- Star Waw
Par Didier Albin
Il a obtenu tous les prix auxquels rêvent les patrons. Début 2019, Jean-Jacques Cloquet a rejoint Pairi Daiza pour l’accompagner dans sa croissance commerciale et opérationnelle.
Challenge : rééditer à Brugelette avec le « Jardin des Mondes », élu plus beau parc zoologique d’Europe depuis deux ans, son succès à l’aéroport de Charleroi.
Quand il a reçu son sacre de manager de l’année 2018, il avait déjà quitté la fonction pour laquelle le Trends Tendances tenait à l’honorer ! Il faut dire que l’ancien CEO de la société de gestion de l’aéroport de Charleroi n’a jamais rien fait
comme tout le monde. Depuis l’enfance jusqu’à son arrivée à Pairi Daiza où Eric Domb l’a recruté pour gérer l’expansion de son « Jardin des Mondes », Jean-Jacques Cloquet s’est toujours appliqué à ne pas suivre les routes que l’on avait tracées pour lui.
Du Sporting de Charleroi à Solvay
Refusé au Football Club Nalinnes à 10 ans parce qu’il vient de la région du Centre, il s’y impose avec l’appui de son père et en devient une élite. Il est d’ailleurs vite repéré par les sélectionneurs qui en font un junior UEFA. Au Sporting de Charleroi, où il est versé en équipe première à l’âge de 17 ans, il dispute en 1978 la seule finale de Coupe de Belgique de son club (les Zèbres sont battus 2-0). Il reste à ce jour le plus jeune joueur belge à y avoir participé. Alors qu’il est pressenti pour devenir le patron de l’usine Solvay de Jemeppe-sur-Sambre qu’il a rejoint après ses études d’ingénieur civil, il lâche la proie pour l’ombre et prend la direction du Sporting où il enfile le costume de directeur général. Il passera plus de temps dans les tribunaux à se battre pour éviter la faillite qu’à signer des contrats. Au bout du compte, c’est la désillusion. Licencié, il se retrouve quelque temps sans emploi. Puis il enchaîne les petits boulots – apprenti maçon, aide-jardinier, clarkiste… ça ne s’invente pas ! – avant de proposer ses services en tant que consultant d’entreprise.
De la Carolorégienne à l’aéroport de Charleroi
C’est dans le logement social qu’il rebondit. S’il n’y connaît pas grand-chose, il apprend vite. Et fait ce qu’il réussit le mieux : motiver le personnel. À un point tel que les progrès de son département contrastent avec les mauvaises notes de la gestion de la société. Nous sommes à la Carolorégienne, par laquelle les scandales politico-judiciaires de Charleroi arriveront en septembre 2005. Jean-Jacques Cloquet a eu le tort d’être meilleur que les autres gestionnaires. Il est poussé vers la sortie, pour un motif à tomber de sa chaise : on le trouve… surqualifié ! Cette fois encore, il va atterrir où personne ne l’attend. Et pour atterrir, rien de tel qu’une piste d’aéroport. Bien qu’il n’ait aucune notion d’aviation, le voilà débauché
pour développer la partie commerciale du nouveau terminal de BSCA (Brussels South Charleroi Airport), ainsi que l’activité parking. Entré sous le statut d’indépendant, il signe trois mois plus tard son contrat d’employé, puis de cadre quand il devient directeur des ressources humaines. Avant d’être promu directeur général et, enfin, administrateur délégué. Et dire qu’il n’était même pas candidat !
Un nouveau défi à Pairi Daiza
C’est au cours des dix années qui vont suivre qu’il prend la dimension médiatique et se forge le caractère trempé qu’on lui connaît. Ce qui l’a poussé à accepter cette année ce nouveau challenge à Brugelette ? « J’étais arrivé au bout d’un cycle », confie-t-il. « J’avais besoin de défis et Eric Domb était celui avec lequel je rêvais de travailler. Après avoir lu une interview où je confiais ma déception d’avoir été déshabillé de mes prérogatives de CEO par le gouvernement (sans
en perdre le salaire), Eric m’a fait un appel du pied. Il a demandé à me voir rapidement. Le lendemain, on tombait d’accord sur le principe. J’ai rejoint Pairi Daiza en janvier. Ma mission : gérer l’opérationnel et la croissance du parc zoologique. ».
Aux portes de deux nouveaux mondes
Le samedi 6 avril dernier, il ne manque pas l’ouverture de la saison. Le moment est magique. D’ambitieux projets l’attendent : la création de deux nouveaux mondes d’une étendue respective de 8 et de 4,5 ha. Le premier, « La Dernière Frontière », dont l’ouverture est annoncée au début de l’été, plongera le visiteur dans le décor de la Colombie britannique, une province de la côte ouest du nord du Canada. On y verra des loups, des ours bruns et noirs, des pumas, des otaries de Steller, des élans… Le second, « La Terre du Froid », devrait être prêt en fin d’année et présentera la faune, la flore et l’architecture des grandes plaines de la Sibérie, de la Laponie et du Cercle arctique. « Ces projets mobilisent un investissement de l’ordre de cent millions € : c’est dire la mesure du défi », souligne-t-il. Un défi qui se complète par le lancement d’une nouvelle activité d’hébergement sur le site. Des gîtes à thème et un hôtel accueillent, depuis fin juin, le
visiteur qui peut passer la nuit au parc de Brugelette.
Une cascade de prix
Ce qui forge la personnalité d’un homme, c’est d’abord son éducation. Jean-Jacques Cloquet a grandi un pied dans la famille paternelle issue de la haute bourgeoisie, l’autre dans le milieu modeste des parents de sa maman. « Et j’ai pris le meilleur des deux mondes », aime-t-il à souligner. Quant aux rencontres et expériences de la vie, elles en ont fait un patron atypique que beaucoup de travailleurs voudraient avoir. Les nombreux prix qu’il a reçus durant sa carrière confirment son talent : manager de l’année à Charleroi en 2010, CEO « HR minded » (patron le plus social) en 2016, « Man Of The Year » de l’Aviation Press Club, manager de l’année du magazine Trends Tendances et lauréat des Lobby Awards (pour
son influence dans les médias) en 2018.
Et le jardin devint Eden
Un jardin zoologique de 70 ha, quelque 7 000 animaux issus de 700 espèces, une reconnaissance internationale et le label du plus beau parc d’Europe : avec ses deux millions de visiteurs en 2018, Pairi Daiza évolue désormais dans la cour des grands. Ce succès, c’est d’abord l’histoire de la rencontre d’un homme avec un site exceptionnel. En 1992, Eric Domb découvre le domaine de l’ancienne abbaye de Cambron Casteau sur 52 ha. Il décide d’en faire un parc ornithologique inspiré de celui de Walsrode dans le nord de l’Allemagne. Paradiso ouvrira ses portes en mai 1994. Le lieu offre douze kilomètres de sentiers et six d’enclos où vivent quelque 1 600 oiseaux. Le démarrage est difficile : cinq ans sont nécessaires avant d’atteindre la rentabilité. C’est en 2010 que sonfondateur décide de passer à la vitesse supérieure. Paradiso devient Pairi Daiza, ce qui signifie en ancien persan « Jardin clos », le plus vieux paradis du monde. Quatre ans plus tard, le parc accueille deux pandas géants, comme seuls sept autres zoos en hébergent sur le vieux continent. La femelle Hao Hao et le mâle Xing Hui vont contribuer à asseoir sa reconnaissance internationale. Le couple se porte bien et, en 2016, la famille s’agrandi avec l’arrivée d’un petit. Et une nouvelle insémination réussie augure peut-être d’une deuxième naissance.
En expansion avec l’aménagement de nouveaux univers thématiques, Pairi Daiza n’a pas fini de grandir. Il compte parmi ses pensionnaires des animaux en grand danger de disparition, comme les aras de Spix, une race de perroquetsconsidérée comme éteinte à l’état sauvage. Le domaine s’articule autour de zones thématiques, des mondes peuplés et construits avec soin, dans le souci de la qualité de vie des pensionnaires, sous la supervision de l’éminent zoologiste Tim Bouts. Pairi Daiza est un des huit zoos « 3 étoiles » au Guide Vert Michelin dans le monde, avec les zoos français de Beauval (Loir-et-Cher) et La Palmyre (Charente-Maritime), ceux de Berlin, Lycksele (Suède), Omaha (États-Unis), Singapour et Toronto (Canada). Engagé dans des programmes de conservation des espèces menacées (88), il participe à des missions scientifiques en faveur du maintien de la biodiversité.
Ses trois endroits préférés en Wallonie
- Pairi Daiza. Pourquoi aller au bout du monde alors que le parc zoologique concentre cinq continents sur une septantaine d’hectares ? « C’est un mélange d’authenticité et de spiritualité en lien avec la nature. Un endroit majestueux et apaisant qui fait du bien à l’âme. »
- Les Lacs de l’Eau d’Heure. Ce n’est pas avec le regard du président, mais celui de son enfant intérieur que Jean-Jacques Cloquet admire ce domaine à cheval sur les provinces de Hainaut et de Namur. « Rien de tel pour se ressourcer ou pratiquer un sport. »
- L’aéroport de Charleroi. Il y a passé dix années et laissé de nombreuses traces. Mais il y est de retour depuis peu comme administrateur. L’homme en connaît tous les secrets. « C’est un outil qui fait la fierté de la Wallonie, pour son développement économique et l’expansion de son emploi.»
Bio express
- Marié, 7 enfants, domicilié à Thy-le-Château dans l’Entre Sambre et Meuse
- 1960 : naissance à Houdeng le 31 juillet
- 1978-1986 : joueur de football au Sporting de Charleroi
- 1978-1983 : études d’ingénieur civil aux Facultés polytechniques de Mons
- 1984-1999 : cadre supérieur chez Solvay
- 1999-2000 : MBA (maîtrise en administration des affaires) à Lausanne
- 1999-2002 : directeur technique de l’usine SolVin (Solvay) à Jemeppe-sur-Sambre
- 2002-2003 : directeur général du Sporting de Charleroi
- 2004-2005 : consultance en entreprises
- 2005-2007 : directeur technique à la Carolorégienne
- 2008-2018 : employé à l’aéroport de Charleroi, puis DRH, DG et CEO
- 2019 : CEO de Pairi Daiza en charge du commercial et de l’opérationnel