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Par François Colmant
Depuis trois ans, Audrey Moineau et sa « Tasting Room » se spécialise dans l’importation des vins fins du Nouveau Monde. À bas les stéréotypes, découvrez avec elle les saveurs de contrées fort fort lointaines.
« Quand le vin est tiré, il faut le boire. Surtout s’il est bon. » Marcel Pagnol, grand amateur de vin, n’aurait sans doute pas rechigné à l’idée de poser ses lèvres sur les vins exotiques qui séduisent de plus en plus de palais. Produits pour la plupart depuis de nombreuses années, les vins dits du « Nouveau Monde » demeurent en revanche assez méconnus dans nos contrées. Car si ceux-ci garnissent depuis pas mal de temps les rayons des supermarchés, ils pâtissent en revanche de quelques clichés ou images réductrices. Goût formaté et conservation difficile, ces « sous-vins » ne seraient bons que pour accompagner un apéro au soleil, voire un barbecue estival. « Les stéréotypes sont tenaces », concède Audrey Moineau, fondatrice de The Tasting Room. « Pourquoi un vin sud-africain ne pourrait-il pas mûrir dans une cave à la manière d’un Bourgogne ou proposer des parfums délicats ? Les méthodes de vinification sont les mêmes qu’en Europe. N’importe quel vin de qualité, d’où qu’il provienne, peut parfaitement vieillir dans de bonnes conditions ! »
Si certains tombent dans la barrique quand ils sont petits, ou du moins en âge d’apprécier le divin nectar, le parcours est sensiblement différent pour Audrey Moineau. Diplômée en droit et spécialisée dans la propriété du droit d’auteur, cette jeune Liégeoise ne s’imaginait pas, il y a encore quatre ans, devenir importatrice exclusive pour de nombreux domaines vinicoles sud-africains. « En 2009, je suis partie en séjour prolongé en Afrique du Sud. Je pensais y travailler dans ma branche, mais les offres d’emplois ne correspondaient pas vraiment. » Découvrant les vins du pays, « un véritable coup de foudre, » Audrey pousse la logique jusqu’au bout en suivant les cours d’une académie d’oenologie. « Pour la première fois de ma vie, j’étais première de classe », sourit-elle. D’un naturel fonceur, elle décide rapidement de se reconvertir dans le négoce de vin et, quelques mois à peine après ses premiers cours, fonde sa société en Belgique. « Après une étude de marché, je me suis rendu compte qu’il y avait une place à prendre car aucun importateur n’était présent en Wallonie. » Les premiers contrats sont rapidement signés et l’aventure The Tasting Room lancée. D’abord dans une pièce aménagée dans la maison familiale, ensuite par la création d’un site d’e-commerce, et enfin, par l’installation d’un point de vente à Chênée, en banlieue liégeoise. Les contacts se nouent avec différents cavistes et restaurateurs, non sans mal. La méfiance à l’égard d’un terroir aussi éloigné ne pouvant se vaincre sans une bonne dose de pédagogie. « On pense souvent à tort que l’Afrique du Sud ne produit que du blanc, qu’elle ne compte que peu de cépages, alors qu’on en dénombre près de 90 différents. Ou que pour obtenir un bon vin, il faille nécessairement délier les cordons de la bourse. Mais les mentalités évoluent, heureusement ! »
« On pense souvent à tort que l’Afrique du Sud ne produit que du blanc, qu’elle ne compte que peu de cépages, alors qu’on en dénombre près de 90 différents. Ou que pour obtenir un bon vin, il faille nécessairement délier les cordons de la bourse. Mais les mentalités évoluent, heureusement ! »
Quant à l’argument écologique, Audrey Moineau l’a tourné en avantage. « J’ai toujours eu le souci de l’environnement, du développement durable. L’Afrique du Sud est justement pionnière et leader mondial dans le domaine de la production de vin durable. Elle a créé des labels et certifications strictes, qui vont même plus loin dans leur démarche que nos propres réglementations bio. » Reste le transport. « Un vin transporté d’Italie en camion aura un coût carbone plus élevé qu’une bouteille arrivée jusque chez nous par bateau ! On l’importe en quantité suffisante pour que son coût global soit le moins élevé possible. » Si les vins sud-africains constituent sa marque de fabrique, Audrey ne s’interdit cependant pas de s’ouvrir à d’autres régions du monde. « L’appellation “Vins du Nouveau Monde” regroupe tous les vins qui proviennent principalement de l’hémisphère sud. Nous allons bientôt proposer des vins d’Argentine, du Chili ou d’Australie. » Tout en ne s’interdisant pas quelques découvertes plus locales dans une catégorie particulière, l’« Audrey’s selection ». « L’idée reste la même, à savoir explorer des sentiers moins connus ou plus audacieux. Je vais ainsi proposer un vin uniquement produit à Venise qui vaut vraiment le détour ! » Car l’activité de The Tasting Room ne se limite pas à l’exportation de vins fins mais surtout à sa découverte en organisant des évènements à domicile ou en entreprise. « On essaye de marier les goûts, de surprendre, en proposant différentes saveurs qui peuvent se compléter, comme du chocolat et du vin par exemple. » Un vin bien choisi donne un meilleur goût aux choses. Une maxime qu’Audrey Moineau pourrait ériger en sacerdoce.
Renseignements et commandes :
L’Afrique du Sud et le vin Quelques chiffres :
• Activité : depuis le milieu du XVII e siècle
• 7e producteur mondial
• Production : près de 10 millions d’hectolitres par an
• Plus de 600 domaines différents