- Dossier
Par Christian Sonon
Situés à Anhée, en Haute-Meuse, les Jardins d’Annevoie est en domaine vivifiant en perpétuel jaillissement. On y vient de très loin pour découvrir ses jeux d’eau, merveilles d’ingéniosité conçues voici 260 années.
C’est à Charles-Alexis de Montpellier, issu d’une famille de maîtres de forges, que l’on doit les Jardins d’Annevoie, magnifique écrin naturel baigné en permanence par le Rouillon et traversé chaque saison par quelque 60.000 visiteurs. Désireux de magnifier ce domaine qui venait de tomber, par héritage, dans l’escarcelle familiale, cet amoureux de la nature se lança, en 1758, dans l’agrandissement du château et l’aménagement des jardins. Pour ce faire, il s’inspira de ses nombreux voyages en Europe, ce qui explique cet harmonieux mélange des philosophies française, anglaise et italienne, dans la conception des jardins comme des fontaines et jets d’eau. Car si les allées se bordent de fleurs au gré des saisons, si les haies et les allées de tilleuls et de charmes accompagnent en frétillant les pas des visiteurs, c’est l’eau qui est la grande attraction du domaine puisque pas moins de vingt-sept jeux d’eau (cascades, fontaines et jets) y ont été aménagés et constituent les véritables curiosités du site.
« La grande particularité des Jardins d’Annevoie c’est que chaque écoulement, chaque jeu d’eau, se fait naturellement, explique Nathalie de Changy. Par un long et savant réseau de canalisations, l’eau de la vallée est acheminée vers un bassin, le Grand Canal, qui surplombe les jardins et, de là, elle s’écoule, par la force de la gravité, vers les cascades et fontaines judicieusement aménagées dans chaque partie du domaine. Depuis 260 ans, tout fonctionne sans aucune machinerie. »
Chaque cascade a son bruit, chaque jeu d’eau son histoire
Et la directrice du site de faire remarquer que si les jardins flattent l’œil différemment selon leur architecture – rectiligne pour le style français, courbe pour l’italien et sauvage pour l’anglaise –, ils interpellent également l’ouïe d’une façon très spécifique. « La cascade française est bruyante, elle s’entend de loin ; la nappe italienne n’est que murmure, elle descend les marches en douceur sans casser l’eau ; la cascade anglaise imite la nature, c’est une eau vive qui se faufile à travers la verdure… »
Le Gros Bouillon, le Grand Cracheur, la Fontaine Triton, l’Etang des Carpes, le Miroir, le Bassin de l’Artichaut, le Cabinet de Minerve… chaque jeu d’eau a sa raison d’être dans l’esprit de son créateur-poète. C’est ainsi qu’au centre de la charmille – l’Allée des Soupirs –, on peut découvrir le Salon du Sanglier, une statue inspirée du sanglier en bronze trônant sur une place à Florence et dont le museau est lustré par les mains des passants qui espéraient voir ainsi se réaliser leur vœu. Parce qu’il aurait été trop onéreux de la réaliser en bronze, Charles-Alexis de Montpellier a choisi d’en commander une copie en pierre calcaire. Et les visiteurs peuvent formuler un vœu en abaissant avec leur main la hauteur du jet de la Fontaine d’Amour toute proche.
Un buffet d’eau exceptionnel
Si l’ensemble est dépourvu de machinerie, la présence de plusieurs jardiniers est néanmoins indispensable, été comme hiver, afin de maintenir chaque jet en parfait état de marche. Des feuilles, une branche, une… anguille, peuvent en effet nuire à son bon fonctionnement de sorte que des entretiens doivent être faits régulièrement. « Le Buffet d’eau est particulièrement bichonné, confie la directrice. C’est le seul en Belgique, et peut-être même en Europe, qui soit toujours en parfait état de fonctionnement depuis sa création. Il est constitué d’un ensemble de petits jets d’eau montant tous à la même hauteur. Les ajutages qui les régulent doivent donc être constamment vérifiés. »
Une réhabilitation en cours
Si les jardins et les pièces d’eau ont été conservés dans leur état d’origine, il n’en est pas moins vrai qu’au fil du temps la nature a fait son œuvre et qu’un travail de restauration et de mise en valeur s’impose. C’est l’objectif que s’est fixé la fondation privée créée par le Belgo-Suisse Ernest-Tom Loumaye qui racheta le domaine d’Annevoie en 2017. « Sous la conduite d’un architecte paysagiste, les jardins vont être réhabilités zone par zone, explique Nathalie de Changy. Des recherches historiques et des curages ont en effet permis d’en apprendre davantage sur leur état initial. C’est ainsi que l’on a retrouvé d’anciens jets d’eau. Des fontaines vont donc être remises au goût du jour, des statues vont retrouver leur lustre d’antan, des haies vont être recalibrées... »
Le château – qui ne se visite pas – n’a pas échappé à ces travaux de restauration. Sa façade a ainsi été recouverte d’un nouvel enduit de teinte beige, tel que ceux que l’on utilisait à l’époque afin de protéger les briques. Les travaux devraient être terminés pour ce printemps.
« Les Costumés de Venise »
Du 8 au 10 juin, pour la 9e année consécutive, les gestionnaires du Domaine d’Annevoie ont invité, sur base d’une sélection qualitative très stricte, des participants au Carnaval de Venise à défiler et à animer les jardins habillés de leurs beaux costumes (plus d’une centaine). Les jets d’eau remplaceront les pluies de confettis. Le public sera aux premières loges. De même que le château qui tentera de se cacher derrière son nouveau masque : sa façade reliftée !
Les Jardins d’Annevoie
Rue des Jardins 37a
B-5537 Annevoie-Rouillon (Anhée)
+32 (0) 82 67 97 97