur ses pas afin de voir ce qu’il se passait, le comte lui expliqua qu’après la visite d’un hôte aussi illustre, personne n’était plus digne d’y pénétrer ! … Le château fut ensuite progressivement détruit par les nombreuses guerres qui émaillèrent les XVIe et XVIIe siècles, mais nous avons la preuve que Louis XIV y logea en 1655 lors des festivités liées à son 16e anniversaire. »
Lorsque les travaux de reconstruction du châtelet démarrèrent voici près de 30 ans sous l’action de l’absl « Gy Seray Boussu », c’est tout un pan de l’histoire de Boussu qui refit peu à peu surface.
© M.Capouillez
Des fouilles et un centre d’interprétation
Parallèlement, de vastes fouilles furent entreprises sur le site. Elles permirent de remettre à jour les structures du château du XVIe, ce qui permit de constater que celui-ci avait été construit à l’emplacement de la forteresse médiévale. Il y avait là matière à justifier l’ouverture d’un centre d’interprétation. Celui-ci vit le jour en 2015, dans le cadre de l’événement « Mons, capitale européenne de la culture ».
« Ce centre, qui occupe les parties restaurées du châtelet, permet de comprendre l’évolution de l’édifice à travers les siècles et de suivre l’histoire des familles Hennin-Liétard et Caraman », explique Marcel Capouillez, qui en profite pour signaler que, pendant plus de quatre siècles, les propriétaires successifs des lieux furent inhumés dans un caveau dans la chapelle funéraire des seigneurs de Boussu, à côté de l’église Saint-Géry. « Le centre accueille également la quasi totalité des objets (monnaies, clefs, poteries, boulets de canons, balles de mousquets, jouets...) trouvés lors des nombreuses campagnes de fouilles. Et les caves ont été transformées en musée lapidaire où les visiteurs peuvent admirer de nombreuses pierres sculptées qui ont été mises au jour. »
Le parc, un héritage du XIXe siècle
Et le parc ? vous demanderez-vous, puisque c’est la nature qui nous occupe principalement ici. Il s’agit d’un héritage du XIXe siècle façonné par Maurice de Caraman. C’est en effet le dernier comte de Boussu qui décida d’aménager, autour de sa résidence, un gigantesque (300 hectares) parc romantique à l’anglaise. Les douves ceinturant le complexe castral furent comblées et des pelouses, des massifs de frondaisons et des étangs furent dessinés de façon à former un jardin aux multiples facettes parcouru de chemins sinueux. L’ensemble constitue aujourd’hui un magnifique écrin vert arboré. « De ces 300 hectares, il n’en reste cependant plus que 12 car tous les terrains situés au-delà de la ligne de chemin de fer ont été vendus, explique Marcel Capouillez. Mais notre asbl a proposé à l’administration communale de racheter les terres du fermier voisin qui arrive en fin d’activité, afin de faire du parc, avec l’aide du Département de la Nature et des Forêts, un sanctuaire de la biodiversité d’une superficie de 25 hectares. Il faut savoir que la biodiversité est le fruit d’une histoire pluricentenaire. Le parc étant situé au sein d’une zone humide, reliquat des étangs qui entouraient jadis la forteresse et la résidence du XVIe siècle, il abrite une faune propre aux zones marécageuses : canards, poules d’eau, tritons, grenouilles, mais aussi lapins et renards… Et il est planté d’arbres d’essences diverses, tels que platanes à feuilles d’érable, marronniers, tilleuls… »
Cet écrin de verdure récemment rénové, au sein duquel trône l’ancien kiosque – ou pavillon de parc – qui sert d’observatoire nature, est aujourd’hui un site naturel classé, un lieu de promenade ouvert au public toute l’année. Des activités y sont organisées à l’occasion d’évènements publics ou privés. Et, depuis 2018, il accueille le temps d’un week-end les Loges de la Renaissance, un show-promenade réunissant plus de 60 comédiens. Enfin, en septembre, les Journées du Patrimoine marquent un moment festif et gourmand.
© M.Capouillez
L'ancien kiosque - ou pavillon du parc - sert d'observatoire nature
Parc et château de Boussu
Rue du Moulin 43
B-7300 Boussu
+32 (0) 65 77 82 65