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Par Laurence Cordonnier
Grandvoir est un petit village de 300 habitants au cœur de l’Ardenne, aux confins de Neufchâteau, Bertrix et Libramont. Un petit village traversé par une rivière, la Vierre, et qui compte aussi un illustre château magnifiquement rénové. En son sein, un hôtel, un petit restaurant gastronomique et une micro-brasserie produisant la bière Le Vaurien.
La date de construction du Château de Grandvoir n’est pas déterminée avec certitude. Il existe en tous cas depuis « avant 1642 » car cette date est inscrite sur la cheminée de l’ancienne bibliothèque, prouvant donc l’antériorité de la construction. Quoi qu’il en soit, le lieu est habité depuis bien longtemps et le château tel qu’il existe aujourd’hui, sous forme de quadrilatère, est le fruit d’ajouts successifs au fil du temps. Il parait qu’au Moyen Âge le château était entouré d’eau (La Vierre avait été détournée) et on y accédait via un pont-levis, exactement comme dans Robin des Bois !
Les Collard de Belloy
A partir de 1668, des forges sont établies à Grandvoir par une illustre famille qui possédait plusieurs forges et seigneuries dans la province de Luxembourg, la famille Petit. Les forges connaîtront de belles années avant de décliner au début du 19e siècle. C’est à cette époque que les « Collard » – un nom de famille aussi répandu en Ardenne que Dupont et Dupond – firent leur apparition à Grandvoir. Bourgeois, ils ne se considéraient pas comme de simples « Collard ». Ils décidèrent donc d’agrémenter leur patronyme pour devenir des « Collard de Belloy ».
C’est Jean-Herman Collard, brillant homme de lettre et législateur, qui racheta le château en 1813. Sa gestion sévère du domaine lui attira quelques ennemis du côté du village, à tel point qu’il fut retrouvé égorgé dans les bois un an à peine après son installation à Grandvoir.
Après ce meurtre qui reste à ce jour non élucidé, son frère reprit la gestion du château avant de céder le relais à ses filles, Joséphine et Elisabeth Collard de Belloy. Joséphine était l’épouse d’un riche industriel tourmenté par les démons du jeu (et aux fréquentations douteuses) dont elle finira par se séparer. Elisabeth, quant à elle, restera célibataire, se languissant secrètement d’une improbable demande en mariage du prince Pierre-Napoléon Bonaparte, le neveu du célèbre Napoléon. On raconte qu’elle avait même acheté pour lui le château de Rochefort, dans l’espoir qu’il se sédentarise auprès d’elle. De son côté, le prince, personnage brutal et assez controversé (outre ses victimes au combat, on lui attribue quelques meurtres), déjà en couple, profitait de sa relation avec Elisabeth pour assouvir sa passion pour la chasse sur les terres de Grandvoir.
Une bibliothèque inestimable
Joséphine et Elisabeth Collard de Belloy moururent dans l’indigence, abusées par deux de leurs employés qui les dépouillèrent de leur fortune. A leur décès, leur héritier fit toutefois réaliser des recherches approfondies des lieux et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il fut bien inspiré. Caves, souterrains, greniers, murailles et même parquets recelaient de précieux trésors, notamment une bibliothèque inestimable, probablement dissimulés par avarice. Il décida de vendre tout en vente publique.
Ensuite, le château repassa aux mains des descendants de la famille Petit qui possédait le château durant sa période de forges, avant de passer par différents propriétaires et de subir l’usure du temps. En 2011, le domaine est racheté et magnifiquement restauré par un jeune couple passionné par l’accueil, la chasse et la gastronomie, Geoffroy et Barbara Dewitte.
Grandvoir, plutôt cinq fois qu’une !
1. La table
Retenez bien ce nom : Antoine Rigaux. Du haut de ses 23 printemps, le Chef envoie à table des œuvres audacieuses, maîtrisées et aux saveurs locales (lors du service, on vous explique d’où viennent les ingrédients). Deux menus : le menu Vaurien et le menu du marché. Le menu Vaurien décline de maîtresse manière les saveurs de la bière : orge, houblon et céréales. Après le service, le jeune Chef, qui a fait ses armes chez un certain Maxime… Collard, se prête volontiers au jeu de l’interview.
2. La Brasserie Vaurien
S’inspirant du nom des habitants des villages de Grandvoir et Petitvoir, cette bière blonde à haute fermentation est particulièrement désaltérante, idéale pour les troisièmes mi-temps ! Et d’ailleurs, à Grandvoir, on les connaît bien les troisièmes mi-temps puisque la Brasserie sponsorise le club de foot de 3e provinciale.
3. La déco des lieux
Quand vous pénétrez dans les salons rénovés du château, dans le restaurant ou dans les chambres, vous avez l’impression d’entrer dans une page de magazine déco. Rien n’est laissé au hasard, tout est minutieusement mis en scène pour produire l’effet « WAW » dès les premières secondes. Et cet effet est aussi chaleureux et sincère que le craquement du feu de bois qui crépite dans les grandes cheminées du château. Les propriétaires des lieux ont un sens du détail cumulé à un goût remarquable qui permet de faire cohabiter harmonieusement le patrimoine du château comme un vieux prie-Dieu, un design épuré plus contemporain à l’image des splendides et spectaculaires escaliers de métal et l’âme de la chasse qui habite véritablement les lieux. Les éclairages sont subtilement dosés, les odeurs sont discrètement envoûtantes, l’entretien des lieux est exemplaire. On ne peut que s’y sentir bien.
4. Les recoins insolites
Entre la cloche du château, son fumoir, le vaisseau de Dark Vador et les pierres tombales des Collard, il y a de nombreuses choses à voir à Grandvoir ! Et le château réserve encore bien d’autres surprises !
Notre coup de cœur ? Le fumoir, adorable petit salon qui sent bon. Il y règne une délicate odeur légèrement fleurie. Et le plus adorable dans ce fumoir est sans hésiter son second petit salon, lieu aussi insolite qu’improbable, adorablement logé dans l’ancien four à pain. On y rentre donc plié en deux avant de s’asseoir dans l’un des fauteuils sélectionnés avec goût, comme tout le reste du mobilier du château.
Dans la salle de réunion, les amateurs de Star Wars reconnaîtront entre autres l’un des vaisseaux de combat de Dark Vador et le X-Wing Starfighter modélisé en Légo®. Il s’agit de la touche personnelle du fils des propriétaires, passionné par cet univers fantastique.
La salle de bal recèle, quant à elle, un des trésors historiques du château, les pierres tombales de la famille Collard (de Belloy). Seulement quatre pierres sont exposées alors que les Collard étaient six ! Où sont les deux autres ? Mystère… On raconte que lorsque l’avant-dernier Collard décéda, la pierre fut jugée superflue car le dernier descendant était aveugle. Et lorsque celui-ci vint à s’éteindre à son tour, les villageois nourrissaient une telle haine envers la famille que personne ne se donna la peine de recouvrir son caveau d’une pierre !
5. L’esprit de la chasse
Grandvoir, c’est la chasse. Les passionnés y apprécieront une décoration inspirée de cet univers et de nombreux trophées. Le Chef du restaurant étant amateur de viandes fortes, il est fort probable qu’à l’automne, les gibiers soient également à l’honneur dans les assiettes !
Entretien avec le Chef
Son geste technique favori
« Poêler des viandes et des poissons. J’adore le feu, même si ici on travaille avec de l’induction. »
Sa confiture préférée
« Je préfère le saucisson ! Mais parmi les confitures que je propose au Château, celle d’abricot, badiane, vanille et orange est celle que je préfère. »
Son ingrédient favori
« J’aime beaucoup les épices originales et les épices asiatiques. Par exemple, le poivre de Sichuan, le citron vert, le gingembre ou le sésame torréfié. »
Son plat préféré
« Lorsque je vais au resto et qu’il y a un menu, je ne change rien. Si je choisis, je prendrai toujours de la viande et pas du poisson. J’aime particulièrement les viandes fortes, le gibier et surtout le lièvre. »
Sa boisson préférée
« Le gin. Je peux passer 40 minutes à déguster un verre, découvrant à chaque gorgée un nouvel arôme. »
Son dessert préféré
« La tarte au citron meringuée pour son acidité et sa fraîcheur en fin de repas. »
EN BREF
Description du lieu : château-ferme en quadrilatère autour d’une cour intérieure. Il comprend deux grands corps de logis, un corps de garde, des écuries et une grange.
Matériaux : moellons en grès schisteux (pierre de la région)
Construction : depuis l’époque romaine, l’emplacement du château semble être habité. Il est ensuite fortifié au Moyen Âge et reconstruit au 17e et 18e siècles.
Transformation : en 2012, Grandvoir est rénové par un jeune couple bruxellois doté d’un sens du goût remarquable et sans nul doute entouré d’artisans exceptionnels.
Aujourd’hui : un hôtel de 8 chambres, un petit restaurant gastronomique de 18 à 20 couverts, quelques élégants salons, deux salles de banquet et enfin la micro-brasserie produisant la bière Le Vaurien.
Restaurant :